Un début de saison au poisson nageur

grosse truite

Les pêcheurs de truites n’apprécient que peu les conditions du début de saison. Il est vrai que les eaux froides des semaines suivant l’ouverture ne favorisent pas la mise en activité des poissons. Cette relative apathie peut paraître encore plus problématique lorsque l’on pratique la technique la plus dynamique de toutes : la pêche aux leurres. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui préfèrent attendre que le printemps soit bien installé pour sortir les poissons nageurs (PN) de leurs boites. Pourtant, il est tout à fait possible de réussir son début de saison au PN en respectant quelques principes.

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Au bon moment au bon endroit

Si les poissons s’économisent, ils continuent malgré tout de s’alimenter lors de courts instants d’éveil, essentiellement aux heures les plus chaudes. C’est donc à la mi-journée que le pêcheur doit pratiquer. Si le créneau 11h-16h est le meilleur, la fenêtre d’activité peut parfois se prolonger jusqu’au coup du soir, notamment lors de belles journées propices aux éclosions tardives. De petits coups d’eau peuvent aussi être bénéfiques, à conditions qu’ils restent raisonnables et que l’écoulement ne soit pas trop chargé.

Il est indispensable de prendre le temps de la réflexion pour bien choisir son parcours. La sélection s’effectue bien souvent par défaut. Il semble judicieux de commencer par rayer de la liste des prétendants les cours d’eau les plus froids, et particulièrement ceux soumis à la fonte des neiges. Aussi, mieux vaut éviter les profils les plus rapides qui ne sont que rarement productifs à cette période de l’année. Les secteurs les plus calmes et notamment ceux situés en fin de première catégorie piscicole sont à privilégier. Les truites y trouvent des températures un peu plus élevées qu’en amont et y sont donc en activité plus longtemps. Dans la même logique, la recherche de biefs aux eaux moins froides, de portions aval de retenue de barrage peut également constituer un bon choix… à conditions que les variations artificielles de débits ne viennent pas contrarier la pêche pour ces dernières.

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Elle était postée à la jonction courant-pool. Elle a dévalé en faisant de multiples chandelles… Un moment intense !
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Tous les postes habituels peuvent abriter des poissons susceptibles de réagir à un leurre. Mais ils ne sont que rarement occupés en même temps. Il faut donc trouver les zones de tenue du moment. Bien sur, les courants principaux sont les secteurs d’alimentation préférés des truites. Ils sont à prospecter en priorité. La zone où le flux s’amortit en rejoignant la fosse, est certainement le meilleur spot de début d’année. C’est là qu’il faut insister. Mais il arrive parfois, notamment lorsqu’il fait très froid, que les courants soient désertés et que les touches aient lieu sur les plats. Ne les laissez donc pas de côté, d’autant plus quand les postes habituels sont vacants. Aussi, les zones ensoleillées peuvent être les seules productives. Les truites aiment rechercher la chaleur des rayons de soleil en début de saison.

Il est 11 heure. Le soleil éclaire maintenant franchement un magnifique courant régulier décrivant un léger arc de cercle. L’atmosphère s’est adoucie depuis ce matin, nous rappelant que le printemps n’est plus très loin. De petites éclosions débutent. En face de nous, au pied de la berge concave plus profonde, nous distinguons de petites silhouettes qui commencent à se retourner furtivement aux passages de nos leurres. Peut-être même que les premières touches, encore timides, se font sentir dans la canne. Les truites ont fait l’effort de gagner les courants, mais elles ne gaspillent pas d’énergie inutilement et restent calées sur un poste leur permettant de s’alimenter en étant peu mobiles. Ce comportement est exacerbé pour les plus gros poissons qui, lorsqu’ils sont visibles, paraissent presque figés. D’ailleurs, seulement de petits sujets se sont manifestés jusqu’à présent. A nous de soigner nos dérives pour concrétiser ces tapes et essayer de décider la reine des lieux. Si une truite postée peut engloutir facilement toutes sortes de crustacés ou d’insectes poussés par le flux juste en ouvrant la bouche, il n’est pas du tout certain que ce même poisson soit prêt à chasser un PN passant plus vite, plus loin et beaucoup moins naturellement.

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La « strike zone » est particulièrement réduite en début de saison. La juste présentation du leurre aux poissons est primordiale. Il faut être précis, passer au plus près de leurs tenues. Pêcher amont, aval ou en travers n’est pas forcément déterminant si l’on parvient à placer le leurre à proximité de la bouche des mouchetées… sauf certains jours où ces capricieuses n’acceptent que les dérives avals et où le pêcheur doit développer des trésors de patience et de technicité pour faire glisser le leurre dans la bouche de la truite… Avez-vous déjà essayé de donner à manger à un bébé qui ne veut pas de votre purée de légumes bio faite maison ? Cette situation est assez similaire et toute aussi déconcertante.

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Une truite aux teintes peu communes qui a succombé à un coulant rapide...
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Quels types de leurres ?

Les farios évoluant à proximité du fond de la rivière, il est souvent nécessaire, pour réussir son passage et déclencher l’attaque, d’employer un poisson nageur coulant rapidement (souvent commercialisé sous les appellations « Heavy Weight », « Heavy Sinking » ou dans le style). Ces leurres très denses sont développés spécialement pour la truite et permettent d’aller chercher les poissons calés sur le fond. Il ne faut pas les récupérer trop rapidement mais plutôt leur faire « racler » le substrat. Il est d’ailleurs possible de laisser son heavy sinking rouler sur le fond, porté par le flux, pour l’animer au niveau d’un poste supposé. Ce mode opératoire permet de jouer sur l’effet de surprise et d’avoir une présentation beaucoup plus naturelle. Les propriétés de ces leurres très spécifiques les rendent indispensables, particulièrement dans la prospection des courants.

Mais il serait dommage de se priver d’un autre type de poisson nageur qui vient compléter la boîte du pêcheur de truites du début de saison : le minnow suspending. Ce leurre, de forme effilée et à la bavette courte, a la faculté de rester suspendu dans la colonne d’eau lorsque la récupération est stoppée. Il représente alors une provocation pour des prédateurs territoriaux et agressifs de nature. Aussi, par rapport à des leurres coulants ou flottants, le fait de rester immobile peut être un plus face à des poissons ne voulant pas s’épuiser à courser des proies trop mouvantes. Cette proie tétanisée constitue une belle aubaine alimentaire. Ces PN sont redoutables sur les radiers peu profonds et les grands calmes. Sur les plats, des pauses entrecoupées de courtes animations plus ou moins énergiques peuvent être la seule solution pour déclencher des attaques. Et n’oublions pas que plus les pauses sont longues, plus les truites se convainquent de monter de loin pour se saisir de cet intrus, ce qui est très utile quand la hauteur d’eau est conséquente.

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Elle a craqué pour un suspending qui a croisé son chemin sur un grand calme
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Est-ce que la taille compte ? Bien sûr, mais ce critère n’est pas primordial. Toutes les dimensions de leurre peuvent fonctionner en début de saison. Les minnows de 6-8 cm sont un bon compromis pour sélectionner les sujets adultes sans trop embêter les juvéniles. Il est tout à fait possible et même recommandé, de pêcher plus gros si ce sont les spécimens des rivières les plus larges qui sont ciblés. Mais s’il est une saison où il ne sert à rien d’employer des PN de 5 cm ou moins, c’est bien durant les semaines post-ouverture, à moins que vous ne pêchiez de petits ruisseaux. Nous verrons plus tard, en cours d’année, s’il est nécessaire d’affiner.

Au niveau des coloris aussi, il faut faire simple. Un ou deux naturels, qui se rapprochent du milieu pour lesquels ils sont destinés et un qui contraste totalement avec celui-ci, suffisent. La couleur « excitative » peut être redoutable en début de saison, sur des poissons qui n’ont pas été stimulés de la sorte depuis six mois. C’est aussi cette référence qu’il faudra sortir en cas d’eau teintée.

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Le poisson nageur est une alternative tout à fait judicieuse en début de saison. Parfois le pêcheur, surtout débutant (mais cela peut aussi arriver aux plus confirmés d’entre nous) peut se mettre à douter en se posant des questions sur des paramètres pas forcément déterminants : tresse ou nylon? agrafe ou anneau brisé ? Ce coloris correspond-il à la parure des goujons en fraie à cette période ? j’en passe et des meilleures… Il arrive à douter de tout et se met à mal pêcher. En respectant les principes énumérés dans cet article, vous devriez être dans le vrai. Il reste bien encore quelques truites dans les cours d’eau de la première catégorie française. Elles vous attendent dès le mois de mars !

Bon début de saison !

A propos de l'auteur

Comme ses aïeux, Pierre pêche depuis tout petit. A ses débuts, suivant la tradition locale pyrénéenne, il procède au toc. Mais dès le premier contact avec un lancer, il…