Championnat du monde mouche 2022 : le retour gagnant de Julien Daguillanes

Julien Daguillanes

En février 2018 au lancement de Truites & Cie, nous inaugurions l'exercice de l'interview avec Julien Daguillanes, fameux compétiteur de pêche à la mouche pyrénéen, qui annonçait alors sa retraite internationale... près de 5 ans plus tard, Julien est de retour en équipe nationale avec une nouvelle médaille de champion du monde individuel gagnée il y a quelques semaines dans les Asturies, en Espagne. Il revient sur cet événement pour les lecteurs de Truites & Cie : 

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Salut Julien, nous ne pensions pas te retrouver dans ce contexte ! Qu'est ce qui t'a poussé à rempiler pour ce championnat du monde ?

"En 2017, j’avais saturé, trop de sorties pêche pour uniquement « m’entraîner », tester des nouveautés...etc. Du coup, j’avais pris la décision d’arrêter pour reprendre du plaisir à la pêche et profiter de ma famille. C’est ce que j’ai fait pendant plusieurs années, avec des sorties en lac de montagne, de la pêche du carnassier aux leurres,...etc. Mais ce championnat du monde espagnol était, sur le papier, annoncé comme très difficile, avec des pêches fines en sèche, nymphe légère, sur du poisson sauvage, bref, des pêches que j’affectionne...

Après en avoir discuté avec ma famille, et ayant leur aval, je me suis dit que j’allais participer aux sélections pour voir si je n’avais pas trop perdu la main... et c’était reparti pour un championnat international !"

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Comment as-tu vécu ce retour ? Qu'est ce qui t'avait manqué (ou pas d'ailleurs) ?

"Le retour s’est fait tout en douceur avec une semaine d’entrainement avec des membres de l’équipe en juillet sur les secteurs de compétition. L’équipe actuelle m’a bien remis dans le bain.

Ce qui m’a le plus manqué, c’est l’ambiance de l’équipe, le travail de groupe, et le partage qu’il peut y avoir. C’était la première fois que je participais avec Pierre (Kuntz) et Emilio (Saint Aman) à un championnat, ils sont dans la lignée des autres membres, entièrement axés sur le partage et l’entraide.

Par contre les réveils à 6h du matin, avec des nuits entières où tu cogites et tu dors mal, ça ne m’avait pas manqué du tout !"

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Comment as-tu préparé ce championnat du monde espagnol ?

"Comme je l'ai dit au-dessus, nous sommes allés une semaine en juillet sur les parcours de compétition avec un guide local, Carlos Bobela, pour nous familiariser avec les truites asturiennes.

Le début n’a pas été très simple pour tout le monde mais avec les conseils du guide et la mise en commun de nos découvertes pendant l’entrainement, une stratégie a commencé à s’établir. Nous savions quoi travailler avant notre arrivée en septembre et la liste des mouches à monter.

En rentrant, j’ai essayé de trouver des conditions similaires autour de chez moi afin de pratiquer les pêches que l’on avait rencontrées lors de l’entrainement."

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Parle-nous de la pêche dans les rivières des Asturies et des particularités des truites locales ? Qu'est ce qui t'a particulièrement séduit ?

"C’est quand même quelque chose la pêche dans les Asturies !!! Tout le monde nous avait dit, « vous allez voir, les truites sont difficiles, faut pêcher fin, faut avoir la bonne mouche...etc » et bien c’était vrai !!! Un truc de dingue, les truites savent vraiment ce qu’elles veulent, et la présentation doit être parfaite, une vraie école de pêche, où l'on a dû s’appliquer pour arriver à leurrer chaque poisson.

Chaque poisson se mérite, l’erreur est interdite. Un mauvais positionnement, un posé au mauvais endroit, un dragage, et la sanction est immédiate...

Après ce qui est bien, c’est qu’il est possible de faire du poisson en sèche sans pour autant qu’il y ait des gobages, notamment grâce à la très bonne densité de truites, uniquement sauvages. On peut même tomber sur des poissons de belles tailles, y compris dans des petites rivières."

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"Pour ce qui est de la pêche en nymphe, on a dû pêcher très fin. Pour ma part, j’ai pêché 2 rivières en 8/100 (Pilona et Trubia), et les deux autres rivières en 9/100 (Caudal et Narcea). Au niveau des dérives, la précision dans les poids était vraiment importante, il fallait vraiment tous les poids, le 2mm, le 2,3mm, le 2,5mm et le 2,8mm. Plus lourd, c’était vraiment anecdotique.

Pareil pour les nymphes, il fallait avoir des petites mouches, hameçons de 18 essentiellement. Les 2 principaux types de mouches (perdigones et poilues) fonctionnaient sur toutes les rivières. J’avais même souvent une de chaque pour les pêches à 2 mouches. On est resté assez classiques sur nos mouches, avec l’utilisation d’une noire à cul rouge bille argent ou cuivre mais en petite taille (h18) et d’une ORL bille cuivre sans aucun tag orange.

Les postes les plus productifs étaient toujours les petits radiers plutôt que les courants marqués. Avec souvent des poissons qui se ne tenaient pas en plein courant, mais dans le calme en bordure.

Un point assez surprenant sur ces rivières, les poissons ne semblaient pas farouches (du moins dans les courants), pas besoin d’approcher à genoux. En gardant une distance d’approche assez normale, les poissons ne fuyaient pas.

Je pense au final que c’est la difficulté de ce championnat qui m’a séduit."

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Pendant le déroulement de la compétition, est-ce que la pêche a été conforme à ce que tu viens de nous décrire ?

"Au niveau de la difficulté oui : des rivières à l’étiage, des poissons difficiles à capturer, des pêches très fines (8 ou 9/100)...

Malheureusement on n’a pas eu une grosse quantité de pêche en sèche, même si elle nous a permis de prendre des poissons sur pas mal de secteurs.

Le dernier jour, la pêche a changé à cause des pluies de la veille qui ont fait monter les rivières, voire les ont rendues marron pour certaines... Il a fallu être solide mentalement pour arriver à faire au moins un poisson dans de l’eau haute et teintée pendant une manche de championnat du monde.. Bravo à Pierre et Bambino (Seb Vidal) qui ont dû subir ça en dernière manche...

Notre entrainement de juillet nous a beaucoup aidé, on avait bien compris le positionnement des poissons et leurs habitudes. On a pu s’entraîner à pêcher fin systématiquement. Le Narcea est la rivière sur laquelle nos résultats n’ont pas été les plus réguliers. On est surement passés à côté d’une pêche, peut-être la pêche en tandem avec le recul...

Par contre notre semaine d’entrainement juste avant le championnat n’a pas été simple du fait du grand nombre d’équipes présentes et du peu de linéaire de rivière disponible pour l’entrainement. Nous avons même dû aller dans le Leon afin de pouvoir pêcher dans de bonnes conditions."

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Pour les séquences de pêche en sèche, peux-tu nous décrire le matériel que tu as utilisé, les principales mouches, ainsi que l'action de pêche à proprement parler ?

" Pour la pêche en sèche, je suis parti sur une JMC Performer 9’9 soie 3/4 couplée avec un Yoto et une soie de 2 ou 3 suivant les rivières.

Jusque-là, cette canne ne me servait pas pour cette utilisation chez moi, je l'utilisais plus pour pêcher les petites rivières en nymphe au fil que pour de la sèche pure. Finalement une soie de 3 et même de 2 passent très bien sur cette canne. Elle était assez douce pour pêcher en 8/100.

Au niveau de l'action de pêche, j’ai plus pêché l’eau qu'attaqué des gobages à proprement dit... En général, je passais en sèche sur tous les beaux coups avec pas trop d’eau avant de passer en sèche/nymphe ou en nymphe. Et très régulièrement, j’arrivais à faire monter des poissons que je n’aurais jamais pris en nymphe, ou qui aurait même fuit du fait de les pêcher de trop près. Il fallait être très précis sur le posé, un bas de ligne trop détendu sur l’eau et je loupais tous les poissons au ferrage, un posé trop droit contraignait la dérive et aucun poisson ne montait...

Pour les mouches, j’ai principalement utilisé des éphémères avec les ailes en CDC sur hameçons de 19 à 22. Durant notre entrainement de juillet, les sedges étaient beaucoup plus efficaces, il a fallu revoir nos mouches durant la semaine d’entrainement juste avant le championnat."

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Qu'est ce qui a fait la force de cette équipe de France médaille d'argent et pour toi, ce qui t'a permis d'accéder à la plus haute marche du podium ?

" La force de l’équipe de France, c'est que c’est une « vraie équipe », tout est partagé, rien n’est caché. Quand quelqu'un a une difficulté sur un point, il y a toujours une personne de l’équipe pour l’aider. On a tous nos points forts et nos points faibles, notre façon de pêcher, mais au final, quand on prend le meilleur de chacun, l’équipe est vraiment forte.

Pour ma part, je ne vais pas dire que j’ai eu de la chaaaaate, mais un peu quand même. Pour être plus sérieux, tout s’est bien goupillé pour moi. Commencer au lac où les pêches du début de semaine me correspondaient plus, ne pas tomber sur des cimetières en rivière, tomber sur un parcours que j’avais déjà pêché en juillet à l'entraînement, et avec l’expérience, tout a roulé tout seul...

J’ai bien sûr eu quelques moments de doutes, par exemple lorsque j’ai loupé 7 poissons d’affilé au début de ma manche sur le Pilona, mais je suis en règle générale une personne calme et posée, donc j’ai soufflé un moment, je me suis reconcentré, et ensuite j’ai enchaîné 6 poissons dans le même courant..."

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Julien Daguillanes
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Pour la suite, as-tu déjà songé aux prochaines échéances internationales ? Est-ce que ce retour gagnant t'a laissé un goût de "reviens-y" ?

"J’étais parti pour ce championnat du Monde en Espagne sans penser à l’avenir, en me disant « on verra bien comment ça se passe, si je prends du plaisir à refaire une compétition internationale et bien sûr si j’ai encore le niveau »...

Au final, je pense vraiment que j’ai pris beaucoup de plaisir durant ce championnat avec les copains de l’équipe. Le plus dur en 2017 n’avait pas été d’arrêter les championnats internationaux, mais plus de quitter cette ambiance d’équipe.

Ce titre remet pas mal de chose en question, avec normalement l’attribution du statut de sportif de haut niveau pour 2023. D'autre part, tous les championnats sont différents, avec des pêches qui me correspondent plus ou moins...

Je prends les années les unes après les autres, sans trop me projeter sur l’avenir."

Merci Julien et à bientôt !

 

Toutes les photos de l'article sont la propriété de Carlos bobela www.asturiasamosca.com

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équipe de France
Légende
L'équipe de France médaille d'argent avec de gauche à droite : Sébastien Delcor capitaine, Thierry Lelièvre manager, Sébastien Vidal, Julien Daguillanes, Pierre Kuntz, Grégoire Juglaret et Emilio Saint Aman

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