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Grosses truites : maîtrisez le combat !

combat grosse truite

Quand on pêche la truite à la mouche, la capture d'un gros spécimen n’est que rarement le fruit du hasard mais plutôt le résultat d’une recherche spécifique. Du choix du parcours jusqu'à la mise à l'épuisette, la méthodologie doit être présente. Etablir ce fameux contact lors du ferrage s’apparente déjà à un sentiment de réussite, mais ce n'est qu’une étape transitoire. Faire glisser un beau poisson lentement dans le creux de son épuisette pour enfin le photographier et lui rendre sa liberté est le palier ultime, le graal absolu!

Entre les 2 se déroule le combat : enrayer avec brio les rush et garder la maîtrise de votre adversaire font partie des dextérités que doit assimiler le moucheur. Il est peu commun de se retrouver face à des poissons trophée, mais lorsqu'une telle situation se présente, le manque d'expérience inhérent aux situations rares génère une forte émotion, propice aux erreurs. Voici quelques pistes pour les éviter :

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Le bon matériel : un prérequis indispensable 

Chaque élément de l'équipement, de la canne au bas de ligne, influence l’issue du combat. Détaillons les plus importants:

Les cannes à l’action trop rapide peuvent causer des casses et des décrochages, en particulier lorsque le moucheur est trop brusque. Les cannes d’action moderate fast décrochent moins de poissons et absorbent mieux les coups de tête. 

Lorsque l’on pêche à la mouche des poissons de taille modeste, le moulinet sert essentiellement de réserve de fil. En revanche pour les gros individus, il est très important. Un frein de qualité ajustable avec précision et doté d’une mollette accessible permet des adaptations rapides tout au long de la bagarre. C'est le cas de l'immense majorité des références modernes. Le réglage doit être équilibré, ni trop dur, ni trop mou et adapté à la résistance de la pointe et aux contraintes qu’imposent la truite et l’environnement.

Le choix du matériau de pointe est sans doute l'élément matériel le plus important à considérer : bien sûr, le rapport diamètre/résistance du nylon ou fluorocarbone choisi doit être optimal. Nous devrons choisir son diamètre en fonction de l'environnement du poste (présence de caches, proximité d'un courant rapide...etc), de la taille des poissons présents et de leur degré de méfiance.

Si une pointe fine (par exemple un 14/100 ou moins pour une truite d'une cinquantaine de centimètres) facilite la prise l’artificielle par le poisson, elle doit également résister aux coups de têtes du salmonidé une fois ferré...

Dans certains cas de figure (exemple d'une grosse truite qui gobe le long de branches immergées), il ne faut pas hésiter à pêcher gros voire très gros, surtout si la mouche nouée est volumineuse (présenter une March Brown sur une pointe en 18/100 est fréquent en début de saison). J'insiste également sur un aspect éthique: un combat qui s’éternise trop fait courir des risques qui peuvent être fatals au poisson d’où l’intérêt de pas le prolonger. 

Une connaissance approfondie des caractéristiques du nylon ou fluoro utilisé pour la pointe du bas de ligne est essentielle pour en optimiser l’utilisation. Inspecter régulièrement sa pointe pour déceler d'éventuelles faiblesses est aussi un réflexe à adopter.

Le choix de l’épuisette a également son importance : elle doit être suffisamment grande et profonde pour y glisser facilement le poisson. Une large épuisette portée dans le dos peut être énervante lorsqu’elle s’accroche à la végétation, mais s’avère très utile lorsqu’une grosse truite s’agite au bout de votre ligne.

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Canne, moulinet, pointe et épuisette : les éléments clés du matériel pour limiter le risque de casse
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Anticiper en observant l'environnement du poste

Pour mener à bien un combat, le maître mot est l'anticipation. Nous l'avons abordé dans le cadre du matériel et de son réglage, maintenant place à notre attitude sur la berge.

Maîtriser un gros salmonidé demande au pêcheur de s’adapter pour rester en contrôle malgré les contraintes environnementales. La configuration de la zone de combat influence fortement sa gestion, demandant une adaptation permanente (elle conditionne d'ailleurs le choix du diamètre de pointe comme évoqué précédemment). Mais avant de s'adapter, il faut observer. Distinguons 2 cas différents :

  • si l'on pêche à à vue (cas d'un poisson ou d'un gobage visible), il est recommandé d'effectuer cette phase d'observation avant même d'attaquer votre cible. Ainsi, on a déjà "un plan" au moment du ferrage.
  • au contraire, dans les pêches "en aveugle" (pêche en nymphe au fil, noyée ou au streamer...), l'enchaînement mécanique des coups de ligne et la lecture d'eau accaparent votre attention, ce qui vous oblige à évaluer la situation après le ferrage (au moment même où vous sentez les premiers coups de tête de la grosse bête au bout de votre ligne).

L'observation doit être rapide (particulièrement dans le second cas), en un clin d'oeil vous devez évaluer :

  • la force des veines de courant proches,
  • les caches potentielles où le poisson peut se rendre,
  • la possibilité de descendre en aval ou pas (en regardant les paramètres profondeur/force de courant/présence de cache situés au dessous de vous).

A l'issu de cette observation, vous devez établir une feuille de route vers la mise à l'épuisette.

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A proximité des caches, pêcher trop fin se paie cash !
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Le moment clé post-ferrage

J'insiste lourdement : c’est dans les premières secondes après le ferrage que se joue en grande partie l’issue du combat. En effet, c’est le moment où le moucheur doit prendre le contrôle de la truite.

Immédiatement après avoir piqué le poisson, il est impératif de récupérer l’excédent de soie qui sort du moulinet afin que celui-ci ne s’accroche pas dans la végétation rivulaire ou dans vos pieds. Personnellement, je trouve que la gestion du combat "au moulinet" est plus facile, votre main gauche (pour les droitiers) peut ainsi freiner la bobine afin de limiter les risques d’emballement. Même avec un frein bien réglé, il est nécessaire de gérer la tension de la ligne et de connaître le point de rupture du bas de ligne. Cela exige une bonne expérience et ne de pas changer son matériel trop souvent.

La liberté que l’on accorde au poisson dès les premiers instants doit être maitrisée, un excès pouvant être fatal! Si la truite n'est pas trop énervée dans les premières secondes, vous devez impérativement prendre les commandes et la guider très vite vers une zone où le courant est moins fort afin de faciliter sa mise à l’épuisette. Attention, ne la brutalisez pas : il est préférable d'agir en douceur (mais fermement!) afin d’éviter tout sursaut.

Au contraire, si sa furie se fait sentir d'emblée, il faut rester lucide et positionner la canne à 45° pour qu'elle travaille correctement.

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Douceur et fermeté, voici les maîtres mots d'un combat réussi!
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De la patience !

Une fois les premières secondes passées, le bras de fer s'établit : à partir de là, vous devez garder à l'esprit que la patience fait partie de vos meilleures armes, à vous de vous en servir avec pertinence. Si le poisson est très gros et/ou puissant par rapport à la résistance de votre pointe, il faut attendre des signes de fatigue de sa part. Le but est alors de maintenir une tension élevée constante sur la ligne afin de déséquilibrer la truite et de l'empêcher de fuir où elle veut (surtout si des caches ne sont pas loin).

Durant ce mano à mano, il faut chercher à se positionner en aval du poisson, dans l'optique d'utiliser la force du courant pour le glisser dans l'épuisette, canne à 45° (au contraire, tracter la truite de l'aval vers l'amont peut conduire à la casse ou la décroche). Essayez dans la mesure du possible de vous déplacer calmement, trop d'agitation et vous ferez peur au poisson, ce qui expose à des démarrages fatals.

Parfois, l'encombrement des berges et/ou la profondeur de la rivière nous empêchent de descendre. Dans le cas où il est impossible de suivre un poisson vers l’aval, il est essentiel de le déséquilibrer afin d’éviter de le perdre. La position de la canne du pêcheur change :

Si le salmonidé se situe en aval de votre position, baissez la canne et rapprochez le scion de la surface. En inclinant la canne vers l’eau et en la maintenant parallèle à la surface, on peut faire remonter la veine de courant au poisson. Cette technique s'avère très efficace lors des combats avec des gros barbeaux. Ces cyprinidés robustes ont tendance à résister lorsque l’on cherche à les décoller du fond. Une inclinaison de la canne en parallèle à la surface optimise le contrôle du poisson et permet de le conduire où l’on veut.  Dans une moindre mesure, cela marche avec les gros salmonidés : j’ai ainsi fait remonter 15m de berge à une truite de 68cm de cette façon!

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Dans la mesure du possible, la mise à l'épuisette se fait face au courant
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L’issue : une affaire de timing !

Le combat prend fin lorsque vous percevrez un relâchement chez votre adversaire (il peut intervenir très tôt y compris chez les gros spécimens qui ne se battent pas tous comme des titans!). Pour ce faire, pas de recette miracle : l'expérience est votre seule arme (rassurez-vous même après plusieurs décennies de pratique, l'erreur reste toujours possible!). Vous devez être capable de saisir le bon timing pour conduire le poisson dans l'épuisette : trop tôt (erreur fréquente du débutant qui veut souvent abréger l'affaire!), le poisson a encore trop de gaz et vous cassera dans un ultime démarrage... trop tard, le risque de fragilisation des noeuds ou de tomber sur une cache que vous n'aviez pas vu (ce qui arrive fréquemment lorsqu'on se déplace tout en étant focalisé sur la prise) conduit au même résultat...

Dans la mesure du possible, c'est le poisson qui rentre dans l'épuisette et non l'épuisette qui court après la truite. Cette règle générale est un bon moyen de saisir le bon timing : les mises à l'épuisette "à la volée" sont rarement couronnées de succès et signe un empressement du pêcheur (bien sûr cette règle souffre d'exception le plus souvent à cause des contraintes environnementales). Le bon moment, c'est lorsque la truite faiblit et que la pression que vous exerciez devient suffisante pour la mettre dans les mailles du filet.

Si nous avons particulièrement insisté tout au long de cet article sur le risque de casse, je vous invite à relire l'article consacré au risque de décroche publié il y a quelques années dans ces colonnes. Vous pourrez notamment y trouver un paragraphe détaillé sur la gestuelle à adopter pour bien mettre une truite à l'épuisette.

Dans tout type de pêche, les erreurs d’inattention peuvent abréger un combat avec un gros poisson. Chaque détail compte et rien ne doit pas être négligé. Malheureusement dans l’excitation nous commettons tous des erreurs. Les doigts tremblent, le cœur bat la chamade, les lunettes sont embuées, la tension est palpable. Il est important dans ces moments de rester calme et d'aborder la situation avec patience.

Un combat avec un gros poisson se passe rarement comme prévu. Ainsi, savoir réagir correctement à une situation changeante est primordial. Au travers de ces quelques lignes, j’espère que vous vous sentirez mieux armé afin de venir à bout de la prochaine grosse truite qui saisira votre mouche!

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A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…