Marre de suffoquer dans vos waders en pleine chaleur ? Pourquoi ne pas les troquer contre une bonne paire de chaussures de randonnée afin de trouver la fraîcheur et des poissons bien actifs en altitude ? Les eaux vives de haute montagne qui s'écoulent au niveau des étages subalpin et alpin, au delà de 1800 m d'altitude, offrent le meilleur à la belle saison. Voici quelques conseils pour les aborder canne en main.
L'approche
L'accession au coin de pêche se fait le plus souvent à pied. En effet, les routes se font rares vers 2000 m et il y a fort à parier que le secteur choisi nécessite une marche d'approche allant de quelques minutes à... quelques heures ! Dans ce contexte, il convient de s'équiper en conséquence, et de ne pas négliger le choix des chaussures, du sac à dos et de tout l'équipement de base du randonneur. Les recommandations classiques inhérentes aux rando-pêche s'appliquent ici (vérification de la météo, utilisation d'une carte IGN précise, information des proches...etc). Ainsi, l'effort fait partie intégrante de cette approche. Evidemment, plus le torrent est difficile d'accès, plus vous serez tranquille pour arpenter ses berges, ce qui, en période de grosse affluence estivale, est toujours appréciable.
Les meilleurs torrents et postes
Tous les torrents d'altitude ne se valent pas pour la pêche, c'est-à-dire que tous ne sont pas capables de produire de beaux poissons en bonne quantité. Selon la densité du réseau hydrographique qu'ils drainent, selon leur pente, la nature du terrain qu'ils traversent, ces cours d'eau présentent des caractéristiques morphologiques différentes. Les meilleurs ruisseaux d'altitude sont ceux qui possèdent une capacité d'accueil importante, c'est-à-dire un débit suffisant même en période d'étiage (en fin de saison), des caches (berges creuses, blocs de rocher...etc) et des parties profondes (fosses, traversées de lac) où les poissons trouvent refuge durant les mois les plus froids.
Pour dénicher un bon torrent de montagne, plusieurs méthodes existent : il est évidemment possible de chercher des informations sur internet ou en contactant directement les gestionnaires locaux de la pêche. L'étude de la classique carte IGN au 1/25 000 est également une source d'informations non négligeable.
En pratique, cela revient à chercher sur la carte des tributaires de lacs de montagne et/ou des ruisseaux traversant des zones herbeuses (la légende de la carte topographique est d'une grande aide) et effectuant des méandres (ils conditionnent la présence de berges creuses) : en résumé, partout où les courbes de niveau de la carte s'espacent. En effet, les meilleurs secteurs se situent là où l'eau est ralentie et assez profonde. Ces plateaux (appelés "Jasse" dans les Pyrénées) sont en effet des zones riches en insectes terrestres qui se développent dans les pelouses avoisinantes ; les conditions de vie des poissons y sont plus clémentes.
A noter qu'en cas de configuration défavorable, une courte portion peut concentrer la majorité des poissons et offrir une manne au pêcheur qui saura la dénicher.
D'un autre côté, la présence de vasques conditionne la qualité des secteurs pentus et cascadeurs. Evitez ceux qui se résument à un enchaînement de cascades et de portions rapides et maigres.
Les poissons
Dans les torrents de montagne, les salmonidés que l'on rencontre proviennent soit de la reproduction naturelle, soit des alevinages héliportés. Ces alevinages concernent le plus souvent les milieux lacustres, les poissons colonisant dans un second temps les tributaires (vers l'amont ou vers l'aval). Les proportions de ces deux origines sont variables et dépendent de nombreux paramètres de l'écosystème (température de l'eau, présence d'un substrat adapté au fraie...etc). Au niveau des espèces, ce sont majoritairement :
Des truites fario : elles subsistent en montagne jusqu'à une altitude d'environ 2300 m et sont donc fréquemment retrouvées dans les torrents des étages alpin et subalpin. Dans les milieux les moins compatibles avec ses exigences écologiques, la truite fario provient presque totalement des alevinages. Toutefois, de nombreux cas de reproduction naturelle sont recensés dans les Alpes et les Pyrénées, généralement entre 1800 et 2000m d'altitude (citons entre autres les torrents d'Espingo (31) et de la Carança (66) dans les Pyrénées). Dans ces milieux, la truite fario dépasse rarement la taille de 30 cm mais ses qualités esthétiques et sa défense compensent son calibre modeste !
Des truites arc-en-ciel : introduite dans certains plans d'eau d'altitude et parfois naturalisée (c'est le cas sur le secteur des Bouillouses dans les Pyrénées Orientales), la truite arc-en-ciel se plaît elle aussi dans les eaux froides de haute montagne. Sa période de reproduction (mai/juin) diffère totalement de celle de la truite fario et il convient de consulter la réglementation en vigueur sur les secteurs qui en contiennent (des interdictions ponctuelles de capture peuvent exister). Niveau pêche, peu de choses la singularisent de sa cousine endémique, si ce n'est sa célèbre défense encore plus énergique !
Des saumons de fontaine : cet omble aux couleurs chatoyantes fait preuve d'une meilleure aptitude à la croissance que la truite dans l'eau glacée de l'étape alpin. Ainsi, il est fréquent de rencontrer des individus issus de la reproduction naturelle jusqu'à haute altitude, au dessus de 2400 m. Souvent dénigré par les pêcheurs naturalistes puristes, cet omble est pourtant un formidable vecteur d'halieutisme en haute montagne : il est fréquemment actif en surface et la pauvreté des milieux qu'il affectionne le rend particulièrement peu discriminant. Sa pêche est très ludique. C'est une cible idéale pour le débutant !
La bonne période
En montagne, la saison de pêche est courte (de fin mai/début juin à la fermeture fin septembre/début octobre suivant les départements) mais les conditions sont très variables et changent considérablement en l'espace de quelques semaines.
Jusqu'à la fin du printemps, la neige est omniprésente et les accès parfois compliqués, voire dangereux pour le non initié. L'eau est très froide et les poissons apathiques. Sous l'effet de l'ensoleillement, cette eau figée fond, les lacs se libèrent de leur étreinte de glace et le débit des torrents augmente. Lorsque le stock de neige est déjà bien entamé, la baisse s'amorce : la fin de la fonte, lorsque les eaux sont encore tendues mais claires, représente sans doute le meilleur de moment de la saison pour prendre les plus beaux poissons que le cours d'eau abrite. Cette période survient courant juin, et dure parfois jusqu'au début du mois de juillet.
Plus tard, à mesure que la baisse se poursuit et que l'étiage s'installe, la taille moyenne des prises diminue mais de beaux poissons sont toujours capturables, sous réserve de bien choisir les secteurs et les postes. En fin de saison, l'étiage peut être marqué et la capturabilité des salmonidés diminuée (particulièrement en dessous 2000 m). Il faudra alors adapter sa technique en miniaturisant l'offre et en affinant la pêche.
Les techniques de pêche
Tous les modes de pêche sont praticables en torrent de montagne, de la mouche au toc en passant par la pêche aux leurres. La faible densité de la ripisylve facilite la mise en oeuvre de toutes les techniques, mais peut compliquer l'approche par eaux basses. Quelle que soit la nature de votre canne, le principe général qu'il faut retenir, est que la simplicité est souveraine dans cette approche. En haute montagne, la pauvreté des biotopes en ressource nutritive décuple le rythme alimentaire des salmonidés et leur capturabilité. Ici encore plus qu'ailleurs, être pragmatique, c'est être efficace. Voyons ce que cela donne en pratique :
A la mouche...
Evidemment, la pêche à la nymphe est forcément rentable dans ces eaux mais il serait dommage de se priver d'une pêche en sèche particulièrement efficace et porteuse. En effet, la pauvreté du milieu pousse les salmonidés à faire preuve d'opportunisme et à profiter pleinement de la courte saison clémente qui s'offre à eux. Ils sont donc aux aguets et volontiers enclins à venir cueillir une mouche en surface. Nous choisirons un matériel tout à fait classique de pêche en eaux rapides (voir notre article matériel eaux rapides). L'attention particulière concerne le choix des mouches : dans la mesure où les poissons sont rarement sélectifs, il convient de privilégier le côté pratique des artificielles en priorisant celles qui flottent haut et se voient le mieux. Les sedges chevreuil, les montages parachutes et les terrestres en foam de taille 12 à 16 sont des valeurs sures pour aborder ces eaux. En cas d'étiage marqué et d'eaux lentes (notamment en fin de saison), quelques diptères, fourmis et CDC noirs de taille inférieure (h18) viendront à bout des poissons rétifs.
Au toc...
La pêche au toc est l'une des techniques les plus efficaces pour prendre des truites en eaux rapides, et les torrents de montagne n'échappent pas à la règle ! Un matériel classique pour "ruisseaux et torrents" conviendra parfaitement. Evidemment, les cannes de faible encombrement (téléréglables ou à emmanchements en 4 brins) sont plus faciles à transporter durant la marche. Côté esche, dans la mesure où les salmonidés sont peu sélectifs, les appâts pratiques sont les meilleurs : ceux qui sont faciles à transporter et qui se conservent bien, même par fortes chaleurs. Les teignes sont par exemple très utiles pour aborder les torrents. Il est également possible de carrément se passer des appâts naturels en utilisant des nymphes à bille tungstène (voir nos articles nymphe au toc). N'oubliez pas qu'il est également possible (et même recommandé !) de puiser vos esches dans la Nature environnant le torrent : les pelouses alpines regorgent de sauterelles et les truites les adorent, ça tombe bien !
Aux leurres...
La pauvreté des milieux montagnards ainsi que la courte période favorable décuplent l'agressivité des salmonidés et donc l'efficacité de la pêche aux leurres.
Tous les types de leurre sont susceptibles de les intéresser, qu'ils soient durs, souples ou à palette. Adaptez votre offre à la topographie des secteurs rencontrés : dans les replats et les méandres herbeux, où la vitesse du courant est faible, les poissons nageurs suspending de type jerkbait de 3 à 5 cm, animés assez violemment, font souvent fureur, tout comme les cuillères tournantes de 00 à 2 suivant la masse d'eau. Au contraire, les vasques nécessitent de pêcher plus creux et des leurres plus denses de 3 à 5 cm type cuillère ondulante ou leurre souple sur tête plombée seront plus aptes à aller chercher les salmonidés dans ces parties profondes. Le matériel choisi doit être homogène avec la taille modeste des poissons convoités et les poids plutôt légers des leurres utilisés. Des cannes spinning ultra-light ou light sont les mieux indiquées. Un moulinet léger pour équilibrer le modèle choisi, un nylon fluo de 14 à 18/100 voire une tresse fine en corps de ligne, une pointe en nylon neutre et le tour est joué !
Quelques bons coins :
Dans les Pyrénées : les gaves de Lutour et du Marcadeau (65), les torrents d'Espingo (31), le ruisseau de Gnioure (09), le torrent du Campcardos (66)...
Dans les Alpes : les sources de l'Ubaye, la Serpentine en aval du lac d'Allos (04), les sources de la Romanche (05), le ruisseau des Bataillières, L'Eau Dolle (73)...