Bien débuter le montage de mouches

montage mouche

Pour de nombreux moucheurs, l'acte de pêche est indissociable de la fabrication des artificielles. Pourtant, débuter le montage des mouches n'est pas chose aisée en 2023, tant nous croulons sur les informations et les matériaux. Pour défricher cette jungle et partir sur de bons rails, nous avons sollicité les conseils de 2 éminents spécialistes de la discipline : Cyril Bailly et Christian Guimonnet. 

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Bonjour messieurs, y-a-t-il selon vous des prérequis indispensables avant de débuter le montage de mouches ?

Cyril Bailly : La première chose, c’est l’envie ! Même en ce qui me concerne, après 40 ans de pratique, si je n’ai pas envie, ça se ressent au niveau de mes montages ! Parmi tous les gens à qui j’ai enseigné le montage, ceux qui étaient hésitant ou qui en avaient marre au bout de 10 mouches n’ont jamais abouti à quelque chose, contrairement aux autres, chez qui la motivation fait que tout coule plus ou moins de source... Clairement, il faut voir ça comme l’aboutissement du pêcheur à la mouche : pêcher avec ses propres mouches, ce n'est pas rien ! En plus, cela permet de progresser dans la pêche à plus long terme...

Je dirais aussi quand même que monter ses mouches n’est pas absolument indispensable pour bien pêcher, je me souviens en avoir discuté avec certains fabricants qui me disaient que plus de 60% des pêcheurs achètent leurs mouches  c’est beaucoup ! Moi à l’époque, on m’a dit : « si tu veux pêcher, il faut monter tes propres mouches », alors...

Deuxio, j'ajouterais quand même qu'il vaut mieux ne pas avoir des "pattes de poulet"... une certaine dextérité aide forcément ! tout le monde ne l’a pas… mais ce critère reste secondaire par rapport à l’envie ! "

Christian Guimonnet :Et bien je considère que pour devenir un bon monteur de mouches, il faut tout d‘abord être en mesure de bien situer ses besoins en fonction du pêcheur que l’on est. On évitera ainsi de s’éparpiller trop vite, l’apprentissage doit se faire crescendo, c’est très important.

Il existe 2 manières d’appréhender le montage : les monteurs pragmatiques qui font les mouches qui marchent pour eux et qui considèrent cette activité comme un mal nécessaire à leur action de pêche. Ils montent utile !... 

Et il y à les monteurs que je qualifierais davantage “d’artistes”. Ces derniers sont beaucoup plus impliqués (temps, finance,...) et s’épanouissent autant devant leur étau qu’en action de pêche. Je précise d’emblée que les "artistes", aussi doués soient-ils ne prennent pas forcément davantage de poissons que les "pragmatiques"... En gros, ils cherchent autre chose.

Ce qu’il faut sentir, c’est dans quelle catégorie on se place car selon sa sensibilité, l’investissement (surtout financier) dans le fly-tying ne sera pas du tout le même.

Ensuite, pour répondre à ta question sur un aspect plus pratique, il faut prévoir chez soi un espace tranquille, à l’abri des enfants en bas-âge et des animaux domestiques. Un espace ou l’on se sent bien et confortable avec un bon éclairage. Voilà, après on peut commencer à se lancer!"

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montage mouche
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Le coin intime de Christian... le résultat de plusieurs décennies de montage de mouches !
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Rentrons dans le vif du sujet : débuter c'est souvent se tromper... dans le cadre du montage de mouche, à quels risques de fourvoiement s'expose le non initié ?

Cyril Bailly : "Le principal risque selon moi, c'est l'utilisation d'un excès de matériaux qui ne sert à rien ou alors à monter des mouches non abouties, non pensées ! Inutile de mettre plein de matériaux, mieux vaut jouer sur leur mobilité par exemple, au niveau du choix des poils (ni trop raide ni trop mou). Le débutant a tendance à surcharger alors qu’il faut épurer un max, surtout pour les mouches en dubbing et en poil… comment donner du volume sans mettre trop de matériaux, en voilà un challenge technique ! C'est particulièrement le cas sur les oreilles de lièvres ou les colerettes en lièvre… Tout bêtement, l’œillet de la mouche doit être parfaitement dégagé, si c’est pas le cas, la mouche est ratée selon moi, c’est rédhibitoire… Ces erreurs de dosage et de compréhension des matériaux, on les a toutes faites…

Trop se compliquer la vie, multiplier les modèles, faire des combinaisons qui ne fonctionnent pas sont aussi des risques !"

Christian Guimonnet : "Si tant est que l’on veuille se mettre sérieusement au montage, il faut vraiment insister sur les bases, c’est à dire se concentrer vraiment sur les patterns classiques en sèche (araignées, palmer, oreilles de lièvre, sedges, fourmis, etc...). C’est à partir de là qu’on apprend.

Je vois trop souvent sur les réseaux sociaux des débutants faire des nymphes... c’est un très mauvais départ à mon sens. Tout comme les mouches noyées, le montage des vraies nymphes (non ou peu lestées) est un art délicat qui doit venir après, lorsque l’on a vraiment acquis les techniques et les concepts de base du montage de mouches sèches.

Plus contre-productif encore : démarrer par des perdigones et/ou des “nymphes” à billes... Premièrement parce que cela n’a rien à voir avec du montage de mouches, deuxièmement parce que c’est de toute façon à la portée du premier couillon venu, je déconseille fortement.

Une grossière erreur aussi me semble-t-il, c’est de se lancer à corps perdu vers les tutos que l’on trouve facilement via internet et en particulier sur Youtube… même si j’admets que de temps en temps on peut tomber sur une idée intéressante. Or, dans la majorité des cas, les montages y sont bien médiocres et rarement contextualisées, "n’importe qui" pouvant y faire "n’importe quoi" !

Ne parlons pas non plus des publications de certains internautes particulièrement actifs qui proposent 9 fois sur 10 des modèles non validés par l’expérience, et montent des mouches sans avoir jamais observé (et encore moins étudié !) les insectes qui sont supposés les inspirer...

Se méfier particulièrement des vidéos de monteurs étrangers, même s’ils sont bons (à moins que l’on souhaite évidement monter des modèles pour aller pêcher leurs rivières, à la limite pourquoi pas !) car il est rare que le style de montage proposé corresponde réellement aux situations que vous allez rencontrer.

Difficile donc pour un débutant de trier le bon grain de l’ivraie !

Evitons également d’acheter trop de matériel de fly-tying d’un coup, ça c’est le meilleur moyen pour s’éparpiller et de dépenser son budget dans le vide...

Pour ceux qui ont le goût du montage, prenez garde aux sirènes de la créativité, c’est votre pire écueil : NON, vous n’allez pas inventer un nouveau modèle original! "

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grise corps jaune
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La grise à corps jaune...
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peute
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... la peute...
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CDC
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... le Cul de Canard...
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palmer
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...le palmer gris...
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oreille lièvre
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... et l'oreille de lièvre, sont les 5 modèles à maîtriser au départ, selon Cyril
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Dans la jungle de matériaux disponibles, quelle sélection effectueriez-vous pour se lancer ?

Cyril Bailly : "Pour apprendre, il faut peu de matériaux pour mieux les connaître et mieux les travailler. Par contre, il faut vraiment investir dans du qualitatif car cela simplifie le montage. Personnellement, je donne la part belle aux matériaux naturels car ils font justement partie de la Nature… On trouve assez de choses dans cette catégorie de matériaux, j’utilise le synthétique avec parcimonie, et j’essaie toujours de lui trouver des alternatives ! En pratique, en plus des outils de base dont nous reparlerons, je me contenterai de débuter le montage de sèches/émergentes et nymphes légères avec :

  • 6 bobines de fil de montage 8/0 style Uni-thread pour son côté passe partout (pas trop gros pour certaines techniques comme une mouche en dubbing) en jaune, olive, rouge, orange, noir et marron. Au début on peut très bien se contenter de corps en fil de montage tout simple sans acheter des herls par exemple, ça prend plein de poissons !
  • Assortiment de cous de coq : ça coûte cher donc possible en demi-cou. Premier prix, les cous indiens qui ont des avantages et des inconvénients, le choix n’est pas facile. Moins de risque de se tromper avec les cous génétiques, même ceux de faible facture comme les Keough par exemple, qui sont un peu moins chers que les Whiting ou les Metz, avec une plume qui tient quand même la route (rachis pas trop épais, fibres pas trop longues). La base c’est 3 demi cous : un gris moyen, un roux et un grizzly,
  • Un petit carré de poil de cervidé (dos de chevreuil),
  • Un masque de lièvre ça c’est primordial,
  • Une demi peau de lièvre, en particulier celle de Stephan Florian,
  • Des plumes de queue de faisans,
  • Des yeux de paon (non ébarbé) : pour faire des corps en quill on peut les ébarber soi même,
  • Flanc et poitrail de cane,
  • Un peu cher mais une peau de perdrix hongroise : je déconseille les pochettes de plumes, elles sont trop chères par rapport au nombre de plumes utilisables, autant les prélever directement sur la peau. On peut faire beaucoup de choses avec : des colerettes de mouches noyées, des pattes, ailes de sedge…etc.
  • Des CDC naturels (gris moyen, naturel, beige et marron/kaki) de qualité ! Certaines pochettes de 3 gr ont des plumes beaucoup trop courtes, les meilleures sont européennes. Il ne faut pas qu’elles soient trop duveteuses, privilégiez les CDC d’été qui ont de longues fibres fines… (celui prélevé en hiver est trop dense, ça ne vaut rien). L’idéal, c’est d’acheter des plumes sélectionnées, par exemple chez Trout Line. J’avoue que je ne connais pas bien les marques françaises...
  • Une boite d’assortiment de dubbing Superfine si on devait n’en garder qu’un pour le corps,
  • Une boite d’assortiment de dubbing de lièvre,
  • Plomb en 4/0,
  • Fil de cuivre de 1/10 de mm,
  • Hameçon standard droit pour démarrer genre TMC 100, on peut tout faire avec, même des gammares : dans l'idéal pour commencer, optez pour des tailles de 10 au 20, montez vos premières mouches avec du 14 ! Travailler avec une seule référence permet d’avoir les proportions bien en tête.

Même après 40 ans de montage, rien qu’avec ça, je monte 90% de mes mouches et je pêche sans problème !"

Christian Guimonnet : "Au risque de me répéter, gardons la tête froide et restons sobres. Apprenons dans un premier temps par bien maîtriser les matériaux de base. Les matériaux “secondaires” viendront ensuite naturellement au grès des nécessités et de sa propre implication, c’est sans fin de toute façon, donc prudence, ne nous affolons pas ! Voyons donc voir quels sont les matériaux de base vers lesquels se tourner, voici la liste des courses pour bien démarrer :

  • 1 Etau,
  • 1 ciseau fin, coupant et précis,
  • 1 Petit ciseau quelconque réservé aux tinsels,
  • 2 aiguilles à coudre (dont l’une ne sera JAMAIS en contact avec vernis, colles ou poix),
  • 1 porte-bobine,
  • 1 pince à hackle (les plus chères ne sont pas forcement les meilleures),
  • 1 outil à demi-clefs (le corps d’un vieux bic fait très bien l’affaire!),
  • 3 Boîtes d’hamecons droits standard (ex: Daiichi 1310) en 12, 14 et 16,
  • 4 Bobines de soie de montage 8/0 (noir, olive, jaune et orange),
  • 1 Flacon de vernis clair (le Devaux est très bien),
  • 3 Bobines de tinsel (cuivre fin, argent fin et or plat),
  • 1 Pochette de plumes de Cul de Canard naturel et de bonne qualité,
  • 1 Masque de lièvre,
  • Poix,
  • Substitut de condor olive,
  • Quelques plumes d’oeil de paon,
  • Quelques sabres de faisan mâle commun,
  • 2 Cous de coq (un gris, un roux), à défaut on trouve dans le commerce des combos de 2 demi-cous, ça peut très bien faire l’affaire et réduire le budget,
  • 1 Pochette de plumes de flanc de canne,
  • 1 Carré de poil de chevreuil (non teint),
  • 1 Aligneur de poils,
  • 2 Pochettes d’antron yarn (blanc et orange fluo)"
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montage mouche
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Quelques outils indispensables...
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Quelles sources d'inspiration conseillez-vous au débutant ?

Cyril Bailly : "A mon époque, la complication venait du fait qu’on avait peu d’infos (il n’y avait pas toutes ces revues, ces sites internet), donc on se débrouillait... on allait dans un magasin de pêche, on achetait quelques livres…on se contentait de ça !

Maintenant, c’est l’extrême inverse : il y a tellement d’infos qu’on ne sait plus vers quoi se tourner ! Moi je conseillerais toujours d’acheter un petit bouquin (oui ça existe encore !) du type " Montez vos premières mouches " de Didier Ducloux ou " Je monte mes mouches en 15 leçons " de Bernard Audouys et Jean Louis Pelletier, on le trouve encore d’occasion d’ailleurs.

L’intérêt de ces livres, c’est la simplicité ! Ce sont des conseils « à l’ancienne »  avec par exemple la longueur exacte de fil nécessaire au montage de telle ou telle mouche... la base !

Ensuite, les petites vidéos technique de montage sur youtube aident bien, par exemple pour savoir comment utiliser un whip finish, comment faire un nœud, comment poser des cerques…etc. Attention à utiliser l’outil de recherche à bon escient quand même ! Sur youtube, il y a du très bon comme du très mauvais ! C’est un peu le cas de toutes les sources d’informations d'ailleurs, y compris les clubs ou les revues de pêche, c’est ce qui rend le choix compliqué…

Pour ceux qui font des recherches sur Youtube, je conseille notamment de voir les vidéos montage de Rene Harrop's aux Etats-Unis et Shane Stalcup qui était assez innovant pour son époque et a beaucoup créé. Davie McPhail, ils sont assez complets… en tant que monteur en tout cas ! J’aime bien ce qu’ils font car ils maîtrisent toutes les techniques, le choix des matériaux, les proportions … ils sont très cohérents. Je ne pêcherais pas forcément avec leurs mouches dans nos rivières françaises mais en tout cas, il y a des tours de mains à voir chez ces monteurs ! "

Christian Guimonnet : "Alors là Simon, tu me poses une question difficile… A titre personnel, j’ai fait mes premières armes avec le petit livre de Bernard Audouys et de Jean-Louis Pelletier "Je monte mes mouches en 15 leçons". C’est un ouvrage pratique dans lequel j’ai appris les gestes de base, mais il est sans doute un peu dépassé aujourd’hui.

Je ne saurais trop conseiller le fabuleux "Traité Pratique de Montage des Mouches Artificielles" du Dr Henri Pethe, c’est vraiment la référence absolue pour ce qui est des livres... la bible quoi !!! Deux bémols cependant : édité en 1981, beaucoup de matériaux actuels n’y sont pas mentionnés et par la même certains concepts modernes peu ou pas abordés. La deuxième difficulté, c’est sa rareté, on ne le trouve que sur le marché de l’occasion (autour de 100 euros).

Un bon complément pour moderniser un peu le propos est de se procurer des ouvrages américains du style "Tying Dry Flies" de Randall Kaufmann (un parmi beaucoup d’autres !!!). Les amateurs de step by step seront conquis, les américains sont des gens très axés sur la technique !

Pour la technique donc, bien que je les ai descendus un peu lors de ta précédente question, les tutoriels sur internet peuvent venir compléter un peu tout ça... Les vidéos Youtube de Davie McPhail ou d’Oliver Edwards sont très intéressantes quoique à mon goût un peu trop hors de portée de quelqu’un qui débute. A vous de bien les choisir les autres...

Voilà pour la partie pratique (le "comment"), c’est la plus facile à acquérir.

En ce qui concerne le concept (le "pourquoi"), je reste un inconditionnel de Skues, je recommande notamment “La Truite et la Mouche”, c’est un livre déjà centenaire mais qui ne prend pas une ride quand au cheminement intellectuel qu’il nous inspire. Plus prés de nous et selon moi, les livres de Pierre Miramont ou de Leon Janssen vous guideront sur le bon chemin. Ce ne sont pas des livres pour apprendre à monter des mouches d’un point de vue technique, mais qui donnent un sens au montage. Ces livres vous amèneront à comprendre ce vers quoi la technique doit vous mener justement.

Je pense que c’est déjà presque trop pour démarrer non ? "

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fourmis
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La fourmi, une sèche indispensable pour la saison estivale !
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Quel budget approximatif prévoir ? (question pour Cyril, Christian a passé son tour sur celle-ci)

Cyril Bailly : " Je dirais comme ça à vue d'oeil qu'il faut prévoir un budget de 150/200 euros max pour débuter.

L'élément le plus cher reste l'étau. A ce niveau, un premier prix asiatique (40/50 euros) peut convenir dans la mesure où les mors serrent bien… Après, il faut aussi considérer que l’étau peut simplifier le montage, par exemple si l'on choisit un étau rotatif dans l’axe de l’hameçon (pas un Regal qui ne travaille pas dans l’axe). Si tu règles bien la hauteur, une belle rotation fluide permettra de mieux enrouler l’hackle ou le quill… A vérifier aussi le bon dégagement arrière pour poser les cerques facilement...

Pour le reste des outils, l'essentiel est d'avoir un bon ciseau (pas forcément cher, autour de 10/15 euros), une pince à hackle rotative sur laquelle il faut mettre le prix par contre et un tasse poil ni trop profond et ni trop gros. Une marque comme Stonfo propose des petits kits d’outils qui tiennent la route…

Je dirais pour terminer qu'il n'y a pas besoin d'accumuler trop d’outils, la dextérité peut en remplacer beaucoup ! "

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montage mouche
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Qu'est ce qui selon vous caractérise le monteur accompli, ce vers quoi le novice doit tendre ?

Cyril Bailly : "Pour moi, le monteur accompli doit obtenir 3 choses sur ses mouches : la simplicité, l’efficacité et la solidité.

Rester simple, ça veut dire qu'une mouche doit être montée en un temps qui varie de 3 à 7 minutes, pas plus. Il faut aller à l’essentiel et penser à ce que l’on fait pour respecter le volume et les proportions. On se met à la place du poisson, notamment à propos de ce qu’il verra de la mouche, de dessous si la mouche est bien équilibrée  (surtout pour la sèche) : inutile de compliquer un montage en ajoutant des éléments que le poisson ne verra pas ! Le débutant doit comprendre qu’il faut créer, suggérer une silhouette avant d’imiter. C’est très important. Il ne faut surtout pas tomber dans l’excès en matière d’imitation. Par contre, respecter la taille, le volume. Sur le bouquin qui m’a servi lors de mon apprentissage, les mouches étaient dessinées dans des proportions parfaites. Je me suis donc efforcé de copier, copier, copier jusqu’à obtenir la même chose. Et je peux te dire que j’ai recommencé un paquet de fois ! Ma première mouche était une grise à corps jaune et j’ai tout donné pour avoir la même chose que sur le dessin… C’est toujours presque maladif d’ailleurs, encore aujourd’hui, quand je monte une mouche, j’ai toujours envie qu’elle soit plus parfaite que la précédente !

Respecter aussi la teinte générale (camaieu). Si tu es en présence d’une éclosion avec une éphémère olive claire, si ton imitation est olive moyen, tu prendras du poisson aussi ! Il faut rester dans les tons. Je me souviens à ce propos d’une grosse éclosion de brachy sur la Loue, les truites prenaient des émergentes et des nymphes, et je n’avais pas la bonne imitation : j’étais trop gros en taille. Après avoir observé que les nymphes étaient marrons foncés… Ce qui se rapprochait le plus dans ma boîte était un gammare tout simple brun avec des pattes rousses en taille 20… rien à voir avec le menu du jour… pourtant j’ai fait ce jour là une pêche plutôt correcte ! En plus, ce jour là, il fallait animer, les poissons réagissaient bien à l’animation et le côté imitatif ne servait absolument à rien ! L’esprit d’observation prime largement sur le reste, retenez ça ! Ce jour là, on a trouvé des subterfuges pour faire mordre les poissons sans avoir les bons modèles ! 

Savoir observer dispense presque de connaître le nom des mouches, je connais de très bons pêcheurs qui ne connaissent pas le nom des insectes, ne leur parle pas de baetis, de brachys, ou de nymphe d’hydropsyche… mais par contre, ce sont de très fins observateurs et quand ils pêchent, ils savent quelle mouche mettre ! pour le débutant, il est quand même intéressant d’avoir un petit calendrier des éclosions qui surviennent sur ses lieux de pêche. Au début ça peut être pas mal mais ce n’est pas obligatoire. L’observation est le seul point indispensable... moi qui ne pêche qu’à vue, c’est la base de ma pêche. Je suis tout le temps à la recherche de la nourriture du poisson.

Efficacité, cela signifie passer du temps à tester ses modèles, ne pas hésiter à les faire évoluer pour les rendre plus simple ou plus vivant ! ça va de pair avec l’expérience. Attention à faire ses tests les jours où le poisson mord vraiment, pas les jours de gobages sporadiques… plutôt en cas d’éclosion massive et de poissons sélectifs et bien décidés ! C’est dans ces moments qu’il faut tester ! je le fais toujours aujourd’hui : quand j’ai un modèle qui fonctionne, j’essaie toujours de le faire évoluer en le simplifiant, pour ça je teste quand les poissons gobent. Je prends 2 ou 3 poissons avec une mouche, puis je teste ensuite l'autre version pour voir s’il y a une différence… Je reste persuadé que si tu as 10 poissons qui gobent devant toi et que tu n’en prends qu’un, c’est que tu n’as pas la bonne mouche, car au bout d’un moment, la technique, tout le monde l’a : tout le monde sait lancer, poser, pêcher fin… ça ne peut être que la mouche qui va vous faire passer un cap ! ça j’en suis convaincu… mais ça dépend aussi de tes attentes au bord de l’eau, quand certains vont se contenter d’un ou deux poissons, d’autres comme moi vont toujours chercher à en ferrer toujours d'avantage !

Enfin la solidité car une mouche doit prendre du poisson !  Il faut travailler ses montages en ce sens. Parfois, je vois des pêcheurs qui utilisent des nymphes de trichoptères très imitatives avec des yeux, des ailes naissantes, des sacs alaires travaillés, des corps tressés, des antennes, des pattes… Quand on connait la vitesse à laquelle une nymphe d’hydropsyche monte à la surface, on peut se poser la question de l’intérêt de ces détails ???"

Christian Guimonnet : "Alors à mes yeux, le monteur mature ne monte pas de mouche au hasard. Il dresse des modèles bien identifiés qu’il est capable de reproduire par série et dont il connait parfaitement l'application en action de pêche. Il n’utilise pas de matériaux superflus et maîtrise leurs associations. Il monte des mouches solides et pratiques.

S’il est dans une démarche artistique, il se pourrait bien qu’au bout d’un long cheminement il acquiert une patte, un style…même en dressant une mouche toute simple, une touche particulière qui permet d’identifier l’auteur d’un simple coup d’oeil. "... mais un style, c’est rare Monsieur ! "

Cependant attention, même si notre ego de monteur/artiste nous pousse à devenir un styliste, il ne faut jamais perdre de vue que les truites s’en foutent, de notre style !!

Le novice doit donc ne jamais perdre de vue les notions de base. Il doit se concentrer sur les rapports de taille et de volume auprès de modèles très simple à la base, trouver les bons équilibres, c’est le plus dur ça…"

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Un palmer aux proportions parfaites de Christian Guimonnet !
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Si vous ne deviez garder qu'un message simple et clair pour le débutant ce serait ?

Cyril Bailly : " Faire simple ! Et quelque part être économe de toutes les manières… ça permet de ne pas surcharger les mouches et de ne pas stocker des quantités de matériaux inutiles !"

Christian Guimonnet : "Je vais faire court : une mouche artificielle est faite avant tout pour pêcher et prendre du poisson ! “... Une belle mouche qui ne prend pas de poisson n’est pas une belle mouche.” John Gierach."

On se quitte sur ta citation de cet auteur qu'on affectionne particulièrement, merci messieurs !

A propos de l'auteur

Cyril est originaire des Vosges et issu d'une famille de pêcheurs à la mouche, c'était facile de tomber dans la marmite. Il a commencé à monter ses premières…
Christian fait partie de ce que l'on pourrait appeler les "pêcheurs-naturalistes ". A une époque où le culte du nombre et de la taille des poissons…