Nymphe à L’espagnole : pas un automatisme !

pêche nymphe au fil

La nymphe au fil à l’espagnole permet de toucher des salmonidés dans tous les milieux qui en contiennent et dans de multiples conditions, ce qui explique en grande partie son succès. Toutefois, cette approche très productiviste doit à mes yeux rester une technique alternative, tant elle s’éloigne de l’âme de notre pratique, que nous utilisions une soie ultra fine ou du nylon uniquement pour remplir notre moulinet.

Dans les lignes qui vont suivre, je ne vous parlerai pas de rendement ou de compétition de pêche à la mouche, mais plutôt de plaisir et d'esthétisme...

Texte

Je précise d'emblée qu'à l'instar de nombreux confrères, la nymphe au fil à l’espagnole fait partie des techniques que j'utilise. Le fait de pratiquer cette version moderne de la nymphe au fil permet de se rendre compte de sa complexité et de la dextérité nécessaire à l'obtention de bonnes dérives. Mon grief ne concerne donc pas sa pesudo facilité qu'on lui reproche parfois... mais plutôt ce qu'elle symbolise pour un pêcheur à la mouche.

Retrouver le plaisir de lancer, d’effectuer des dérives soie posée sur l’eau, de soustraire celle-ci au courant, tout ceci constitue l’âme de notre technique. Pêcher à la mouche, c’est avant tout propulser une mouche sèche ou une nymphe légère grâce à l’inertie de la soie. Lorsqu'on se prévaut de pêcher à la mouche, la nymphe au fil à l'espagnole ne devrait être que l'exception... la technique réservée aux conditions ne permettant pas d'obtenir des touches autrement ! Dans mon cas personnel, il s'agit essentiellement de la prospection des coulées profondes et rapides où seules des nymphes lourdes permettent une dérive près du fond, où se situent les truites. Ce cas de figure survient en grande rivière, quand les salmonidés sont peu enclins à se maintenir dans les bordures maigres. C’est seulement là que cette technique est indispensable, partout ailleurs, il m'est possible de faire autrement.

Pourtant, au bord de l’eau, j’observe de plus en plus de "moucheurs" n’arrivant plus à se limiter, tant cette déclinaison de la nymphe au fil est ludique et productive, même quand les conditions sont propices aux techniques mouche plus traditionnelles. Certains guides de pêche l’enseignent parfois même avant la mouche sèche... Cette attitude vient certainement du fait que la nymphe à l’espagnole s’avère redoutable dans la plupart des conditions et des milieux, une fois la mécanique d'adaptation du poids des nymphes et de la dérive maîtrisée... mais cela reste une solution de facilité !

Parfois même, on observe carrément des moucheurs qui s’obstinent dans cette technique alors que des gobages percent la surface alentour. Ethiquement parlant, à trop vouloir faciliter notre pratique, nous nous éloignons forcément de la vraie pêche à la mouche, voilà pourquoi je jugeais utile ce petit rappel à l’ordre.

Afin d’éviter de faire exploser le trou de la sécu avec le fly fisher's elbow, je vous invite donc, amis moucheurs, à alterner les techniques de pêche à la mouche classiques, à la soie, afin que la nymphe à l’espagnole ne devienne pas un automatisme déviant.

Nymphe au fil plaqué, nymphe en tandem, à vue, permettent de conserver un lancer traditionnel et un élément qui fait l'essence même de notre technique : la soie ! Ces quelques techniques permettent en outre de n'utiliser qu'une seule canne et ainsi d’éviter de se balader avec une deuxième gaule souvent pénible à transporter. Explorons ensemble ces trois techniques et les multiples cas de figure où il est possible de les exploiter efficacement :

La nymphe au fil plaqué fait partie des techniques que j’utilise le plus car je n’habite pas dans un secteur où la nymphe à vue est souvent praticable. Pêcher en nymphe au fil plaqué s’avère redoutable quand on prospecte des secteurs dont la profondeur n’excède pas un mètre. Elle reste efficace plus profondément sur certains plats peu rapides mais elle devient moins agréable à pratiquer (elle s'apparente alors à la méthode Roncari). Son domaine de prédilection reste la pêche des radiers en grande rivière et des coups marqués en rivière de moyenne montagne ou en torrent. Nous peignons la rivière vers l’amont ou ¾ amont comme en mouche sèche, en adaptant le poids de la nymphe à la vitesse du courant et à la profondeur du poste. Nous visualisons les touches en suivant la dérive de notre bas de ligne préalablement graissé. Tout arrêt ou ralentissement de celui-ci devra sanctionné d’un ferrage. Une avant pointe en fil fluo ou l’utilisation d’un discret indicateur de touche favorisent la détection des touches. Cette technique permet en outre de passer à la mouche sèche avec une grande facilité. En grande rivière du printemps à la fermeture cette méthode de pêche en nymphe "légère" nous permet d’explorer les zones contre les berges où les salmonidés aiment se refugier. C’est d’ailleurs là, loin des veines principales que les grosses truites trouvent souvent refuge pour échapper à la pression de pêche.

De plus, le bas de ligne classique (assez court et dégressif) permet de conserver une bonne précision de lancer dans les environnements encombrés par la présence de branches et de racines, là où la nymphe à l’espagnole et ses très long bas de ligne devient vite aléatoire. En nymphe plaquée, vous pourrez poser votre mouche sous les branches basses surplombant l’eau avec plus de facilité. Quand votre dérive se fait sur une très courte longueur vous gagnerez aussi en discrétion.

La pêche en tandem sèche nymphe permet une prospection similaire à la nymphe plaquée en ajoutant la possibilité de faire monter une truite sur votre mouche sèche. Elle conserve les avantages de la nymphe plaquée sur tous les secteurs de bordure et parcours rapides à blocs. La dérive de la mouche sèche ralentit celle de la nymphe en la rendant plus attractive. En grande rivière, la pêche en sèche nymphe permet de prospecter efficacement les fins de radiers avec de petites nymphes.

La nymphe à vue enfin, quand elle est praticable, reste aussi une passionnante alternative à la nymphe à l’espagnole. Elle est d'ailleurs très agréable à pratiquer sur des rivières où la culture locale plébiscite la pêche classique des veines... vous vous retrouverez fréquemment seul à arpenter des bordures en quête de truites visibles, loin de vos collègues qui pataugent dans les courants violents !

Bref, avec ces quelques lignes, je vous invite à être moins prévisible que vos confrères et à ne pas céder systématiquement à la tendance du moment... S’adapter aux conditions rencontrées doit toujours être la philosophie de notre technique, mais abandonner certaines approches sur l'autel de la rentabilité ne peut être qu’une régression majeure dans l'évolution de notre passion!

A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…