
Les avancées constantes dans le matériel et les techniques de pêche à la mouche permettent aujourd'hui des prospections efficaces, même dans des conditions autrefois risquées. Au début du siècle, entamer sa saison avec une canne à mouche se limitait à optimiser un laps de temps très bref en sèche aux heures les plus favorables de milieu de journée. L’aboutissement de ces quelques minutes de prospection était très aléatoire d’une ouverture à l’autre. Certains s’acharnaient parfois en nymphe au fil plaqué tout au long de la journée obtenant des résultats mitigés et tributaires des débits du moment. En ce temps-là, proposer une nymphe à des salmonidés dans des veines d’eau profondes était très ardu. En augmentant le grammage des nymphes, certains y parvenaient, souvent au dépens de la qualité de leur dérive. En effet, la nymphe au fil plaqué était surtout efficace dans les veines peu profondes et pas trop rapides...
En 2025, les méthodes de pêche en nymphe au fil ont énormément évolué tant au niveau du matériel que de la technique. La version prédominante de la nymphe au fil est indéniablement la nymphe à l'espagnole. En plein essor, cette méthode bénéficie d'innovations issues de la pêche de compétition. Elle permet aujourd'hui des prospections efficaces quel que soit le couple vitesse/profondeur du poste. Il n’est alors plus illusoire d’envisager une ouverture où l’on pourra prospecter toutes sortes de veines d’eau d’un bout à l’autre de la journée avec d’excellentes chances de réussite.
La capacité d'adaptation que confère cette approche est particulièrement opportune lors de cette première journée de la saison qui s’affirme comme l'une des plus ardues, tant les conditions de débit et de fréquentation peuvent compliquer la pêche.
Mais avant de parler technique, n'oublions pas les considérations stratégiques : afin d’échapper aux désagréments inhérents aux jours d’ouverture, il conviendra de faire des choix pragmatiques, parfois en niant ses convictions halieutiques! Certes, l’ouverture revêt chez beaucoup de moucheurs un aspect sentimental, mais favoriser ses parcours de prédilection contribue souvent à faire les mauvais choix. Si vous voulez vous démarquer dans une ouverture où la pêche n’est pas qu'un prétexte à revoir les copains, il faudra choisir en premier lieu un parcours adapté aux eaux froides du mois de mars. Second critère et non des moindres : le meilleur parcours sera toujours celui où la fréquentation aura l’impact le plus restreint sur le comportement des salmonidés.
A l'ouverture, vous avez 2 options pour palier à la fréquentation importante des berges : soit vous cherchez des secteurs où la fréquentation est plus faible (gorges, zones isolées...etc), soit vous acceptez de vous mêler à la meute et optez pour la technique qui permet de vous démarquer. Mais encore faut-il que le secteur garde des poissons capturables après le passage d'autres confrères!
Les petites rivières et ruisseaux sont fortement impactés par une fréquentation intense sur leurs berges, ils sont à proscrire une fois le coup du matin passé. Le passage d’un seul pêcheur aura pour conséquence de caler la plupart des truites pour un bon moment.
Au contraire, lorsqu’elles affichent des niveaux adéquats, les grandes rivières conservent des possibilités acceptables même en présence de nombreux pêcheurs. Dans ces vastes biotopes, largeur et profondeur permettent aux truites d’être plus sereines et moins impactées. Evidemment, ces milieux ne sont pas faciles à lire ni à prospecter pour nombre de pêcheurs qui ont tendance à faire passer leurs nymphes "au-dessus" des truites. Au contraire, il faudra être capable de faire descendre ses mouches et de pêcher « creux ». Au final, le but est de parvenir à atteindre des poissons là où la concurrence n’y parvient pas ou n'essaie même pas (je vous renvoie à mon article sur l'intérêt des veines secondaires à cette saison).
Dans ces grands milieux, il est important d’explorer les postes finement et surtout patiemment. En effet, pour trouver leur pitance à cette période sans s’épuiser, les truites se postent alternativement dans des zones de repos et des zones d’alimentation proches. Ainsi leur présence dans les veines porteuses se produit par séquence. Une veine d’eau inoccupée au grand désespoir du pêcheur qui vous devance peut voir un poisson s'y poster quelques secondes après. Pour palier à ce comportement des salmonidés, Marc Delacoste et moi effectuons régulièrement des sessions en nous espaçant d'une dizaine de mètres, lui utilisant la technique de la nymphe au toc et moi celle de la nymphe à l'espagnole. Il arrive souvent que celui qui passe en second prenne une truite qui n’était pas en place quelques minutes avant...
Vous l'aurez compris, la pêche en nymphe au fil est une méthode de pêche redoutable dès le premier jour de la saison. Du fait de sa polyvalence vous pourrez pêcher « creux » et grâce aux variations de lestage des nymphes, exploiter tous types de veines d’eau. A l'ouverture, les poissons n'ont pas été sollicités depuis longtemps. J'ai pour habitude de leur proposer une nymphe plutôt incitative en pointe (de type perdigone) et une plus imitative en sauteuse.
Si la nymphe à l’espagnole peut se pratiquer d’un bout à l’autre de la journée vous pourrez aussi varier les plaisirs en pêchant au streamer à la pointe du jour. Une imitation de vairon ou de chabot peut vous réserver une belle surprise. Ce n’est pas ma pêche de prédilection mais de nombreux amis obtiennent de bons résultats comme ça!
D'ailleurs, je m'astreins à ne pas abuser de la pêche en nymphe comme je l’ai déjà écrit dans un autre article : de nos jours, on aurait presque tendance à oublier le coup de pêche en sèche lors des éclosions de baetis et autres rhitrogena du milieu de journée. Quel crime de lèse sportivité!
Grâce aux avancées techniques, le pêcheur à la mouche est aujourd'hui mieux préparé pour l'ouverture. Mais comme toujours, il faudra s'adapter aux conditions... et si vous y parvenez, votre opiniâtreté sera payante à un moment où un autre, à vous de jouer!
