Parmi la multitude de pêches de la truite pratiquées dans nos montagnes françaises, l'une d'elles se singularise par son côté sportif voire carrément extrême. Il s'agit de la pêche aux leurres en vallons alpins telle que la conçoit Jérôme Drablier. Rencontre avec cet insatiable crapahuteur des Alpes du sud :
Salut Jérôme, peux-tu te présenter pour les lecteurs de Truites et Cie qui ne te connaissent pas ?
Bonjour, je m’appelle Drablier Jérôme, je suis né en 1978 dans le sud de la France à Fréjus (Var 83) près de la Grande Bleue où j'ai découvert la pêche en compagnie de mon père vers l'âge de 3-4 ans, avec une canne, un bouchon et une boîte d'escavènes (d’esches comme on dit chez moi) pour pêcher les gobies. Le début de la passion était là !
Ensuite vers l'âge de 10 ans j'ai commencé à suivre mon père sur les rives du Verdon pour pêcher dame fario et là j'ai pratiqué une autre forme de pêche avec un lancer, un moulinet et une cuiller. Près de cette fameuse rivière, j'ai ensuite découvert ses petits affluents qui m'ont directement fait de l'œil et beaucoup réfléchir : « s’il y a des truites dans la rivière, il devrait certainement y en avoir dans ces petits vallons »... et c'est vers l'âge de 12-13 ans que la prospection et la pêche en vallon ont commencé, déjà avec le leitmotiv : toujours aller voir derrière et plus loin.
Aujourd’hui on est une petite équipe d'amis du sud passionnés par cette forme de pêche sur des zones préservées que seule la rivière a façonnées pendant des millions d'années, entre parois rocheuses, forêt, collines, montagne, ciel et eaux cristallines...
Pour rentrer dans le vif du sujet, décris-nous-en quoi consiste votre "pêche en vallon"... le concept ! Qu'est-ce qui vous séduit dans cette approche ?
Comme je l'ai dis, il s'agit de "toujours aller voir derrière et plus loin"... loin de la population, loin de la pollution, loin de l'impact de l'Homme sur la Nature. Trouver encore et encore des vallons presque totalement vierges où les robes des truites et la Nature nous émerveillent à chaque sortie. Ici, la taille des poissons nous importe peu. Je recherche une pêche unique animée par l’aventure et l’exploration d’endroits sauvages ou quasi vierges. Cette pêche est assez physique car il faut souvent marcher plusieurs heures, escalader des parois rocheuses... cela me permet d’atteindre et découvrir des paysages grandioses !
Cette technique de pêche en vallons éloignés va bien sûr me permettre de capturer la truite fario, espèce endémique de nos massifs alpins.
Quels sont les prérequis indispensables selon toi ?
En premier il faut aimer la Nature, la respecter et rester humble face à elle. Respecter aussi de nos partenaires d'aventure (car cette pêche est une aventure).
Il faut aimer les endroits sauvages loin de tout où le téléphone ne passe pas !
Evidemment, avoir une bonne condition physique et une connaissance de la montagne, des canyons et vallons sont indispensables.
Enfin, bien connaître ses limites est aussi un des critères obligatoires dans cette pratique...
Présente-nous la localisation et l'écologie des biotopes que vous fréquentez !
Dans notre région, les Alpes tombent dans la mer ! Cette particularité géographique offre de grandes perspectives pour notre pratique. Nos terrains de jeux se situent principalement dans les départements des Alpes-Maritimes, des Alpes de Hautes Provence et du Var... nos montagnes drainent des ruisseaux qui traversent tous ces départements avant de rejoindre les rivières et la mer Méditerranée.
Dans ces vallons reculés il n'est pas rare de trouver une truite derrière chaque rocher. Ce sont près de 3200 km de rivières qui constituent le réseau hydrographique uniquement des Alpes-Maritimes (06), je vous laisse donc imaginer le magnifique potentiel de pêche qui s’offre à nous avec en plus les deux autres départements du 04 et 83... On peut dire que nous sommes assez gâtés !
Présente-nous en détails l’archétype de ton ruisseau de vallon préféré ! Le portrait-robot de la « perle rare » !
Mon vallon préféré, c’est déjà un vallon difficile d’accès car cela limite fortement l’impact humain.
Au niveau du cadre, il est vrai que j’ai une forte préférence pour les vallons rouges, ceux du « Colorado Niçois » comme on les appelle ici.
Ces rivières rouges, sont des bassins versants remarquables à haute valeur patrimoniale. Cette couleur est due à la roche sédimentaire, la pélite, qui les compose.
Ces vallons et canyons sont pour la plupart très souvent engouffrés dans des gorges impressionnantes où des gours et parcours chaotiques abritent de très nombreux poissons, souvent de très belles tailles.
Parle-nous des éléments clés du matériel que tu utilises et cite-nous tes 5 leurres préférés !
Je pêche avec un ensemble UL comprenant un moulinet taille 1500-2000 maximum avec un gros ratio pour l'animation des leurres par fort courant et une canne Smith Multiyouse TRMK 604 en 4 brins, d'une puissance de 2-7 grammes et d'une taille de 182 cm avec un encombrement de moins de 50 cm une fois pliée. Cette canne a une action Moderate Fast qui favorise les animations précises des leurres durs, sa polyvalence et sa sensibilité permettent également l’usage de cuillers tournantes. C’est mon passe-partout destiné aux petits vallons avec une grosse marche d'approche et des contournements d'obstacles difficiles. Ce genre de cannes me permet de la ranger facilement dans mon sac à dos pour garder les mains libres.
Pour mes 5 leurres préférés... voici le classement :
- la cuiller tournante Smith Ar-s en 4,5 gr coloris 03
- le mythique poisson nageur Smith D-contact 50 coloris Awabi 01
- Toujours le Smith D-contact 50 coloris T1 (truite fario)
- le Smith D-incite 44 coloris 12
- la cuiller tournante Mepps taille 3 argent points rouge.
Comment t'organises-tu pour coupler pêche et randonnée de manière efficace ?
Pour coupler pêche et randonnée de manière efficace, j’utilise beaucoup des sites web et applications comme Géoportail, Google Earth et calculitinéraires.fr pour ne citer qu’eux...
Cela me permet de visualiser avant ma partie de pêche, les chemins, la topographie, les distances et le dénivelée du vallon pour pouvoir me faciliter l’accès et surtout le retour à la voiture...
Un autres élément-clé de cette pêche se trouve aussi au niveau du matériel choisi : une très bonne paire de chaussures de marche d'approche est indispensable ainsi qu'une autre paire avec des semelles antidérapantes sur roches mouilles (type chaussures de canyoning) et aussi un bon sac à dos étanche. Pour ma part, j'ai personnellement opté pour un sac étanche HPA Infladry 25 dans lequel se trouvent, en plus de mon matériel de pêche, corde, grappin, mousquetons...etc pour pouvoir me sortir de quelques passages infranchissables ou contournements délicats.
Pratiques-tu cette approche tout au long de la saison ? si oui, explique-nous ce qui de l'année diffère en fonction de l'époque !
Je pratique la pêche en vallon durant toute la période d'ouverture.
En fonction de l'époque, il est indispensable de prendre en compte l'aspect température pour réussir ses sorties. Quand il fait froid la truite dépense plus d'énergie que quand les températures sont agréables. C'est pour cela que la précision et la discrétion font partie de ces changements par rapport à une période plus chaude. Un lancer parfait dans un endroit précis fait très très souvent la différence par rapport à un lancer un peu hasardeux dans le trou péché. Un lancer loupé et la truite ne viendra jamais prendre votre leurre.
Pour la truite à cette époque il sera quasi inconcevable d'attendre sa nourriture en plein courant. Ma petite astuce leurre pour le début de saison dans ces milieux : je préfère les leurres imitatifs, car on est plus sur une pêche de prospection que de réactivité...
Quels conseils donnerais-tu à ceux qui voudraient tenter l'aventure suite à la lecture de cet article, que ce soit dans les Alpes du Sud ou dans d'autres massifs français ?
Il ne faut pas pratiquer cette pêche en espérant capturer une truite record mais plutôt un poisson de pure souche à la robe unique...
Protéger le maximum possible ces petits trésors de la Nature en y pratiquant une pêche raisonnée est un impératif pour sauvegarder l’avenir compte tenu de la situation actuelle... conserver l’ensemble de ses prises est désormais une attitude profondément égoïste et irresponsable.
Raconte-nous ton meilleur souvenir de pêche en vallon !
Mon meilleur souvenir en vallon... il y en a tellement !!!!
Mais je crois que cela restera pour le moment le jour où j’ai fait mon record truite de vallon avec un poisson hors norme de 52cm pris dans un vallon de 1m50 de large...
Cette truite est sortie de nulle part pour attaquer et prendre dans sa gueule un poisson de 25cm que j’étais entrain de ramener. Je vous laisse imaginer la suite... une action inoubliable !
Si tu veux ajouter quelque chose pour conclure, c'est maintenant !
S'il vous plaît, garder ces petits trésors de la Nature aussi secrets que possible, est la condition sine qua non à la longévité de ceux-ci...
Merci Jérôme et à bientôt pour de nouvelles aventures !
