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Pêche à la mouche et bivouac au gave d'Estaubé (65)

pêche gave d'Estaubé

Il y avait longtemps que je n’avais pas pris la plume pour les colonnes de Truites & Cie. Le retour de voyage au long cours forcé en mars 2020 a un peu entaché ma motivation à pêcher et écrire. Heureusement, cette mauvaise passe est derrière moi et la saison 2021 est riche en découvertes halieutiques. Je vais donc tâcher de vous en partager quelques bribes à travers des reportages.

Cette année, le début du printemps n’aura pas été marqué par les heures passées au bord de l’eau. Alors que le déconfinement bat son plein, Ania et moi avons décidé de marquer l’événement en nous extirpant loin des foules. Accompagnés d’un couple d’amis non-pêcheurs, nous partons pour une randonnée bivouac en altitude. À cette période de l’année (début mai), les lacs de montagne ne sont pas encore ouverts. En revanche, il est possible de pêcher certains torrents dont le Gave d’Estaubé fait partie. La tête de bassin de cet affluent du Gave de Pau s’écoule dans une superbe vallée. Le cirque d’où provient la source du cours d’eau est l’un des 3 grands cirques des Pyrénées centrales. Dans cet article, je vous propose de venir découvrir la pêche sur le parcours no-kill du Gave d’Estaubé avec une nuit en bivouac au pied de l’amphithéâtre de calcaire.

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Parcours No-kill du Gave d’Estaubé

Le gave d’Estaubé prend sa source dans le cirque du même nom. Depuis le barrage des Gloriettes (1680m) et jusqu’au Pont d’Estaubé (1750m) environ 2km en amont, le gave d’Estaubé est pêchable. Il s’agit d’un parcours no-kill mouche dans lequel vit une belle population de truites fario sauvages. Au-delà de ce pont et jusqu’à la source, le cours d’eau est en réserve. Les pêcheurs amateurs de montagne apprécieront le cadre bucolique.

S’il reste moins fréquenté que son grand frère Gavarnie, le cirque d’Estaubé est un haut lieu de randonnée dans les Pyrénées.En été, les troupeaux de vaches et de brebis sont en estive dans la vallée. Prudence donc avec vos fouets, et prenez garde au patou qui peut surveiller les bêtes.

Sur les berges du cours d’eau, vous pourrez observer d’innombrables marmottes. Au printemps, elles sont particulièrement actives puisqu’elles sortent de plusieurs mois d’hibernation. Pour les contemplatifs de mon espèce, ce genre de distraction me coûte quelques truites.

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Un printemps très - trop - sec

À l’arrivée au barrage des Gloriettes, je pensais trouver un lac bas. Mes précédentes sorties en altitude au mois de mars m’avaient alerté sur l’enneigement déficitaire. Les précipitations du dernier trimestre ont également été quasi inexistantes, mais je ne m’attendais pas à ce que les niveaux des rivières et réservoirs d’eau soient aussi faibles ! Le lac des Gloriettes n’est plus qu’une flaque d’eau. Si cela présageait une pêche de qualité dans le torrent, cela n’est vraiment pas bon signe pour l’été qui arrive.

Il reste encore de la neige en altitude, or cela ne sera très certainement pas suffisant pour faire face à une période de sécheresse estivale. Il ne nous reste plus qu’à faire la danse de la pluie. Heureusement, depuis cette sortie, plusieurs dizaines de millimètres de pluie sont tombées. Est-ce que cela sera suffisant pour un été chaud et sec ? Difficile à dire.

Les premiers contacts visuels avec le gave sont plutôt rassurants concernant le coup du soir qui se profile. L’eau est de sa couleur turquoise habituelle. Le débit est plutôt faible, comme prévu. Cela présage donc une pêche en surface ludique.

L’arrivée tardive en fin d’après-midi n’exclut pas la possibilité qu’un ou plusieurs pêcheurs aient déjà bien profité du parcours. Je devrais être fixé dès les premières dérives. Il y en a d’ailleurs un qui attaque juste en amont du déversoir. Je lui laisse environ 500m avant de monter ma canne à mon tour.

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Tandem sèche-nymphe pour les torrents de montagne

La configuration du torrent de montagne se prête particulièrement bien à la pêche en sèche et au tandem sèche-nymphe. Le couple vitesse/profondeur y est parfait. Au tandem, le lest de la bille permet au porteur de dériver très proprement. Cette technique offre une rapidité de prospection et une efficacité sans pareil. Avec une 10’ #3, les lancers de billes de petits diamètres sont aisés et les sensations au rendez-vous pendant les combats.

Les premiers passages sur les postes d’alimentation bien marqués sont d’ailleurs très vite récompensés. Je ne tarde pas à ouvrir le compteur, et c’est en surface que ces magnifiques truites viennent se saisir de ma mouche. Les poissons sont en bonne condition. La fonte des neiges très peu marquée leur aura permis de sortir de l’hiver progressivement et de s’alimenter de manière régulière. La taille moyenne des truites avoisine les 25cm. Pour un cours d’eau de cette altitude, c’est une aubaine et les pêcheurs coutumiers de ces milieux dans les Pyrénées risquent bien d’être du même avis.

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Malgré un vent très fort qui descend le long du gave et me fait opter pour la pêche au tandem, je prends un réel plaisir sur ce parcours. Les prises s’enchaînent de manière régulière. La grande majorité des truites ne rechigne pas à monter sur la sèche. C’est probablement ce qui me plait le plus dans la pêche de ces torrents d’altitude. Si la disparition du soleil a légèrement ralenti la cadence des touches, cela reste néanmoins très agréable.

En arrivant au pont qui marque la fin du parcours, j’éprouve même un goût de reviens-y. Je suis un peu sur ma faim. Deux petits kilomètres, un peu moins en sachant que je n’ai pas commencé au départ, c’est court ! Le sentier de la randonnée passe souvent à proximité immédiate de la rivière. Ces sections étaient d’ailleurs moins bonnes compte tenu des allers-retours des randonneurs. Il se fait tard et le bivouac ne va pas se monter tout seul. Rendez-vous pris pour le lendemain en redescendant.

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Bivouac en altitude au printemps

Malgré le beau temps et les températures anormalement élevées en plaine, quand le soleil passe de l’autre côté de la montagne, le mercure chute. Le vent souffle du sud, il est sacrément rafraîchi par ce qu’il reste du glacier du Mont Perdu et les 3000 légendaires de Gavarnie. La Brèche de Tuquerouye est encore très bien enneigée. Son couloir abrupt versant nord ne dégèlera pas de sitôt. Nous trouvons refuge derrière une petite colline qui nous protège partiellement de la force d’Éole. Les tentes sont montées en un clin d’œil et nous pouvons passer aux victuailles : saucisson, tomme du col du Soulor et de Barousse, jambon des Pyrénées et houmous maison pour ajouter un soupçon d’aliments équilibrés à ce délicieux mélange.

Les discussions fusent, assis dans le gispet en admiration face à la Lune qui monte au-dessus du cirque. Cette ambiance précédée par quelques heures d’une pêche de qualité représente probablement ma définition du bonheur. Nos amis, qui ne sont pas pêcheurs, m’interrogent par rapport au No-kill. Pour eux, ce geste est totalement irrationnel. Je ne peux qu’acquiescer. Notre passion et plus particulièrement le fait de remettre les poissons à l’eau est pour la plupart des non-initiés, un non-sens. Et, quels que soient les arguments (ou théories sorties d’un comptoir de PMU) que vous pourrez avancer à ce sujet, il sera impossible de prouver le contraire. Ce sujet mérite, comme toutes les questions idéologiques, la plus grande prudence quand on sait à quel point certains mettent du cœur à l’ouvrage pour nous interdire de pratiquer notre passion.

Après un plat de pâtes légèrement trop cuites et une bonne bouteille de vin rouge, il est l’heure d’aller rejoindre Morphée. La randonnée pour arriver au pied du cirque d’Estaubé est loin d’être éprouvante, mais le temps passe vite et le réveil de bonne heure pourrait être douloureux.

Si vous prévoyez de bivouaquer à cette période de l’année, assurez-vous d’être correctement équipé. Les duvets à température de confort 0°C sont indispensables. Malgré du matériel de bonne facture, la nuit fut très froide et le sommeil léger. La Lune quasi pleine et présente toute la nuit nous aura fait renoncer aux photos de ciel étoilé. La lumière qu’elle renvoie est beaucoup trop importante pour espérer distinguer la Voie lactée. Le ressenti négatif à cause du vent glacial qui ne s’est pas arrêté de souffler nous aurait probablement dissuadés de sortir de toute manière

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Lever de soleil sur le cirque d’Estaubé

Sortir du sarcophage en plumes naturelles n’aura pas été facile, mais si on veut admirer un lever de soleil en montagne, ce genre d’effort est nécessaire. Et la récompense est souvent à la hauteur des attentes. Les premières lueurs sont bleues. Elles sont ensuite ponctuées de rose. Lorsque les premiers rayons du soleil passent l’horizon, loin derrière les sommets, ils se voient teintés de rouge. Les variations sont rapides et de l’orange prend alors la place de l’écarlate. C’est un spectacle magnifique qui donne une certaine valeur à la tasse de café soluble brûlant que nous dégustons en silence. Ce silence, il nous fait un bien fou. Quel bonheur que de n’entendre rien d’autre que le torrent qui gronde en contrebas.

Tout en profitant de la scène, je conserve un œil attentif sur les lignes de crêtes dans l’espoir d’y apercevoir un isard. La zone est en Parc National et il n’est pas rare d’en croiser ici. D’ailleurs, une silhouette progresse dans une combe herbeuse. Les petits sauts caractéristiques ne trompent pas : c’est un isard. Un mâle solitaire qui a l’air assez vieux. Je tente alors une approche, armé de mon téléobjectif. Après 40 minutes à ramper contre le vent et user du relief pour me rapprocher, l’isard semble paniqué. Il se met à bondir d’une paroi rocheuse à une autre. En regardant dans la direction opposée, j’aperçois un chien qui n’est pas tenu en laisse. L’isard a senti la présence de l’autre animal et a pris peur. Les chiens sont interdits dans le Parc National, mais son propriétaire ne semblait pas perturbé outre mesure par l’impact de son comportement.

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Retour au lac des Gloriettes

L’heure a bien tourné. Il est temps de rentrer. J’avais prévu d’attendre que le soleil illumine la vallée avant de pêcher. Ce que je n’avais pas anticipé, c’était qu’un autre pêcheur prévoit de profiter de ce parcours si tôt dans la journée.

Il est déjà presque tout en haut du parcours quand nous nous mettons en marche vers le barrage. Je décide de marcher en aval et de repêcher le début du no-kill. Le vent s’est accentué par rapport à la veille et le passage préalable semble avoir calé tous les poissons. Après une demi-heure à lutter contre les rafales, je rends les armes. C’est aussi ça la pêche en torrent de montagne.

Pêcher en itinérance avec un sac à dos m’a un peu rappelé mon séjour en Nouvelle-Zélande. Si celui-ci m’a particulièrement affecté, j’en garde tout de même d’excellents souvenirs. En matière de qualité de pêche, c’est un autre monde. Expérience à renouveler en France donc, et peut-être la source d’un prochain papier ici.

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A propos de l'auteur

Voyageur dans l’âme, Benjamin a sillonné l’Australie et la Nouvelle-Zélande pendant trois ans à la recherche des truites géantes et surtout d’endroits sauvages peu…