Ouverture en Plateau : le choix du cœur

Pêche leure

S’exposer aux frimas hivernaux et au vent froid parfois violent le jour de l’ouverture de la pêche de la truite n’est pas une démarche rationnelle ni logique au regard des conditions météorologiques qui sévissent parfois sur les plateaux du Massif Central à une période de l’année où le monde végétal et animal vit encore au ralenti. Cette conduite est davantage dictée par un besoin impérieux, voire irrépressible, de retrouver un univers familier dans lequel on aime évoluer, sans se poser la question de savoir si les conditions seront réunies pour piquer une ou deux truites de taille modeste ou si les intempéries nous conduiront à nous vêtir plus chaudement pour lutter tant bien que mal contre des températures si peu clémentes pour pratiquer notre discipline dans des conditions acceptables. Non, jeter son dévolu sur une rivière de plateau sinueuse et froide, dès le mois de mars, fait plutôt appel à notre mémoire et à ce tropisme qui nous conduit naturellement à rejoindre ces paysages quelquefois désolés et mystérieux qui nous attirent irrésistiblement, plutôt que de devoir rejoindre la cohorte des pêcheurs regroupés dans les vallées plus ensoleillées et par définition plus propices.

Texte

Généralement, la première impression qui m’étreint quand je rejoints une rivière coulant paresseusement au milieu d’un plateau, est ce sentiment de solitude dans lequel on est rapidement enveloppé alors que l’on traverse des landes désolées avant de rejoindre les berges du cours d’eau dont on espère secrètement que les niveaux ne seront pas trop hauts ni l’eau trop froide. Ces deux paramètres demeurent de loin les plus importants, notamment pour la pêche de la truite aux leurres car ils conditionnent la réussite d’une session. La stratégie à mettre en œuvre (pattern) doit par conséquent tenir compte de notre capacité à faire évoluer un leurre lentement et profondément très près des repères des poissons ou du lit du cours d’eau où le courant est très fortement ralenti, voire nul, notamment quand ce dernier est jalonné de roches et autres obstacles immergés. 

Image
Alain Foulon
Texte

La température de l'eau conditionne la stratégique

 

Avant même de sélectionner les secteurs à prospecter prioritairement, vous devez prendre la température de l’eau pour construite votre pattern. En effet, si le thermomètre indique une valeur inférieure à six ou sept degrés, il sera vraisemblablement nécessaire de débuter votre session au moyen d’un leurre à palette (cuiller tournante, ondulante ou leurre hybride) car la puissance des signaux vibratoires et l’éclat de leur surface sont de nature à déclencher une attaque réflexe des truites diminuées physiquement et peu enclines à effectuer des déplacements de grande amplitude à cette période de l’année. Les prospections doivent également être insistantes sur les zones susceptibles d’abriter quelques poissons, ces derniers rejoignant naturellement (thermotropisme) une zone de confort leur permettant de survivre aux conditions extrêmes généralement observées au sortir de l’hiver. Les secteurs les plus favorables sont les courants suffisamment profonds au courant modéré et régulier. Les abords immédiats des berges profondément creusées sont également des spots qu’il convient de peigner en premier lieu pour les raisons évoquées supra. Si les leurres métalliques conservent ma préférence, le choix d’un leurre souple monté sur une petite tête plombée est plus qu’un expédient, l’attrait des produits attractants auprès des truites étant depuis plusieurs années démontré.

Image
Truite fario
Légende
Une fario de plateau : rustique et racée
Texte

Si les températures de la rivière oscillent entre six et neuf degrés, l’emploi d’un poisson nageur peut se révéler pertinent. Il convient dès lors de sélectionner un modèle très dense pour lui permettre de rejoindre rapidement le fond de la rivière et de s’y maintenir assez longtemps pour avoir une chance de provoquer une attaque. Les minnows HW (Heavy Height) et S (Sinking) doivent être employés prioritairement. Les modèles Extra Flat trouveront, dès l’ouverture, des conditions idéales pour exploiter leur capacité à renvoyer des éclats lumineux intenses grâce notamment à la surface plus importante de leurs flancs qui oscillent à la moindre vibration au gré du courant ou de l’animation du pêcheur qui privilégiera les mouvements de faibles amplitudes en maintenant la canne haute pour accompagner son leurre lors des dérives (simple soutien de la bannière accompagné de petits coups de scion).

Image
Pêche fario
Texte

Les grands plats profonds devront être exploités prioritairement afin de bénéficier d’un réchauffement plus rapide généralement observé en fin de matinée, à condition que le soleil daigne faire son apparition. L’exposition revêt par conséquent une importance capitale pour espérer pouvoir profiter de conditions favorables durant la période utile d’activité qui se situe entre 11 et 15 heures. Il peut ainsi être judicieux de ne pas déjeuner pour se trouver au bord de l’eau au bon moment ! Le profil des rivières de plateau ne se prête guère aux prospections en wadding en raison de leur profil (sol instable, quasi-absence d’obstacle, progression invasive et peu discrète, etc). C’est pourquoi, il est préférable de rester sur le bord en dissimulant sa silhouette, notamment en l’absence de couvert végétal et de nuages. Le port d’un wadder offre néanmoins une bonne isolation pour lutter contre le vent froid, permet de décrocher un leurre plus facilement ou de traverser un gué. Une courte période d’activité est parfois observée dès l’aube ; elle est souvent de très faible durée mais peut nous permettre de faire réagir quelques poissons.

Image
Alain Foulon
Texte

Un matériel adapté

 

Paradoxalement, il est important de sélectionner un moulinet disposant d’un ratio important pour peigner les grandes et profondes fosses, notamment à la cuiller tournante et ondulante malgré l’apparence paresseuse des courants. L’impression est souvent trompeuse, notamment quand la surface semble parfaitement lisse. Ce choix est dicté par un besoin de maintenir un contact permanent avec le leurre afin d’être en mesure de ferrer à la moindre impression, les attaques pouvant être fugaces. S’agissant de la canne, je privilégie un modèle regular de 1,5 à 5 grammes qui offre plus de polyvalence pour les pêches fines et me permet tout ainsi bien d’animer une cuiller ondulante qu’un petit poisson nageur en twitching. Pour les pêches plus « lourdes », je sélectionne une canne fast à extra-fast, disposant d‘une puissante de 3-8 g, pour permettre l’emploi de poissons nageurs plus denses et offrir la possibilité de les animer en jerking si les beaux poissons sont dehors et réagissent activement à ce type de récupération. Le reste de mon équipement est composé d’une tresse en 0.6 PE (huit brins) prolongée d’une pointe en fluorocarbone de 2 à 5 livres (au moins une fois ½ la longueur de la canne) en fonction du poids et du volume de mon leurre que je relie au moyen d’une petite agrafe en huit.

Image
Pêche plateau
Texte

A l’approche de l’ouverture, la simple évocation de ces sanctuaires renforce mon impatience malgré les difficultés qui ne manqueront de survenir. Je reste aussi convaincu que l’attirance pour ces paysages désolés, au milieu desquels s‘écoulent de maigres filets d’eau au creux des tourbières ou des rivières nonchalantes déroulant paresseusement leurs méandres, fait appel à des valeurs profondes d’authenticité qui nous poussent à rechercher des paysages et des rivières sauvages, mais aussi des grands espaces qui, seuls, permettent à nos regards de se perdre à l’horizon…

Au plaisir de vous rencontrer au bord de l’eau.

A propos de l'auteur

Alain Foulon a collaboré à plusieurs revues halieutiques, plus particulièrement dans le domaine de la pêche de la truite aux leurres dont il est un spécialiste. Il s’est…