
Lorsque Simon m'a parlé de son projet, j'ai de suite été très enthousiaste et partant pour cette aventure ! J'aime écrire et l'idée de tenir une sorte de carnet de route avec tous les grands noms de la pêche de la truite en France me fascinait. Je vous embarque donc avec moi à travers l'Océanie, en commençant par l'Australie.
C'était il y a presque un an, déjà. Je ne me rends pas bien compte si le temps qui s'est écoulé depuis mon départ fut long, ou s'íl est passé très vite. A vrai dire je n'ai plus vraiment de notion du temps. Plus de montre, la question « Quel jour on est déjà ? » revient inlassablement. Je m'appelle Benjamin Kerthe, j'ai 24 ans, et 322 jours (nous sommes le 8 février lorsque je termine la rédaction de cet article) se sont écoulés depuis que j'ai changé de vie. Ou plutôt, depuis que je vis.


La pêche de la truite rassemble quelques passionnés mais est loin d'être celle la plus pratiquée dans le pays. Ici, on aime la pêche au gros en pleine mer, la traque du barramundi en estuaires et celle des différentes « perch » et cods en eau douce. J'avais tout de même pris contact avec des locaux passionnés de pêche à la mouche. Les échanges se faisant de plus en plus réguliers et intéressants, après 6 mois à sillonner le pays, je rencontrais Noel qui me faisait le topo. Peu de pression de pêche, croissance rapide, taille moyenne supérieure à 30cm et des centaines de rivières différentes contenant de belles populations de truites farios. Impossible de ne pas parler de la Tasmanie où la gestion est patrimoniale dans les cours d'eau et la majorité des lacs d'altitude depuis plus de 20 ans ! Mais ce serait pour plus tard, Noel me montrerait en premier lieu un échantillon des rivières du Victoria, l'état australien à prédominance montagneuse. Il m'introduira aussi auprès d'Helen, une femme extraordinaire chez qui je passerai 2 mois, logé, très bien nourri et blanchi en échange de coups de main en tout genre (cuisine, jardinage, soin des chevaux...). En effet, cette charmante dame vit reculée, dans les Alpines, près du hameau d'Anglers Rest, à 45 minutes d'Omeo, « ville » avec supermarché la plus proche. Elle tient depuis une vingtaine d'années un ranch et totalise environ 70 chevaux, une dizaine de Guineafowls (sorte de dindes qui ont pour seules occupations de manger, se courir après en hurlant de façon stridente et de temps à autres pondre des œufs) et un chien. Tout ce gentil petit monde se partage 300 acres (121 hectares) le long de la Bundara River, qui est bien entendu pleine de truites. A mon arrivée, je ne pensais rester que deux semaines histoire de faire le tour des rivières du coin et recharger un peu les batteries après presque 3 mois de boulot intensif. Sauf que lorsque vous franchissez les portes de « The Willows », il est impossible de repartir. La chaleur humaine qui se dégage de la batisse, l'ambiance rythmée par les nombreux arrivées/départs d'amis rendant visite ou sur la route, les milliers d'odeurs émanant de la cuisine et la bonne compagnie d'Helen narrant ses histoires de voyages au coin du feu vous tiennent en haleine et vous font prolonger votre séjour.
Il ne m'aura pas fallu très longtemps avant de ferrer mes premières truites locales. Les jolies robes, la taille moyenne correcte et la forte activité alimentaire en surface rendent la pêche très plaisante. J'y allais presque tous les jours, explorant des parcours différents à chaque sortie. Cinq cours d'eau dans un rayon de 20km, aux profils différents, ce qui laisse place à des choix d'approches infinies, il y en a pour tous les goûts ! Côté nature, il y a de quoi en prendre plein les yeux. Souvent, alors que je suis concentré sur un poisson en train de gober, je me sens comme observé. Je lève alors la tête et une famille de kangourous se prélasse au soleil. D'autres fois, je crois distinguer un gobage au loin, quoique gros pour un gobage, je me rapproche. C'est en fait un ornithorynque qui vient reprendre sa respiration en surface. Il m'a repéré et se laisse descendre doucement dans le courant. Ces bestioles sont fascinantes et je ne me lasse pas de les observer. Ce sont des bioindicateurs, très sensibles à la qualité de l'eau. Peu d'anthropisation à déclarer dans la vallée d'Helen. La trentaine d'habitants sur les 20km carrés pompent l'eau des rivières pour leur utilisation personnelle, mais pas de grande culture et d'utilisation abusive. Pas non plus d'hydroélectricité dans le secteur, ni d'élevage intensif. Ils vivent tous en harmonie avec la nature, utilisent des panneaux solaires et se chauffent au bois, tous bien conscients de l'intérêt à préserver une nature déjà bien trop perturbée. Ce qui n'est au passage pas du tout le cas de l'australien moyen, qui n'en a que faire de jeter sa canette de Coca par la fenêtre de son 4x4, se chauffe à l'électrique via la combustion du charbon, vide son huile de vidange dans le fossé du coin...j'en passe et des meilleures.

J'ai profité de ce séjour pour faire un road trip axé 100% pêche dans l'état. Mille kilomètres sur une semaine en pêchant pas moins de huit rivieres différentes. Mon coup de cœur sera pour la Goulburn River. Une tailwater (régulée par un barrage pour la fabrique d'hydroélectricité) dont le profil me rappelle énormément la Basse Rivière d'Ain en France. La pêche y est très similaire. Les poissons effectuent des circuits d'alimentation sur les bordures et il n'y a presque que des gros. La plus petite truite que j'ai capturée sur les trois journées que j'y ai consacré mesurait 40cm. J'ai eu des occasions d'attaquer à plusieurs reprises des poissons passant les 60cm mais les mécaniques rouillées par manque de pratique et quelques négligeances techniques ne me permettront pas d'en mettre une seule au sec. Mais quelques beaux sujets se laisseront tout de même tenter.


J'avais emporté dans mon gros sac à dos en partant, une petite boite faite de mouches passe partout, certaines montées par mes soins, d'autres par mon ami Matthieu. Notamment des nymphes pour la pêche à vue qu'il réalise avec brio. Ces dernières me permirent de prendre des poissons que je n'aurais probablement pas attrapés avec les mouches locales. Disons que le montage n'est pas trop dans les gènes du moucheur australien. Il préfère les acheter $3 pièce au magasin, qui lui les a achetées en Chine ou je ne sais où. Quelques passionnés les montent eux même, et quelques magasins en vendent des artisanales. Mais cela reste minime contrairement à la France. Du coup je me suis très vite retrouvé en rupture de mouches. J'ai passé une commande à un flyshop de Tasmanie mais les délais de la poste, ici, sont interminables. Heureusement, Simon m'a envoyé de quoi tenir un bout de temps. Bien que ce fut aussi une sacrée galère pour récupérer le colis. N'ayant pas d'adresse fixe, je lui avais fait expédier tout cela chez mon ami Noel. Or je suis parti pour les montagnes avant de recevoir le paquet. Il m'a donc fallu attendre que Sam, le fils de Noel, lui ausssi fou furieux de pêche à la mouche, vienne passer quelques jours là-haut pour récupérer mes précieuses imitations !
Après ces deux mois en dilettante, il était temps de reprendre la route, poursuivre mes aventures. Nul doute, j'aurais pu rester toute ma vie dans ce petit coin de paradis. Mais j'ai tellement de choses à voir, de rivières et de lacs à pêcher, de territoires à explorer, ici et ailleurs. Le plus dur était de dire au revoir à Helen. Son état de santé est assez instable et malgré le puissant désir de revenir, j'avais un problème de timing pour mon visa. En effet, je dois effectuer 88 jours de travail en zone rurale, dans des secteurs d'activité définis afin de pouvoir prolonger d'un an. Le Woofing n'étant pas comptabilisé, il me fallait reprendre la route pour me mettre en quête de travail. Et j'avais décidé de terminer mon visa en Tasmanie, île regorgeant de vie sauvage, lacs, rivières, où se mélangent océan et montagne. Hostilité et grands espaces sont les maîtres mots de ces lieux sacrés.

Je suis donc désormais en terre promise, depuis un peu plus de deux mois, et vous ferai découvrir cette île splendide à travers mon prochain article. Il reste un mois et demi sur mon visa. Le plan initial était d'enchaîner avec la Nouvelle Zélande pour un an, mais la vie de voyage ne vous permet jamais de suivre vos plans. J'ai rencontré quelqu'un et repars pour une année de plus ici ! Je vous en dirai davantage la prochaine fois, j'ai peur d'avoir déjà franchi la limite de caractères pour un seul article alors qu'il me reste tellement à dire !