Bien organiser son bivouac en lac d'altitude

rando pêche

Dresser sa tente sur une pelouse alpine où se love un lac d’altitude, s’éblouir le soir venu des plus hauts sommets gravés sur le miroir de surface, jusqu'à arrêter de poser ses mouches sur l'eau cristalline afin de s'enrichir du spectacle de quelques isards ou bouquetins approchant lentement pour s’abreuver... Quelle meilleure méthode pour recharger ses batteries ? S’endormir les yeux perdus dans l’infinité de la voie lactée tout en scénarisant les stratégies de pêche de la journée du lendemain, certainement que ma vie rêvée se trouve là ! Seule la pêche à la mouche en montagne permet cette immersion dans ce monde sauvage à portée de main, là où écouter le silence est encore possible. Vectrice inépuisable d’aventures, la pêche à la mouche en lac de montagne se sublime avec délectation lors des bivouacs d’altitude. Partir en montagne n’est toutefois jamais anodin, même en période estivale et impose une préparation sérieuse afin de profiter sereinement de ces moments...

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Les devoirs du pêcheur randonneur

Cette immersion dans la Nature brute que produit le bivouac offre la possibilité aux moucheurs d’aller solliciter les salmonidés lacustres lorsqu'ils sont le plus actifs. Truites et autres poissons hantant ces hautes eaux n’aiment que très peu les fortes luminosités des après-midis, d’où l’intérêt de rester au coup du soir. Si vous êtes au bon endroit, vous êtes certain de ne pas rater le moment où la surface du lac se déchire de multiples gobages.

Avant même d’entrer techniquement dans le vif du sujet, quelques règles primordiales doivent êtres rappelées afin de ne pas faire n’importe quoi. Dès l’instant où vous mettez vos pieds en montagne, votre impact sur le milieu est important, sachez que là-haut, vous êtes un intrus !!!

Afin de limiter au maximum les conséquences de votre présence sur le biotope montagnard et ainsi de vous fondre dans le milieu, quelques règles s’imposent, que vous soyez dans un Parc National ou en dehors.

Précisions d'emblée que dans cet article, nous parlons de bivouac et non pas de camping : démonter sa tente le matin et la remonter le soir doit être une règle de base. Les tentes montées toute la journée sont de véritables pollutions visuelles. Quoi de plus désagréable que des photos de paysage avec des toiles de tente multicolores partout. Les démonter, c’est respecter les autres randonneurs et garder une présence discrète. D'ailleurs, n’oubliez jamais que les rayons ultra-violets ne sont pas sans risque pour les tissus constituant votre toit éphémère, raison supplémentaire de le plier en journée.

Dans certains secteurs les feux sont interdits, donc pas de tentation. Mais là où c’est possible, mieux vaut s’abstenir ou bien évaluer les conséquences possibles avant de l’allumer. Quoi de plus désolant que de rencontrer des pins à crochets mutilés pour faire du bois alors que beaucoup sont centenaires. Les multiples foyers de feu dégradent les pelouses alpines au détriment des écosystèmes qui les habitent. Alors si vous tenez vraiment à l’ambiance et à la chaleur du feu de camp, utilisez toujours un foyer existant et surtout ne ramassez que du bois mort ! Evitez aussi de brûler n’importe quoi sous prétexte d’alléger votre sac à la descente.

La gestion de l’eau à emporter en bivouac questionne de nombreux pêcheurs randonneurs : ils ne savent souvent pas s’ils doivent se contraindre à boire peu pour économiser l’eau qu’ils ont montée ou se servir de l’eau présente sur place. Pour ma part, je vous invite à boire l’eau présente en altitude en prenant certaines précautions. Une solution « chimique » avec des comprimés de purification permet de traiter l’eau prélevée sur place avec une efficacité infaillible mais donne à celle-ci un goût de chlore assez désagréable. La marque Katadyn et ses comprimés Micropur bleu sont bien adaptés pour les Alpes et les Pyrénées, ils permettent la consommation d’une eau au goût acceptable.

Plus naturelle et performante, l’utilisation d’une gourde filtrante est pertinente, l’eau que vous consommerez sera sûre et sans aucun goût. Quand vous randonnez dans une vallée où l’eau est abondante tout au long de votre parcours, l’usage d’une paille filtrante peut encore réduire le poids de votre sac à dos mais n’encourage pas une hydratation généreuse car l’aspiration est un peu laborieuse à mes yeux. Ayant bu dans plus de 500 lacs des Pyrénées sans jamais filtrer ni mettre de comprimés dans mon eau, je n’ai jamais été malade, n’étant pas de constitution fragile. Cependant je ne vous invite pas à suivre mon exemple !

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L'auteur bien installé et prêt à en découdre canne en main !
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Du matériel adapté et léger

Partir bivouaquer impose une préparation sérieuse tant sur le plan physique que sur le choix du matériel. Une des premières choses que l’on constate à nos dépends lorsque l’on parcourt les sentiers de montagne pour plusieurs jours, est l’impact du poids du sac sur votre progression. Poids et dénivelé sont deux facteurs traumatisants si vous êtes mal préparé et/ou trop chargé.

Si la préparation physique se fait tout au long de l’année afin d’avoir « les cannes » le jour J, le poids du sac peut quant à lui se limiter à condition de n'emporter que l’essentiel. La pertinence sur la balance de chaque objet mis dans le sac permet de lutter contre les grammes superflus, n’emportez que l’indispensable. Par contre, dans cette course à la légèreté, ne renoncez jamais au matériel de sécurité, votre vie en dépend.

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Parmi les différents éléments qui garnissent votre sac, le choix de la nourriture à emporter permet de gagner quelques grammes. Attention, je ne vous encourage pas au jeûne mais plutôt à une sélection de menus adaptés surtout si vous partez pour plusieurs jours. Sur un ou deux repas, il est possible de se faire plaisir, mais sur une longue randonnée de plusieurs jours avec de forts dénivelés, il sera difficile d’échapper aux aliments lyophilisés, qui possèdent un rapport calories/poids quasi imbattable. Les ustensiles constituant la popote doivent eux aussi être choisis en fonction de leur poids et de leur volume. Inutile par exemple d’emporter une grosse cartouche de gaz quand on ne doit passer qu’une nuit en montagne.

A la différence du randonneur classique, les pêcheurs rajoutent leur matériel qui, si on ne le restreint pas, peut rajouter un poids (trop) conséquent. En montagne, le moucheur optera par exemple pour une boîte à mouche unique spécifique, quelques bobines de nylon et un ensemble canne/moulinet en 9' ou 10' soie de 5, ce qui est amplement suffisant. Je vous invite à proscrire tout poids superflu.

Concernant les éléments de base du matériel de bivouac à disposition, celui-ci évolue d’année en année vers toujours plus de légèreté, tout en devenant aussi un peu plus fragile. Entre le poids de mes sacs à dos quand j’ai commencé les rando-pêche il y a 30 ans et maintenant, nous pouvons chiffrer en kilos le poids perdu avec l’évolution du matériel. Evidemment, cela se répercute sur le prix des tentes et autres accessoires : plus c’est léger plus c’est cher !

Si vous ne devez passer que 4/5 nuits en montagne par saison, inutile de trop investir, vous trouverez des tentes pesant environ 2kg aux alentours de 200 euros. En revanche si vous êtes un assidu, investissez pour un modèle faisant entre 1kg et 1,5kg, votre dos vous remerciera surtout si vous associez la tente et le duvet à un sac à dos au portage irréprochable. Pour moi deux marques de sac se distinguent, ce sont GREGORY et OSPREY, tant pour leurs qualités de portage et que leurs poids.

Tout aussi important que le choix de la tente, l’acquisition d’un bon duvet aux performances technique et thermique élevées sera un gage de confort et de sécurité lorsque vous rencontrerez des conditions difficiles :

Le début et la fin de saison de pêche en montagne imposent d’avoir un duvet assez performant tant les fluctuations de température peuvent s’avérer importantes. Un modèle ayant une température de confort entre -5 et 0°C est tout à fait adapté quitte à en prendre un autre moins isolant pour les périodes plus chaudes. Les modèles en plumes sont un peu moins résistants à l’humidité mais peuvent être facilement compressés et sont généralement plus légers que ceux aux garnissages synthétiques. Si votre duvet est un peu juste, il existe des draps de sac (aussi appelés sacs à viande) qui permettent d’augmenter significativement la température de confort et évitent l’achat d’un duvet supplémentaire.

Pour le reste du matériel, consultez l'encadré ci-après !

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Le bon rapport poids/sécurité doit être trouvé pour vos randonnées !
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Le bon emplacement de bivouac

Bivouaquer en montagne requiert un choix judicieux d’emplacement afin de poser sa tente ou son sursac. Une mauvaise décision peut vous faire passer une très mauvaise nuit ou pire, vous mettre en danger. Pensez toujours à bien protéger le fond de votre tente par un tapis de sol car son tissu est sensible aux cailloux saillants et à l’acide formique de certains insectes, notamment les fourmis, nombreuses en montagne (d’ailleurs n’oubliez pas quelques imitations dans vos boîtes à mouches !).

Disposer d'une couverture de survie plastifiée ou un tapis de sol adapté à votre tente protégera celle-ci et vous isolera de l’humidité.

Le bon emplacement pour dresser sa tente en toute sécurité et confortablement, requiert les caractéristiques suivantes :

  • Il doit être le plus plat possible et sans cailloux proéminents à sa surface. S'il est constitué de gazon, le confort n’en sera que meilleur.
  • Veillez à ne pas vous placer là où de susceptibles chutes de pierres peuvent se produire. Cela semble évident, mais pas compris par tous !
  • Évitez les endroits trop exposés au vent ou à la foudre ou les cuvettes. Les secteurs où des rigoles naturelles viennent finir leurs courses lorsque les pluies s’intensifient se transforment en lacs et peuvent inonder l'intérieur de votre tente... C’est du vécu !!!

Si l'on considère l'aspect halieutique, il est important de poser sa tente là où vous pourrez observer le lac afin d’apercevoir une potentielle activité de surface. Orienter l’ouverture de sa tente vers le lac permet le matin venu de ne pas sortir du duvet pour rien. Evitez quand même de dormir trop près de l’eau car par temps d’orage cela peut être dangereux. A propos, les orages s’avèrent dangereux surtout lors des montées ou sur les crêtes lorsque vous êtes exposé. Si par manque de chance vous êtes surpris, asseyez vous sur votre sac en position recroquevillée et attendez la fin des hostilités. Ne courez surtout pas ! Dans la tente, et à condition que celle-ci soit bien montée et arrimée au sol, vous ne risquez pas grand-chose car vous êtes isolé du sol. Les matelas gonflants ou autogonflants permettent une meilleure isolation du sol. Nous pêcheurs avons des tubes sur le sac où nous stockons nos cannes, évitez ceux en alu qui dépassent trop.

La montagne et ses lacs parfois secrets sont un des derniers endroits où souffle encore un vent de liberté et où l’on peut encore trouver des écosystèmes en relatif bon état. Ces écosystèmes sont fragiles alors, au cours de vos déambulations à la recherche des salmonidés d’altitude, respectez ce monde encore sauvage !

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Les accessoires de base pour un bivouac réussi :

  • Un sac à dos avec un litrage compris entre 45 et 80 litres selon la durée de votre séjour,
  • Une tente ou un sursac,
  • Un duvet avec une température de confort comprise entre 0 et 5°C pour la période estivale et un autre avec une température comprise entre -8 et -3°C en cas de sortie froide,
  • Matelas et oreillers autogonflants ou gonflants,
  • Réchaud et popote avec bobonne de gaz, briquets, allumettes ou pierre à feu,
  • Une gourde (voir article),
  • Lampe frontale basique,
  • Trousse à pharmacie (avec pansements, anti-inflammatoire pommade et anti-douleur) et une couverture de survie,
  • Crème solaire (évitez de vous baigner dans les lacs et les torrents lorsque vous en êtes recouvert, c’est une source de pollution majeure pour ces biotopes fragiles),
  • Des bâtons de rando ne sont pas indispensables mais d’un grand soulagement lorsque vous portez des lourdes charges,
  • Appareil photos pour les souvenirs !
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Les habits du pêcheur/randonneur en bivouac :

La tenue vestimentaire doit être adaptée aux conditions météo rencontrées. Il faut connaître le principe des 3 couches pour la définir. Pour le haut :

  • Une casquette ou bonnet afin de vous protéger du soleil et du froid,
  • Première couche : un sous vêtement technique respirant (en laine mérinos de préférence pour limiter les odeurs). Il se porte à même la peau afin d’évacuer la transpiration,
  • Une deuxième couche isolante pour conserver la chaleur : une doudoune ou polaire. Je préfère les doudounes (en plumes naturelles ou en garnissage synthétique type Primaloft) qui restent légères et prennent peu de place une fois comprimées.
  • Une troisième couche pour se protéger des éléments (pluie, neige, vent) : dans l'idéal, une veste Gore-tex (imperméable, respirante et légère) ou d’autres membranes techniques un peu moins haut de gamme.

Pour le bas :

  • Un pantalon de randonnée plus ou mois chaud en fonction de la saison et un short. Un pantalon convertible en short peut s’avérer pertinent par temps sec et doux.
  • Deux paires de chaussettes, n’hésitez à prendre des modèles qualitatifs destinés à la rando afin de réduire au mieux les risques d’échauffements. L’évacuation de la transpiration et le confort seront eux aussi favorisés. Prenez soin de vos pieds !
  • Une paire de chaussure de montagne à tiges hautes toujours plus sécurisantes pour vos chevilles quand vous portez du poids. Les chaussures basses ou de trail ne sont pas adaptées pour porter de lourdes charges souvent nécessaires à un séjour de plusieurs jours.
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Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…