Mouche en lac de montagne : pêchez à vue !

pêche lac de montagne

Les lacs d'altitude offrent un panel impressionnant de possibilités techniques pour le pêcheur de salmonidés. Par exemple, le moucheur qui pratique à vue, souvent frustré par l'absence de gobages ou l'efficacité fluctuante de la nymphe à vue en plaine, peut s'adonner à sa passion près des cimes, où le contexte lui est particulièrement favorable. Explications :

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L'importance du choix du parcours

La principale contrainte lors du choix du parcours pour le pêcheur à vue est de rencontrer des eaux suffisamment transparentes pour y déceler les poissons à attaquer ! De ce point de vue, la pratique en lac de montagne simplifie grandement les choses. Les eaux faiblement minéralisées et peu chargées en matière organique se laissent explorer même par des yeux peu aguerris, et ce jusqu'à plusieurs mètres sous la surface.

Toutefois, tous les lacs ne se valent pas pour cette approche et certaines caractéristiques permettent de les discriminer, en particulier la topographie des berges. Voici le descriptif de l'archétype du bon lac d'altitude de pêche à vue :

  • les poissons qui l'habitent fréquentent la frange littorale et les couches supérieures : en cas de piétinement intensif des berges couplé à une faible déclivité, il arrive que les poissons conservent une distance de sécurité, les rendant invisibles aux yeux des pêcheurs. De même, certaines espèces comme l'omble chevalier ou le cristivomer rechignent à quitter les zones profondes. Ce ne sont pas vraiment des cibles idéales pour le pêcheur à vue, contrairement au saumon de fontaine et aux truites (fario et arc-en-ciel), fréquemment actifs dans les couches supérieures.
  • présence de zones peu profondes : s'il est tout à fait possible d'observer des poissons naviguer sous la surface avec plusieurs mètres d'eau sous les nageoires, il est quand même sacrément avantageux d'explorer en priorité les parties les moins profondes du lac où ils naviguent plus à découvert (anse maigre, abord d'herbiers, haut-fond...etc).
  • des berges assez pentues et/ou parsemées de gros blocs rocheux : tout ce qui permet de prendre un peu de hauteur augmente considérablement votre champ de vision. A l'extrême opposé, les plans d'eau nichés au beau milieu d'un plateau herbeux plat limitent sacrément la perspective.
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Archétype d'un bon lac de pêche à vue : berges découpées, pentues et zones peu profondes...
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Le bon moment

Par essence même, la pêche à vue en lac d'altitude vise des poissons le plus souvent actifs, proches de la surface et/ou en déplacement dans des postes de faible profondeur. Ces individus recherchent des insectes terrestres ou aquatiques, présents lorsque les eaux se sont suffisamment réchauffées, plusieurs semaines après le dégel. Mieux vaut donc éviter les eaux glaciales de la débâcle, lorsque les poissons sont apathiques et s'alimentent plutôt en profondeur. La meilleure période pour pêcher à vue en lac d'altitude s'étend donc du milieu à la fin de saison.

Une fois ce créneau défini, il faut aussi bien choisir sa journée de pêche. Là encore, la logique impose de privilégier les temps ensoleillés ou tout le moins, assez clairs pour vous assurer une bonne visibilité. Si quelques passages nuageux ne sont pas problématiques (quoiqu'ils génèrent des reflets handicapants), les météos franchement perturbées, tout comme les baisses brutales de baromètre qui peuvent caler les poissons, sont à éviter si l'on souhaite repérer les salmonidés avant de les tenter.

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Le choix du matériel et des mouches

Lorsqu'on pêche à vue en lac d'altitude, 80% des poissons sont ferrés à moins de 10 m du bord. Ajouter à cela une relative aisance pour les combattre dans ces milieux vastes et l'on comprend que tout excès de puissance du matériel est superflu (et même néfaste pour des truites très tatillonnes qui nécessitent un affinage des pointes). Une canne de puissance #4, #5 voire #5/6 suffit largement.

Au niveau du mariage canne/soie, il peut être judicieux de choisir un numéro de soie très légèrement supérieur à la puissance réelle de votre canne, de façon à ce que cette dernière se charge avec peu de longueur de soie sortie. Un profil décentré type WF favorise également cette mécanique. Cela présente le double avantage de diminuer le nombre de faux lancers toujours préjudiciables pour la discrétion et d'augmenter votre réactivité lorsque vous apercevez un poisson qui croise. En matière de longueur, une 10' favorise les lancers lorsque la pente de la berge derrière vous oblige à les orienter verticalement (vous laisserez moins de mouches dans les rhododrendrons environnants) sans pénaliser le confort de pêche.

Le choix des mouches est essentiellement dicté par le degré de sélectivité des poissons, lui même dépendant de l'altitude du lac (l'opportunisme des poissons étant proportionnel à cette altitude) et du comportement des salmonidés à l'instant t. A ce propos, il convient de distinguer :

  • les poissons en maraude qui accepteront souvent des mouches génériques incitatives (telles que les terrestres, sedges chevreuil, sialis ou parachutes noirs),
  • ceux qui "tournent" et gobent des insectes agglutinés en surface, sur la berge battue par les vents par exemple. Ils se révèlent beaucoup plus sélectifs, notamment lors de retombées de fourmis ailées. Dans ce cas, les refus peuvent se multiplier... Il faut alors trouver une imitation se rapprochant le plus possible des insectes présents, à la fois au niveau de la taille et de la teinte générale (une analyse du contenu stomacal de ces poissons permet de faire évoluer ses imitations et d'améliorer ses résultats !).

Si les poissons croisent assez profondément et rechignent à monter sur vos sèches, quelques nymphes faiblement lestées peuvent vous sauver la mise. Ici, la présentation prévaut sur le modèle. Des teintes sombres et ternes type pheasant tail ou dubbing olive qui s'immergent lentement et naturellement (pensez à allonger vos pointes !) feront parfaitement l'affaire.

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L'action de pêche

Comme évoqué dans l'article de Lionel Ainard relatif à la stratégie de pêche du moucheur en lac d'altitude, la pêche à vue se pratique essentiellement en milieu de journée, lorsque le soleil illumine la surface de l'eau. Toutefois, les tout premiers instants de la journée, avant le lever du soleil, peuvent se révéler favorables :

Bien que la stratégie de pêche souvent gagnante à ce moment de la journée consiste à prospecter "en aveugle" le moindre interstice des berges (en sèche ou en noyée), il peut arriver que la pêche à vue soit plus rentable. C'est notamment le cas dans les plans d'eau où la densité de salmo est trop faible pour espérer réussir en "pêchant l'eau". Mieux vaut alors débuter d'emblée par une pêche à vue en scrutant les eaux encore sombres jusqu'à l'arrivée des premiers rayons lumineux. En illuminant les montages alentours, ces derniers peuvent générer de nombreux reflets et compliquer la vision des poissons. A vous de rechercher la berge la plus épargnée par ces reflets et de fouiner attentivement à ce niveau.

A cette heure de la journée (vers 8/9h), les poissons ne se nourrissent pas ou peu, il leur arrive fréquemment de croiser assez nonchalamment et révèlent assez difficiles à leurrer, d'autant que les paramètres des conditions de pêche sont également défavorables (surface lisse ne pardonnant par les posés brusques).

Les conditions s'améliorent avec l'arrivée de l'astre solaire puis du vent thermique vers 11h qui certes, ride un peu la surface et complique légèrement la vision des poissons, mais facilite grandement la présentation de vos artificielles.

Lorsque toute la montagne environnante est éclairée, les reflets disparaissent. Il est alors possible d'observer les poissons, même profondément si l'on peut se percher sur une berge sur-élevée. La pêche peut ensuite rester favorable toute l'après-midi. S'il fait très chaud, il arrive que le nombre de poissons en mouvement diminue. 

En soirée, l'astre solaire descendant génère à nouveau de nombreux reflets et les conditions se dégradent franchement pour la pêche à vue... c'est le moment de scruter la surface lisse à la recherche de poissons gobeurs ou de redescendre si vous êtes parti pour une ballade à la journée.

Quel que soit le moment de la journée, la démarche consiste à repérer le plus précocement possible l'individu à attaquer, à anticiper sa trajectoire et à ajuster le lancer pour soigner le premier poser. La précision du premier impact est primordiale pour décupler ses chances de le faire mordre. Dans la plupart des cas, la mouche est présentée en statique dans l'axe supposé du poisson. Quelques exceptions existent et notamment :

  • les cas de frénésie alimentaire où les poissons perdent leur méfiance. Draguer légèrement son artificielle permet au salmonidé de mieux la repérer dans la masse d'insectes à disposition,
  • les cas où les poissons sont très agressifs comme en début de saison ou à haute altitude (les saumons de fontaine vivant à plus de 2400 m sont d'excellents clients pour la pêche "à vue à draguer").
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L'efficacité sur les grosses truites

Nous en avions parlé dans notre article consacré aux grosses truites, la pêche à vue est l'une des approches les plus efficaces pour cibler les vieux poissons : ces derniers étant par essence rares, une prospection intensive consistant à peigner méthodiquement les postes est peu rentable. Par contre, tenter de déceler le gros individu avant de l'attaquer en passant en revue les différentes zones potentiellement occupées est plus adapté.

Evidemment, si vous visez les grands poissons de cette manière, il est évident que le mental prend une place très importante dans la réussite :

Si vous maîtrisez plusieurs approches de la pêche à la mouche, il peut être tentant, après plusieurs dizaines de minutes infructueuses à observer les berges, de céder à la tentation de "pêcher l'eau" au streamer ou en noyée par exemple. C'est précisément ce qu'il faut éviter pour réussir car très souvent, une fois que vous aurez empoigné votre autre canne, le moment sera choisi par la magnifique truite que vous convoitiez depuis l'aube pour pointer le bout de son museau... S'en suivra probablement une tentative hasardeuse car hors timing... Ainsi, si vous recherchez la toute grosse, mieux vaut se tenir à la stratégie de départ. Les occasions sont rares mais le jeu en vaut la chandelle. Séduire une grosse truite d'altitude à vue avec une minuscule imitation est une expérience rare et marquante. Mais attention, cette pêche n'est pas qu'une affaire d'esthétisme : en effet, la pêche aux leurres par exemple, étiquetée plus efficace pour les grosses truites dans l'imaginaire collectif, n'est véritablement porteuse que dans les semaines qui suivent le dégel, lorsque les poissons sont suffisamment naïfs et agressifs. Dès que l'eau s'est réchauffée, le stimulus alimentaire prend le dessus et la mouche artificielle est alors une sacré arme pour réussir !

Bonne pêche en lac d'altitude !

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La mouche à vue est l'une des techniques les plus efficaces pour séduire les grosses truites d'altitude !
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