Pêche en lac de montagne : comment choisir le parcours

pêche lac pyrénées

En lac comme en rivière, les choix stratégiques conditionnent la réussite de vos parties de pêche. Le bon endroit et le bon moment importent autant que la bonne façon. Les milieux lacustres sont fréquemment qualifiés de « capricieux » par les pêcheurs. Il est vrai que l’on peut passer de moments d’activité frénétique à de profonds calmes plats en l’espace de quelques jours sur un même lac. Toutefois, l’accumulation d’expériences permet d’établir de réelles relations de causes à effets et ainsi sacrément relativiser le côté imprévisible de ces milieux. Comme souvent, c’est du côté de la température que se trouvent les bases de la réflexion à mener. Parallèlement, dans la mesure où différentes espèces de salmonidés sont capturables en lac de montagne, la prise en compte de leurs singularités est aussi nécessaire.

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Connaître les variations thermiques du plan d’eau et leurs influences sur les salmonidés

Les salmonidés étant poïkilothermes, leur température corporelle est identique à celle de leur environnement et leurs fonctions vitales (dont le métabolisme) sont directement influencées par ce facteur, comme la totalité des intéractions au sein de l’écosystème aquatique. La température doit donc conditionner les choix du pêcheur. Voici schématiquement, l’évolution de la température de l’eau et ses conséquences sur le comportement des poissons au cours de la saison :

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pêche lac pyrénées
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A la débâcle (entre début mai et fin juillet suivant l’altitude et l’exposition du lac), la glace se fissure et les rayons lumineux atteignent à nouveau le milieu aquatique. L'eau est extrêmement froide (moins de 5°C) et les différentes couches ne sont pas encore réellement formées ; la température reste relativement constante quelle que soit la profondeur mais commence à augmenter à mesure que la glace en surface régresse. De son côté, l'écosystème aquatique sort progressivement de sa léthargie hivernale et s’éveille lentement. Les salmonidés sont très engourdis et peu mobiles dans un premier temps. Ils s’alimentent peu et la pêche est globalement peu productive, sauf dans les rares postes qui gagnent rapidement quelques degrés : anses maigres abritées et bien exposées au soleil, herbiers, déversoirs, et plus généralement les zones peu profondes à l’écart des courants froids. Ce phénomène de torpeur du dégel est particulièrement marqué dans les lacs profonds de superficie importante au-dessus de 2400m. Le réchauffement de l’eau sous l’effet de l’ensoleillement y est lent (en raison de l’importance de la masse d’eau à réchauffer et des faibles températures de l’air régnant à cette altitude).

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pêche lac de montagne
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A partir d’un certain seuil thermique, atteint en quelques jours voire quelques semaines (la valeur de cette température est espèce-dépendante, nous y reviendrons), débute la période faste post-dégel bien connue des aficionados de ces milieux : l’activité et l’agressivité des salmonidés tendent alors vers leur paroxysme. Les poissons profitent de l’apparition de la moindre proie et les belles pêches « du dégel » se font à ce moment-là. Attention donc à ne pas arriver...trop tôt ! 

Il faut bien retenir que l’inflation thermique activatrice des poissons n’a pas la même vitesse partout : aux bas étages, les étendues d’eau dégèlent plus tôt mais se réchauffent aussi plus vite. Le temps nécessaire pour parvenir à la température adéquate à partir du moment où la glace se brise s’en trouve réduit (à quelques jours en moyenne).  Au contraire, au-delà de 2500m par exemple, la température peut rester glaciale et les saumons de fontaine apathiques durant plusieurs semaines. Profitez donc du milieu de saison (fin juillet/début août à cette altitude) pour y tenter votre chance, quand l’eau « chaude » des bas étages complique grandement la pêche :

En effet, en avançant dans la saison, la situation évolue : après cette période propice, l’activité et l’agressivité des poissons vont décroître alors que les températures plus clémentes (tout est relatif, elles dépassent rarement la quinzaine de degrés en surface) boostent les chaînes alimentaires de l’écosystème aquatique. L’opportunisme alimentaire des semaines précédentes laisse place à une certaine sélectivité, qui s’explique par la manne de nourriture désormais disponible (éclosions, vairons sur les bordures, insectes terrestres…etc). Cette abondance relative rend la pêche aléatoire :  le régime alimentaire des poissons devient plus discriminant, leur voracité diminue.

La fin de saison (dès la fin août), lorsque les nuits plus froides font repartir les températures à la baisse, permet de retrouver quelques moments favorables si un franc rafraichissement se fait sentir. Attention, c’est loin d’être systématique, les salmonidés restant souvent assez sélectifs.

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pêche lac pyrénées
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Le choix du lac :

Le choix du lac est sans aucun doute le critère de réussite le plus important d’une partie de pêche en montagne, deux éléments doivent être pris en compte :

  • L'altitude qui détermine la température de l’eau à l’instant t.
  • Le peuplement piscicole : il est assuré dans la majorité des cas par alevinages héliportés et les informations sont accessibles à tous.

Ces deux facteurs sont souvent corrélés :

Alors que la truite occupe les devants de la scène aux altitudes moyennes (1500 à 2300m), seuls les saumons de fontaine s’acclimatent efficacement dans la rigueur de l’étage supérieur (jusqu'à 2700m). Pour ce qui est des ombles des grands fonds (ombles chevaliers et cristivomers), c’est la profondeur du lac qui conditionne leur présence et leur épanouissement, indépendamment de l’altitude. Tous les étages sont donc susceptibles de leur convenir, dans la mesure où la profondeur dépasse la dizaine de mètres environ.

A la lumière du descriptif précédent, on peut classer les lacs d’altitude en 3 catégories principales, selon le moment de la saison où ils donnent le meilleur pour la pêche :

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pêche fario lac
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Les lacs de début de saison : à une altitude située entre 1500 et 2000m, ils sont entourés d’une végétation dense, et abritent une biocenose importante. Leurs fonds sont souvent sédimentaires, parfois parsemés d'herbiers, ce qui favorise les éclosions de chironomes, et les vairons pullulent sur les bordures. Les salmonidés qui peuplent ces lacs deviennent rapidement sélectifs. Période faste : l’ouverture fin mai/début juin (quelques jours après le dégel). Peuplement : truites et ombles des grands fonds.

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pêche pyrénées
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Les lacs de début d'été : entre 2100 et 2400m, les plans d’eau sont certes plus froids et pauvres que ceux de l’étage inférieur mais offrent quand même des conditions de vie correctes à toutes les espèces de salmonidés que l’on peut rencontrer. La végétation rivulaire est constituée de pelouses alpines, de pins à crochet épars et de rhododendrons qui apportent des insectes terrestres et les tributaires sont souvent présents. Période faste : juin/début juillet (débute environ 2 semaines après le dégel). Peuplement : tous types d’espèces.

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pêche lac des pyrénées
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Les lacs de milieu de saison : les lacs de haute altitude (entre 2400 et 2700m) sont les plus sauvages et difficiles d’accès. Souvent enclavé dans des cirques rocheux et sans tributaire, ils sont extrêmement pauvres en ressources nutritives. Dans ce cadre minéral, la végétation se limite à quelques lichens et les insectes à quelques diptères… Seuls les ombles de fontaine y subsistent. Les cristivomers parfois introduits à cet étage, peinent à grossir. Période faste : de mi-juillet à mi-aout. Peuplement : saumons de fontaine 

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Attention, ces observations empiriques peuvent servir de base de réflexion mais ne doivent en aucun cas être considérées comme des règles infaillibles. L’activité des poissons peut être ponctuellement transcendée par l’approche d’un orage, une retombée de fourmis, ou tout autre évènement de ce type, et ainsi vous faire vivre des moments intenses dans une période supposée défavorable ! De plus, ces considérations s’adressent au pêcheur désireux d’optimiser ses sorties en recherchant une capturabilité maximale des poissons. Si votre plaisir se puise dans la difficulté et la technicité, tenter un lac bien exposé à 1900m en plein mois d’août par exemple, peut être un challenge intéressant (le genre de choix qui conduit le néophyte à la galère et lui fait conclure que la pêche en lac est capricieuse), mais mieux vaut le faire en connaissance de cause ! En effet, il faudra sans doute user de pêche fine en nymphe à vue ou en sèche aux extrémités de la journée pour mettre au sec quelques poissons dans ces conditions. A ce moment là de la saison, le débutant a plutôt intérêt à faire chauffer ses mollets et cibler les altitudes supérieures (vers 2500/2600m) où le dégel est plus récent et l’activité des poissons assurément supérieure !

 

Le peuplement piscicole :

Le fait de pouvoir rechercher différentes espèces de salmo nécessitent la prise en compte de leurs particularités biologiques, en voici les principales :

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pêche fario
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La truite : qu'elle soit fario ou arc en ciel, la truite est le poisson d’altitude dont l’optimal thermique est le plus élevé. Sa valeur varie selon la localisation géographique du plan d’eau et il serait très présomptueux d’annoncer un chiffre précis... retenons simplement que les truites s'activent à partir de 7/8 degrés environ et que les rechercher au milieu des icebergs est rarement très fructueux. Mieux vaut attendre que la glace disparaisse totalement, ce qui peut survenir rapidement en dessous de 2000m !

 

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omble chevalier
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L'omble chevalier : l'omble chevalier est un poisson de grands fonds qui s'accommode très bien de basses températures : ne manquez sous aucun prétexte les semaines qui suivent le dégel, elles sont, plus encore que pour les autres espèces, de loin les meilleures. Par la suite, les postes semblent avoir été désertés, comme si les ombles avaient subitement disparu du lac. L'ampleur du phénomène le singularise vraiment de la truite : sa capturabilite, très importante initialement, devient presque nulle à mesure que la saison avance !

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pêche cristivomer
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Le cristivomer : les remarques relatives à l'omble chevalier sont transposables au cristivomer. Là où il cohabite avec la truite et le saumon de fontaine, le cristi est le premier des trois salmonidés à s'activer, alors que le lac est encore partiellement pris par la glace et que les autres salmo sont encore transis et invisibles. Plus tard dans la saison, les gros individus ne quittent que très ponctuellement des bas-fonds (lorsque la luminosité baisse) pour venir chasser sur les bordures.

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pêche omble
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Le saumon de fontaine : l’optimal thermique du saumon de fontaine se situe entre celui de la truite et celui des ombles. Dans la mesure où ce poisson s’acclimate efficacement dans les plans d’eau les plus hauts et pauvres où l'eau reste très froide même au coeur de l'été (au delà de 2500m d'altitude), rien ne sert de se presser et de se précipiter au moment du dégel : l’omble de fontaine est un excellent sauve bredouille pour les mois les plus chauds que sont juillet et aout, à condition de monter suffisamment haut !

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Savoir anticiper les conditions

Dans la mesure où l'accès aux lacs nécessite le plus souvent une marche d'approche, il faut savoir anticiper les conditions qui règnent de façon à éviter les mauvaises surpises...

Pour les locaux, la tâche est facilitée car des indications sont directement visibles depuis leur lieu de vie : de par leur expérience, ils savent par exemple que lorsque tel névé finit de fondre, tel lac à proximité est sur le point de dégeler.

Pour les visiteurs, à moins de disposer d'un solide réseau d'informateurs sur place, il faudra user de moyens détournés : en fonction de l’enneigement hivernal et de la météo du printemps, on parvient avec quelques années de pratique à entrevoir grossièrement les conditions que l’on va rencontrer. Différents moyens permettant d'affiner l'information existent aujourd’hui : webcam, station météo, relevés de hauteur de neige...etc. Les informations glanées doivent être corrélées à l’avancée du dégel du plan d’eau convoité, c'est la première qualité du pêcheur montagnard !    

NB : les données saisonnières de cet article sont indicatives et valables en présence de conditions météorologiques "normales", ce qui devient de plus en plus rare... Avec la diminution globale des précipitations neigeuses hivernales attendue, il y a fort à parier que les plans d'eau d'altitude deviennent de plus en plus précoces.

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