Alevinages et truites sauvages : Quand la science permet de comprendre l’après crue 2013

Pêche pyrénées

Les  bassins de la Pique et de la Garonne amont ont connu en juin 2013 une crue historique. Ce flot brutal a produit une quasi « remise à zéro » des populations de truites. Cette occasion rare de suivre la recolonisation et le rôle des alevinages n’a pas été manquée par la fédération 31 pour comprendre le fonctionnement de ces cours d’eau. Elle a donc fait appel à Gilles Bareille, géochimiste de l’université de Pau, et à Simon Blanchet, généticien au CNRS.

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Dans son squelette, la truite intègre des minéraux de son milieu de croissance et les conserve au cours du temps. Ainsi une truite née en pisciculture ou dans tel ruisseau, en garde la marque même si elle a été déversée ailleurs ou a migré. Gilles Bareille, en analysant leurs otolithes (petit os de l’oreille interne) a pu montrer d’où proviennent, où sont nées et où ont grandi, les truites échantillonnées dans le bassin de la Pique et de la Garonne. En analysant leur ADN, Simon Blanchet a pu détecter de quelles lignées génétiques ces truites étaient issues. Croiser la somme de ces informations à l’échelle de ce bassin de Garonne amont a révélé des processus dont la compréhension sera très utile pour assurer la gestion piscicole du secteur.

Une recolonisation très inégale

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Les échantillonnages ont été effectués en 2016, afin d’observer les effets des premières reproductions après la crue. Sur le bassin de la Pique, la remontée des effectifs a été très rapide. Dès 2015, on retrouvait déjà des densités comparables à celle d’avant la crue.

Sur la Garonne tout en amont, dans le secteur de Fos et Saint-Béat, le curage du plan d’Arem en 2014 a fait descendre la population à un niveau encore plus bas que la crue l’année précédente, mais depuis, la recolonisation suit une dynamique , confirmée en 2017, qui se rapproche de celle de la Pique.

Sur l’aval de la Garonne : de Montréjeau à Saint-Martory, les densités demeurent relativement faibles et ne progressent pas autant depuis la crue. Toutes ces données démographiques récoltées lors des pêches électriques des agents de la Fédération 31 ne répondent toutefois pas à une question cruciale : d’où proviennent ces truites ?

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Des alevinages utiles à certains endroits…pas du tout à d’autres

Après la crue comme avant, les alevinages en œufs, alevins et truitelles ont été très importants, presque deux millions d’individus annuellement, de haut en bas des cours d’eau, tous stades confondus répartis entre Pique et Garonne. Dans des milieux où les truites sauvages étaient très peu nombreuses puisque décimées par les flots de 2013, on aurait pu penser que les truites d’alevinage allaient bien profiter de cette absence de concurrence.

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Or, comme le révèle l’étude des otolithes, dans le cas de la partie la plus en amont de la Garonne et plus rapidement encore de la Pique, il n’a pas fallu bien longtemps pour que les truites sauvages recolonisent leur territoire et fassent quasiment disparaitre toute trace de truite d’alevinage. Plus bas sur la Garonne, le regonflement des effectifs, beaucoup plus poussif, doit cependant beaucoup aux alevinages.

Des enseignements intéressants à tirer pour la gestion piscicole

Clairement, l’intérêt de l’alevinage apparaît comme très différent suivant les secteurs. Décisif pour l’aval, sa nécessité et son efficacité n’apparaissent pas significatives sur la Pique et l’amont de la Garonne. Une première conséquence importante a été tirée par l’AAPPMA de Luchon, gestionnaire du bassin de la Pique, qui a décidé de cesser définitivement les apports en œufs et alevins dès cette année. Un changement à saluer mais  qui s’impose devant des résultats aussi nets…qui ne font que confirmer les nombreuses observations et diagnostics des années précédentes.

Dans les contextes fonctionnels du bassin de la Pique, ou dans celui plus ou moins temporairement régénéré (l’avenir le dira) par la crue de 2013 de la Garonne amont, la reproduction naturelle reprend rapidement sa dynamique.  Mais plus loin vers l’aval, où les fonds demeurent colmatés et les truites peu mobiles entre les barrages, les alevinages compensent en partie seulement cette dégradation du milieu naturel par l’hydroélectricité. Quant au stade d’alevinage (le graphique ne distingue pas l’œuf de l’alevin à résorption de vésicule. D’autre part, les truites déversées au stade portions surdensitaires sont exclues de l’analyse), il semble que les variations observées reflètent plus la pratique localement utilisée pour repeupler qu’une différence d’efficacité entre les stades d’apport, tous représentés, mais ce point méritera d’être affiné ultérieurement.

(Source : « JE PECHE » brochure téléchargeable de la FDAAPPMA31)

A propos de l'auteur

Simon est né dans le département du Gers et a découvert la pêche à l'âge de 10 ans. Bien qu'initialement éloigné des rivières pyrénéennes qui lui sont chères…