Grosse truite de montagne en nymphe : gare aux veines secondaires !

pêche nymphe

Les truites doivent faire preuve d’une adaptabilité sans faille aux conditions fluctuantes du milieu où elles évoluent tout au long de leur vie afin de perdurer le plus sereinement possible. Cette particularité est exacerbée chez les gros spécimens et influe sur leur espérance de vie et leur courbe de croissance. Comme chez beaucoup d’espèces, tous les salmonidés ne deviennent pas des « spécimens », cela dépend de leur génétique et de nombreux autres critères liés au milieu. Chaque salmonidé devra s’adapter aux conditions naturelles (débit, température de l’eau, prédation des oiseaux piscivores, etc...) mais aussi à un facteur humain majeur : la pression de pêche. Voyons le cas de la pêche des grosses truites sur les grandes rivières de montagne :

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Un positionnement particulier en grande rivière de montagne

Si vous observez les poissons qui évoluent dans une réserve de pêche ou que vous avez la chance de prospecter des parcours à faible fréquentation, vous vous rendrez vite compte que leur comportement est assez stéréotypé : les plus grosses truites occupent les veines d’eau et les postes les plus marqués où la nourriture arrive en abondance, laissant les postes secondaires aux plus petites. Comme chez d’autres espèces animales, une hiérarchie avec des dominants et des dominés impose ses règles.

Sur nos parcours publics où toutes sortes de leurres et appâts passent inlassablement devant leur gueule d’un bout à l’autre de la saison, le tableau est moins idyllique et seuls les poissons qui s’adaptent à ces contraintes atteignent de belles tailles. Tout au long de ma saison, lors de la recherche des gros poissons, cette problématique détermine ma stratégie de pêche, en particulier lors des prospections en aveugle en nymphe au fil. En effet, savoir identifier les veines discrètes et souvent atypiques s’avère déterminant dans l’opportunité d’une rencontre.

Pour beaucoup d’entre nous, les postes profonds arrosés par une belle veine porteuse et à proximité d’une grosse cache sont synonymes de postes à gros poissons ce qui, dans l’absolu, est vrai mais les veines occupées au sein de ce type de zone ne sont pas toujours celles auxquelles l’on pense. La veine principale, malgré le fait qu'elle soit la plus alléchante, se révèle souvent comme la plus mauvaise... car elle n’accueille que des poissons de taille lambda qui profitent d’un apport régulier de nourriture mais subissent aussi une insécurité persistante et malheureusement parfois fatale... « Pour vivre heureux, vivons cachés » ce proverbe prend tout son sens dans l’esprit de nos grosses truites ! Ainsi, elles sont souvent décalées en dehors des courants marqués, et positionnées au niveau de veines dites secondaires.

Au-delà de l'adaptation à la pression de pêche, ces grands individus privilégient les secteurs de radiers lors des émergences de milieu de journée en début de saison ; ils y trouvent des conditions d'alimentation confortables. Ces poissons aiment les faibles lames d'eau lorsqu'ils se nourrissent par eau froide ! 

Ainsi, dans ces vastes milieux que sont les grandes rivières de montagne, la pertinence de votre action de pêche sera totalement dépendante de votre capacité à exercer une lecture de l’eau juste. Ici, les veines à grosses truites sont souvent des veines secondaires, peu évidentes à distinguer et souvent oubliés. En effet pour nombre d’entre nous, les gros courants bien marqués sont aussi captivants que le chant des sirènes !

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pêche nymphe
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Si la veine principale en vert est très attirante, le long radier rouge est beaucoup plus intéressant en mars !
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L'adaptation en nymphe au fil

Les veines secondaires en marge des veines marquées, peuvent être variées en matière de vitesse de courant et de profondeur. Toutefois elles réunissent généralement plusieurs caractéristiques : les gros poissons ont toujours besoin d’une cache avec une zone de repos relativement profonde qui leur servira de repli en cas de danger (pour plus de détails, je vous invite à relire mon article « trouver les grosses truites sur les portions aval »). Pour cette recherche spécifique en nymphe, j’utilise les 3 méthodes classiques :

  • Nymphe au fil plaqué,
  • Nymphe au fil canne haute méthode espagnole,
  • Nymphe à vue (quand c’est possible !).

Je choisis de pêcher canne haute ou au fil plaqué selon la profondeur de la veine secondaire considérée.

Au moment du choix du matériel à emporter, je garde toujours en tête l'éventualité de pêcher en sèche, c’est d’ailleurs pour cette raison que je fais le choix de partir avec deux cannes : une 9' #5 qui me permet de pêcher à la fois en nymphe au fil plaqué, en nymphe à vue ou en sèche, et une plus longue pour la recherche spécifique en nymphe au fil canne haute. L’encombrement de cette seconde canne montée est désagréable mais permet une adaptation de chaque instant. Ce désagrément est atténué par une recherche spécifique de postes type en oubliant les secteurs moins propices. Ainsi, les zones de prospection seront courtes et ciblées, la seconde canne peut rester sur la berge en aval de vous le cas échéant.

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Les veines secondaires préférées de l'auteur : une mince bande ralentie contre une berge inaccessible
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Les radiers en nymphe au fil plaqué

Avec mes deux cannes en main, j’opte pour une méthode de prospection bien définie : je débute toujours par des dérives dans les veines peu profondes au courant ralenti qui coulent sur des galets, là où souvent des confrères posent lourdement leurs pieds... Ici et surtout dans les grandes rivières de montagne en début de saison, faible profondeur n’est pas synonyme de petit poisson ! Les meilleures sont situées près d’une zone assez profonde comportant une cache et sont à explorer durant les phases d'alimentation intenses des poissons, de 12 à 15h en moyenne.

Ces zones de radiers s’attaquent au fil plaqué (ou parfois à vue lorsque vous arrivez à distinguer un poisson) avec des nymphes légères à la dérive planante. Oubliez ici vos perdigones et autres nymphes en tungstène pour privilégier les classiques pheasant tail et les billes laiton, laissez tomber l’incitatif au profit du naturel. Les truites qui sont là s'alimentent, les tons neutres sont souvent les meilleurs !

Pour cette approche, j’utilise une canne en 9' #5 avec un bas de ligne dégressif classique. Je modifie juste la longueur de la pointe pour changer d'approche. Une petit morceau de soie enfilé sur l'avant pointe me sert d'indicateur lorsque je pêche au fil plaqué. C'est discret, léger et bien visible. Je peux en outre passer en mouche sèche si un poisson vient à s’activer en surface en milieu de journée. Sur les secteurs que je fréquente et en particulier en début de saison, les eaux souvent tendues ne favorisent pas la pêche à vue.

Au fil plaqué, je pose donc ma nymphe un peu à la manière d’un pêcheur en sèche en eau rapide, en peignant méthodiquement le radier du plus près de ma position au plus loin. Cette façon de procéder n’est toutefois pas systématique, car il est aussi possible de poser directement la nymphe sur la coulée où vous avez la certitude que le salmonidé se tient, sans peigner tout le poste intensément, par souci de discrétion : un petit bloc cassant la veine secondaire, une petite avancée de berge créant une accélération, une partie s’engouffrant sous une arche de végétation, toutes ces particularités sont des aimants à truites et souvent à grosses. Elles favorisent la fixation d'un poisson et les effets entonnoirs pour la nourriture.

Attention, pêcher en nymphe au fil plaqué n’est pas synonyme de prospection répétitive, cette technique requiert une adaptation permanente notamment dans le choix du lestage. Personnellement, je préfère toujours une nymphe légèrement sous-lestée par rapport au débit de la coulée, quitte à allonger le lancer vers l’amont afin de laisser le temps à l’imitation de s’immerger dans la couche d’eau. Je passe aussi beaucoup de temps à rallonger ou à raccourcir ma pointe (qui mesure quasiment deux fois la profondeur du coup).

Lors de la dérive sur ces zones relativement lentes, votre nymphe doit planer au-dessus du fond et non pas s'y planter directement. Les poissons positionnés aiment se saisir des nymphes entre deux eaux. Soignez votre dérive car ici le moindre dragage est un signe d’alerte et fera fuir le poisson. Votre gestuelle doit permettre d’accompagner votre nymphe sans jamais la contraindre, elle doit paraître libre et naturelle.

En début de saison dans des eaux parfois tendues, cette méthode ne permet de prospecter qu’une minorité des veines d’eau situées sur les extérieurs des pools (les moins profondes)...

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Prospection d'un radier maigre au fil plaqué avec une nymphe légère
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Les veines secondaires profondes à 2 nymphes

En opérant en nymphe au fil plaqué, il est incontestable que l’on ne pêche qu’une partie infime du coup, c’est pour cette raison que je prospecte ensuite les abords plus profonds de la veine marquée à 2 nymphes. La recherche des poissons se tenant plus profondément nécessite un plus fort lestage et une tenue de canne haute pour pêcher plus creux.

Si les jours où il y a du vent j’utilise une soie parallèle très fine avec un bas de ligne dégressif afin d’atténuer l'effet des bourrasques en étant plus directionnel (notamment au lancer), en général je choisis de pêcher uniquement avec du fil dans le moulinet (à l'espagnole). A mes yeux les dérives sans l’inertie de la soie sont beaucoup plus harmonieuses et faciles, même si les lancers peuvent paraître compliqués aux yeux des non-initiés. En opérant ainsi, je n'ai plus peur d'effrayer un salmonidé placé sur le maigre de la bordure, et surtout je me positionne plus intelligemment pour produire de bonnes dérives dans la partie profonde. En effet, la prospection en nymphe à l’espagnole impose un positionnement avancé dans le lit de la rivière afin de réaliser des dérives parfois éloignées, berge d'en face. Cette technique de prospection va nous permettre d’aller chercher des poissons ayant adopté des positions où ils se sentent en sécurité : l'archétype de la veine secondaire profonde à grosse truite est une fine bande de courant de vitesse modérée, très étroite et comprise entre une berge inaccessible et une veine très puissante qui sécurise notre vieux poisson.

La pêche en nymphe à l’espagnole et l’utilisation de nymphes en tungstène parfois lourdes permet d’immerger rapidement ses mouches à proximité de lames d’eau puissantes et d'effectuer des dérives courtes et creuses. Elle permet, en outre, d’aller peigner des veines d’eau éloignées impossibles à atteindre en nymphe au fil plaqué...

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pêche nymphe au fil
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Veine secondaire plus profonde, à pêcher à deux nymphes canne haute !
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Prendre deux cannes au bord de l’eau pour rechercher les gros poissons est un parti pris qui me permet d’être toujours en harmonie avec le poste rencontré, de pouvoir m’adapter rapidement à toutes les conditions sans jamais rien sacrifier. C'est à mes yeux un critère indispensable de réussite. Prospecter avec une seule canne est tout à fait possible et évite bien des désagréments mais personnellement je trouve qu’en pêchant à l’espagnole avec une longue canne (plus de 10'6) on pêche moins bien les veines lentes et peu profondes car la canne est moins maniable qu'une 9', et surtout il est difficile de passer en sèche en un clin d'oeil. Au contraire, dans les veines profondes, je ne saurais me passer d'une longueur suffisante pour mieux contrôler la dérive. A vous de vous faire votre propre idée !

Bonne pêche des grosses truites en nymphe !

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Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…