Le nord-est de l'Espagne constitue l'une des régions les plus attractives au monde pour pêcher la truite fario et notamment les gros spécimens. Les parcours de la Catalogne espagnole sont très diversifiés, ce qui permet de dénicher un endroit favorable quelle que soit la période de l'année. Voici une brève description de ces milieux situés à quelques encablures de l'hexagone.
Situation géographique et principales rivières
La Catalogne est une province ibérique située sur le versant sud des Pyrénées. Elle possède un climat varié, partagé entre le climat alpin des vallées de montagne et le climat méditerranéen de la Costa Brava. Cela donne des températures hivernales très variables selon la localisation et des étés globalement chauds, même en montagne.
Cette région se compose de 3 principaux sous-bassins versants salmonicoles appartenant tous au bassin de l'Ebre :
- Le bassin du Sègre,
- Le bassin de la Noguera Pallaresa,
- Le bassin de la Noguera Ribagorçana.
Et de plusieurs fleuves méditerranéens dont certains sont très renommés pour la pêche de la truite :
- Le Ter,
- Le Llogrebat,
- La Muga,
- La Tordera.
La majorité de ces rivières prennent leurs sources dans les Pyrénées à une altitude moyenne de 2500m, avant de filer en direction du sud. Elles présentent une configuration typique des rivières de montagne, avec un gradient amont/aval tout à fait classique. Les premiers kilomètres sont marqués par une granulométrie importante et des températures d'eau froides, favorables aux populations naturelles de truites fario méditerranéennes qui s'y trouvent en densités très intéressantes. La taille moyenne des individus, modeste au dessus de 1000m, augmente considérablement en descendant, notamment grâce à la présence de longs parcours no-kill. La taille moyenne des farios sauvages sur le cours médian des grands cours d'eau catalans est comprise entre 25 et 30cm, et les individus de plus de 50cm sont bien présents.Sur les têtes de bassin, de nombreuses portions sont classées "réserve génétique" (gestion patrimoniale) dans un but de conservation. La pêche y est toutefois autorisée. Citons par exemple les réserves génétiques du rio Ter à Camprodon et du Sègre à Queixans.
Les rivières catalanes qui conservent un écoulement non anthropisé connaissent l'hydrologie du régime nival avec toutefois une certaine influence climatique méditerranéenne qui produit une fonte des neiges printanière assez courte et des étiages estivaux sévères, notamment lorsque l'altitude des sources est assez faible (cas du fleuve Tordera qui coule dans le massif de Montseny entre Gérone et Barcelone).
De leur côté, les portions en aval des grands barrages conservent des débits plus importants en été. En effet, à de rares exceptions près (dont le Sègre et le rio Ter), tous les grands cours d'eau catalans possèdent des aménagements hydroélectriques dès les tout premiers kilomètres de leurs parcours. C'est le cas de la Noguera Pallaresa en aval de la Guingueta d'Aneu et de la Ribagorçana en aval de l'Embalse de Baserca.
Si la truite fario de souche méditerranéenne peuple les têtes de bassins et les portions intermédiaires, la plupart des truites trophée ibériques exposées dans les revues spécialisées et sur les réseaux sociaux par de nombreux guides de pêche et amateurs sponsorisés, proviennent de pisciculture. Elles sont introduites sur les parties aval des grands cours d'eau ouvertes tout l'année, à des stades variés (du stade d'alevin à celui de géniteur réformé en passant par le stade portion). De fait, l'une des particularités de l'halieutisme local réside dans l'existence de parcours empoissonnés hivernaux de type tailwater (portion sous barrage) en plaine : c'est le cas du no-kill du Ter à Anglès, du Sègre à Oliana et de la Ribagorçana à Alfarras. Ces parcours permettent de prolonger la saison sur des zones où la météo hivernale est souvent clémente.
Quelques exemples de farios méditerranéennes que l'on rencontre sur les parties médianes de ces cours d'eau :
Des parcours variés à réglementation spécifique
La réglementation pêche en Espagne est très différente et plus complexe que la notre. Les rivières sont sectorisées en tronçons à réglementions spécifiques de plusieurs kilomètres de long. Nous vous recommandons de vous enquérir de la réglementation de chaque bassin versant que vous fréquentez car les autorités espagnoles ne badinent pas avec la réglementation et les sanctions sont lourdes pour les hors la loi.
En Catalogne, il existe une zonation des cours d'eau similaire à notre classement français 1er/2nde catégorie. Ici, on parle de zones "salmonids" (à salmonidés dominants) ou cyprinids (à cyprinidés dominants).
Au niveau des parties "salmonids" (soit l'équivalent de notre 1ère catégorie française), les dates d'ouverture varient selon l'altitude et certaines longues vallées sont séparées en 2 zones distinctes : baixa muntanya (soit basse montagne) et alta muntanya (soit haute montagne). La saison de pêche en "basse montagne" est plus longue et s'étend de mars à octobre (mai à octobre pour la "haute montagne"). A noter que la pêche avec prélèvement ferme environ un mois et demi plus tôt (début septembre) que la pêche en catch-and-release (fermeture mi-octobre).
Que l'on se trouve en zone salmonids ou cyprinids, les parcours sont de deux types principaux :
Les "lliure sense mort"
Ce sont des parcours libres en no-kill, accessibles avec la licence de pêche en Catalogne uniquement (voir lien en fin d'article pour l'obtenir par internet).
Les cotos
Ces parcours matérialisés par des panneaux "pesca controlada" nécessitent de s'acquitter de la licence catalane + du permis journalier appelé "coto". Les inscriptions se font soit sur internet, soit sur place dans certains hôtels, restaurants ou commerces dépositaires des permis locaux. Attention, le nombre de pêcheurs est parfois limité et mieux vaut s'y prendre à l'avance en période de grande fréquentation. Il existe plusieurs types de cotos :
- des cotos "salmonids amb mort" : comprendre des parcours avec prélèvement autorisé, non empoissonnés en truites portion,
- des cotos "salmonids sense mort" : comprendre des parcours no-kill non empoissonnés en truites portion,
- des cotos "intensivos amb mort" : comprendre des parcours empoissonnés en truites portion avec prélèvement autorisé (exemple la retenue de la Guingueta d'Aneu sur la Noguera Pallaresa),
- des cotos "intensivos sense mort" : comprendre des parcours no-kill empoissonnés (exemple le no-kill d'Angles El Pasteral sur le rio Ter).
Enfin, les panneaux "refugi di pesca" indiquent les réserves de pêche (la plupart des affluents des cours d'eau principaux sont en réserve).
Afin d'illustrer le propos, voici la carte du Vall d'Aneu et de ses différents tronçons de rivière : ici
Au-delà de ces spécificités, certaines règles s'appliquent à tous types de parcours, en voici quelques-unes (liste non exhaustive) qui concernent la pêche de la truite en eaux vives :
- épuisette obligatoire,
- semelles en feutre interdites,
- interdiction de continuer la pêche une fois le quota journalier atteint,
- appâts naturels autorisés avec hameçon simple sans ardillon de taille comprise entre 1 et 7,
- dans la pêche au fil ou en nymphe au toc, les perdigones sont autorisées uniquement en no-kill.
- usage du plomb interdit pour la pratique de la pêche dans toutes les eaux continentales de Catalogne.
Les meilleures périodes
Chaque type de parcours possède ses périodes fastes et il est bon de distinguer :
- Les portions en régime naturel :
La saison de pêche sur ces secteurs (équivalent à notre première catégorie française) s'étend généralement de mars à octobre et s'articule autour de la période de fonte des neiges. Cette dernière est généralement plus courte que sur le versant nord français de la chaîne, en raison d'un enneigement hivernal moins conséquent et de températures en moyenne plus chaudes (quoi que cette tendance soit soumise à de nombreuses exceptions). Ainsi, sous réserve d'un temps froid dans les semaines suivant l'ouverture, les mois de mars/avril peuvent s'avérer excellents. La seconde partie de la période favorable s'étend de la fin de la fonte (courant juin en général) à la fermeture. Les débits baissent progressivement tout au long de l'été et il faudra affiner la pêche en conséquence pour réussir.
- Les portions sous barrage :
La majorité des secteurs type tailwater sont classés "cyprinids" (soit l'équivalent de notre seconde catégorie française) et "intensivos sense mort", c'est à dire des parcours no-kill empoissonnés. La pêche y est praticable toute l'année, mais ces zones étant situées en plaine, la chaleur est souvent suffocante passé le moins de juin et il est beaucoup plus agréable de les fréquenter en automne et durant l'hiver. En plus, c'est durant ces périodes que les éclosions sont les plus importantes et la pêche en mouche sèche d'autant meilleure !
Pour les portions sous barrage en amont classés "salmonids", les conditions de pêche et les périodes favorables dépendent étroitement de la gestion desdits barrages. La fin de saison est une valeur sure pour y vivre de bons moments car le niveau des lacs est alors bas et les lâchers d'eau moins fréquents et/ou moins intenses (le "trop d'eau" est généralement plus problématique que le manque d'eau sur ces secteurs).
De bonnes raisons de tenter l'expérience
En Catalogne, c'est l'état (la Généralité de Catalogne) qui régit la pratique de la pêche de loisir. Ce système, envié par certains pêcheurs français, présente l'immense avantage de proposer des longs parcours à réglementations spécifiques de sorte que des pratiquants aux attentes antinomiques (pêcheurs paniers vs pêcheurs de beaux poissons en no-kill) peuvent assouvir leur passion sur des tronçons distincts et "optimisés" d'un point de vue réglementaire.
La tentation est alors grande de vouloir transposer ce mode de fonctionnement à notre système français mais c'est bel et bien impossible en l'état actuel des choses. L'influence du Code de l'Environnement français, l'implication des différents acteurs FDAAPPMA/AAPPMA et la culture de la pêche de proximité hexagonale sont autant d'obstacles à son application...
Pour ceux qui idéalisent la pêche en Espagne, rappelons quand même que tout n'est pas rose non plus de l'autre côté des Pyrénées : en premier lieu, l'omniprésence de l'hydroélectricité ne passera pas inaperçue aux yeux du pêcheur de truite à l'âme naturaliste. Le bétonnage intensif débute parfois très en amont des vallées, tout près des sources. A ce propos, bon nombre de paradis halieutiques espagnols que l'on nous vend régulièrement sont en réalité des portions de rivière de plaine sous barrage, où la truite n'existait pas avant la construction des ouvrages et où elle ne doit son salut qu'à la prise d'eau profonde et au passage régulier du camion-vivier.
D'un point de vue plus pragmatique, l'influence des barrages de certaines rivières classées salmonids (1ère catégorie) sur la pratique de notre loisir est vraiment considérable. L'exemple type est la Noguera Pallaresa et les coups de vanne impressionnants de la Panta de la Torrassa, tant attendus par les amateurs de sports d'eaux vives, mais qui teintent l'eau en aval et limitent sacrément le panel d'options de pêche sur une grande partie de la journée...
Au-delà de l'aspect réglementation et gestion, l'Espagne reste un fantastique pays pour le tourisme pêche, quel que soit le profil du pratiquant. Elle offre des infrastructures adaptées à des voyages "entre pêcheurs" ou familiaux, une restauration peu chère et une ambiance festive très agréable. Pour ceux qui valorisent les "après-pêche" sympathiques, cela mérite d'être souligné !