
Les mouches universelles occupent, depuis mes balbutiements de pêcheur, une place considérable dans mes boîtes à mouches comme dans mon vécu halieutique, tant elles restent simples à monter et d’une solidité à toute épreuve. Gages d’authenticité, faites de plumes et de poils, ces dressages aux matériaux naturels se situent à des années lumières de l’offre pléthorique que l’on voit fleurir sur les sites internet... D’ailleurs combien d’apprentis monteurs, friands des dernières publications à la mode, savent quand et comment utiliser l’extraordinaire imitation qu’ils viennent d’accoucher des mords de leur étau?
Cette fâcheuse tendance à "innover" compulsivement fait souvent oublier que chaque artificielle détient une utilisation bien spécifique. Pêcher à la mouche, c’est avant tout opter pour une imitation en fonction des observations que le terrain nous dévoile. Votre interprétation de la réalité écologique du moment doit dicter ce choix, si vous ne lisez pas correctement cette partition, vous sombrerez dans l’échec. Mais parfois quand la lecture de cette partition devient compliquée à décrypter, les mouches universelles permettent de pêcher avec une certaine efficacité. C’est pour toutes ces raisons qu’au travers des lignes qui vont suivre, nous allons tenter de réhabiliter une mouche qui aujourd’hui semble obsolète pour beaucoup... le palmer!
Un concept à part entière
Le palmer, dont la déclinaison "french tricolore" par Henri Bresson est la plus connue, s’avère être l’illustration parfaite de la mouche universelle. N’y recherchez aucune similitude avec des insectes existant, attachez-la juste au bout de votre pointe, cette artificielle s’impose comme une mouche redoutable lorsqu’elle est utilisée à bon escient. Très utilisée en Limousin, Cantal et Auvergne, elle fait preuve d’une redoutable efficacité sur toutes les rivières du monde. Typée comme une mouche pour rivières rapides petites à moyennes, elle peut aussi être pertinente ailleurs, en prenant soin d'adapter sa taille et son volume. Son spectre d’utilisation est infiniment plus large que nombre d’entre nous l’imaginent.

Si sa constitution et son allure ne ressemblent précisément à aucun insecte fréquentant nos berges, en revanche, le palmer a l’énorme capacité à tous les imiter! Comme la majorité des mouches génériques, il concentre en lui de multiples stimuli communs à de nombreux insectes. C’est l’attrait pour l’un ou l’autre de ces stimuli qui décidera la truite à prendre votre artificielle. Au final, c'est sans doute la possibilité de varier ces stimuli lors du montage qui rend cette mouche aussi polyvalente et redoutable. Quelle que soit la déclinaison choisie, un palmer possède des qualités de flottaison et de visibilité idéales pour le débutant mais tout aussi pertinentes entre les mains d’un moucheur expérimenté.
Je situe mes premières truites prises au palmer à une époque où déployer ma soie et mon bas de ligne correctement était encore très compliqué pour moi, un temps jadis où mes doigts gourds tournaient maladroitement un hackle sous les yeux de maître Frédo! Les palmers de mes balbutiements de pêcheur à la mouche étaient des bicolores à corps rouge avec un hackle gris chinchilla côté œillet et roux vers la courbure. Ce modèle particulier était venu se rajouter aux imitations de Frédo après l’instructif visionnage d’une vidéo VHS d’Olivier Plasseraud... Plus de trente ans après, j’éprouve toujours une confiance inaltérable dans cette artificielle simpliste qui fait partie de mes fondamentaux! Au milieu des araignées paysannes et multiples "double collerette", les palmers avec leur coupe hirsute rock’n’roll, attirent toujours mes yeux quand je ne sais pas quoi nouer au bout de ma pointe...

Une mouche d'eau rapide... mais pas que !
Sa rusticité alliant solidité et flottaison haute excelle en eaux rapides lorsque, correctement graissée, elle se joue des courants les plus tumultueux tout en conservant son indéniable attractivité. Elle s’illustre aussi lorsque l’on pratique en milieu encombré, car sa constitution "tout en hackle" lui permet de se jouer des branches et autre embâcle et ainsi de moins s’accrocher. Peu onéreuse, facile et rapide à dresser, vous serez beaucoup moins frustré lorsque vous la perdrez dans une branche que lorsque vous fouettez une artificielle plus sophistiquée.
Le palmer appartient à la famille de ces mouches artificielles que l’on peut dresser et modeler à souhait avec une bonne paire de ciseaux et de nombreux tons de soie de montage. Taille, volume et silhouette se prêtent aux modifications et à l’imagination du monteur. Les palmers peuvent en outre être confectionnés avec ou sans cerque, suivant le goût de chacun. Pour ma part, je trouve que l’ajout de cerques me permet d'obtenir un meilleur équilibre sur la pellicule de surface.

Lors du montage de ce type de mouche il est fondamental de ne pas trop serrer les spires de hackles : c’est l’erreur classique du néophyte. Un palmer efficace doit être aéré sans spires trop jointives ; ses hackles peuvent être retaillés en V. En retaillant les hackles, les fibres de plumes sont moins molles, favorisant ainsi la flottaison de l’artificielle.
De la minuscule imitation en 24 jusqu’aux modèles sur hameçons n°8, les palmers se prêtent à toutes les situations de pêche en s’adaptant à la réalité du terrain. C’est une mouche très polyvalente qui réussit non seulement en eaux rapides mais aussi dans d'autres types de milieu en adaptant le montage :
Ainsi, dressé sur hameçons 20/22 avec un corps sombre, il imitera une infinité de micro-insectes que l’on peut rencontrer en lac de montagne ou lors des pêches d’étiage en saison estivale. Au contraire, monté sur hameçons 12/14, il fera office d’excellente sauteuse lorsqu’il s’agira de prospecter en sèche/nymphe à condition de ne pas utiliser des billes trop lourdes...

De plus, il est possible de monter des palmers avec plusieurs types de plumes et pas uniquement de coq... ainsi j’ai une affection pour ceux en CDC. Pas forcément esthétiques ni gracieux à nos yeux d’humain, ils sont particulièrement redoutables sur les truites éduquées des lisses. C’est pour cette raison que, lorsque la pêche se complique, mon cœur balance souvent entre une oreille de lièvre et un petit palmer en CDC sombre.
Pour conclure mon propos, je vous invite à ressortir cette imitation désuète, elle vous surprendra à de nombreuses reprises! Il est parfois inutile de se compliquer la vie pour séduire quelques truites, les palmers sont les mouches idéales pour prospecter sans prise de tête.

Principes de base pour le montage des palmers (par Christian Guimonnet)
Plutôt destiné aux eaux rapides et aux pêches de prospection comme l’a si justement expliqué Lionel, il ne vous aura pas échappé que la première vertu d’un palmer reste sa capacité à flotter haut sur l’eau et ainsi amoindrir l’effet de draguage. En conséquence il faudra choisir des hackles dont les fibres dépassent légèrement l’ouverture de l’hameçon choisi.
Peu de matériaux sont nécessaires : un hameçon, du fil de montage et un ou deux ou trois hackles.
Pour des raisons de facilité, il peut être tentant d’utiliser des plumes de “saddle” mais je vous le déconseille formellement, vous vous exposeriez à un vrillage intempestif.
Choisissez toujours des hackles de cou de coq. En ce sens le choix du (ou des) hackles doit être des plus rigoureux : Sélectionnez des hackles de bonne qualité toujours… mais point trop raides cependant. Ce dernier point constitue la seule subtilité de ce montage, surtout si votre mouche est supérieure à la taille 16.
Il faut absolument éviter de trop charger au niveau des enroulements du (ou des) hackles. Un bon palmer doit rester aéré, il est IMPERATIF de distinguer le corps de la mouche. Notez que j’insiste lourdement!
Les hameçons trop courts sont à éviter pour des questions d’équilibre général ...et sur des hameçons trop longs l’effet de charge donnera un aspect peu naturel à votre imitation, ce qui est rédhibitoire selon moi.
Je vous conseille de les monter sur des hameçons standard (Daiichi 1310 par exemple).
Pour les Palmers classiques (style French Tricolore) on monte le plus souvent les corps en fil jaune, orange ou rouge.
En ce qui concerne la couleur des hackles, restons dans des tons neutres et naturels en faisant en sorte que le hackle de tête soit sinon le plus clair mais surtout le plus visible...tout ceci pour des raisons pratiques.





Photos de Lionel Ainard, montages et photos de mouche de Christian Guimonnet.