La journée type du pêcheur à la mouche en lac de montagne

pêche lac de montagne

Le déroulement d’une journée de pêche à la mouche en lac de montagne ne consiste aucunement à lancer son artificielle le plus loin possible de façon répétitive, mais au contraire à adapter sa pêche au rythme du fonctionnement de ces biotopes afin d’en exploiter chaque aspect. Derrière l’impression de calme et d’inertie que peuvent percevoir des yeux néophytes, les pièces d’eau d’altitude dissimulent en fait une effervescence de vie bien cachée sous la pellicule de surface que seule une observation pointilleuse peut comprendre. De l'insignifiante larve de chironome aux plus gros poissons, chaque maillon de la chaîne réagit aux évolutions du milieu où il a élu domicile. Votre façon de pêcher devra s’adapter aux changements du milieu afin d’exploiter chaque moment de la manière la plus pertinente possible. Du choix du sens de rotation autour du lac jusqu’à la technique à utiliser, chaque détail aura son importance. Construire la feuille de route du pêcheur à la mouche afin d’être en symbiose avec le milieu, voici l’objectif de cet article.

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De l'importance de l'observation

En lac de montagne comme en rivière, se trouver au bon endroit au bon moment permet d’être en corrélation avec les fulgurances comportementales des poissons que l’on recherche et ainsi de pêcher juste. Les truites et les divers ombles qui peuplent les biotopes d’altitude effectuent des circuits bien déterminés. Ces circuits certainement innés semblent se transmettre de génération en génération. Ils sont régis par les influences saisonnières et à plus courte échelle, météorologiques. Elles contraignent les salmonidés à adapter leurs circuits alimentaires aux conditions qui caractérisent leur milieu à un moment donné.

On peut observer qu’ils recherchent leur nourriture dans les secteurs les plus productifs et sécurisants, dont la localisation varie en fonction du moment de la journée. Le positionnement des salmonidés qui cherchent à maximiser leur volume alimentaire n’a rien d’hasardeux mais symbolise la conséquence de l’évolution des conditions tout au long de la journée. Ainsi, l’abondance de nourriture à un moment donné sur un secteur bien ciblé du lac, génère une concentration de poissons qu'il faut exploiter au plus vite car elle n'est souvent qu’éphémère du fait de la versatilité du milieu.

Aucun salmonidé lacustre n’échappe à la règle : afin de s’alimenter de la débâcle au regel automnal, ils adoptent des comportements répétitifs qui rythment chacune de leur journée, comprendre ces mouvements instinctifs et organiser sa pêche en fonction est primordial. Appréhender la pêche en altitude sans comprendre le fonctionnement de ces mécanismes revient à confier la réussite de sa pêche au hasard et à réduire son intérêt... C'est un peu comme dire que l’on va à la pêche "pour prendre l’air" ! Quand vous posez votre mouche sur une rivière, vous faites préalablement une lecture des postes et adaptez votre prospection en fonction. En lac de montagne, vous devrez vous comporter exactement de la même manière !

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Les principaux paramètres à considérer

La courbe régulière de l’évolution de l’astre solaire et la variation de luminosité qui en découle influencent notablement la position des salmonidés dans le lac tout au long d’une journée et la manière dont ceux-ci s’alimentent. Globalement la plupart d'entre eux n’aiment guère les trop fortes luminosités et plus celle-ci augmente avec l’élévation du soleil, plus les poissons ont tendance à descendre en profondeur ou à s’éloigner des berges. Le phénomène est encore plus marqué juste après le dégel quand les poissons ont passé de longs mois dans l’obscurité sous la glace et qu'ils se retrouvent exposés soudainement à une lumière vive. De plus, les fortes luminosités les rendent plus visibles et donc plus vulnérables aux prédateurs d’où l’importance de se faire plus discrets.

L’omble de fontaine est une exception à la règle : dans les lacs les plus hauts qu'il affectionne, sa grande voracité le pousse à s’alimenter tout au long de la journée en particulier lorsque les eaux se sont réchauffées. Certaines truites méditerranéennes constituent également une exception, tant le soleil décuple leur activité.

En fonction de la saison, la température de l’eau influence elle aussi les circuits alimentaires des salmonidés. L’eau froide après la débâcle ralentit le rythme alimentaire des salmonidés. Si les truites et les ombles de fontaine freinent leur alimentation lorsque la température ne dépasse pas 5°C, les ombles chevaliers et les cristivomers, eux, l’accélèrent dans les couches plus profondes !

Une fois ces paramètres intégrés, décrivons maintenant une journée type en lac de montagne. Tout au long de celle-ci, je tiendrai compte des caractéristiques propres à chaque salmonidé et aux divers moments de la saison, afin que vous puissiez ajuster votre prospection en conséquence. La journée que je vais détailler ici est une journée de beau temps anticyclonique, sans manifestation météorologique notable. Eole se manifestera seulement au travers des brises thermiques ascendantes et descendantes que l’on rencontre fréquemment lors des belles journées estivales en montagne, et qui concentrent la nourriture à certains endroits du lac.

Afin de ne pas compliquer mes propos, je situerai le lac décrit à une altitude comprise entre 1900 et 2300m, en soulignant que plus celui-ci sera haut, plus les cycles alimentaires des salmonidés seront longs du fait de la pauvreté du milieu, des eaux plus froides et du temps de dégel plus bref. Les poissons y seront plus petits et la sélectivité moindre du fait de l’amoindrissement du panel d’insectes présents. Au contraire les poissons des lacs de plus faible altitude connaîtront des cycles alimentaires courts et irréguliers dans des eaux plus chaudes et plus diversifiées en insectes. Ils y seront donc plus gros et plus sélectifs

Je ne me baserai pas sur des créneaux horaires précis mais plutôt sur la succession de conditions de luminosité/température/vent rencontrées.

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Luminosité, vent et température : les principaux 3 paramètres qui régissent la prospection en lac
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De l’aube au lever du soleil

A la pointe du jour, quand aucun souffle de vent ne vient perturber le miroir de l'eau et lorsqu’il est facile d'apercevoir une artificielle à la surface, la pêche en sèche trouve là une grande pertinence. Après une longue et obscure nuit où les salmonidés n’ont pas été dérangés, ceux-ci profitent brièvement de ce moment pour se rapprocher au plus près de la berge afin de récolter les insectes amassés de la veille ou ceux ayant chuté pendant la nuit. Oubliant parfois toute raison, ils visitent les moindres interstices des berges divulguant parfois leurs dos ou leurs dorsales et créant ainsi des ondes bien significatives pour nous, pêcheurs à la mouche. L’ensemble des berges du lac se trouve alors concerné par ce phénomène mais celui-ci est plus marqué contre les pelouses alpines, battues par le vent la veille, car la concentration d’insectes y est plus conséquente. Dans une moindre mesure, les zones d’éboulis de faible profondeur qui ont reçu le souffle d’Eole, fonctionnent aussi.

La productivité de cette pêche que l’on peut qualifier de chasse tellement les sens du pêcheur sont mis à contribution, dépend de la discrétion de l’approche que vous effectuez et de l’attention que vous porterez aux moindres ondes contre la berge. Ces ondes plus ou moins importantes sont produites par les évolutions des salmonidés dans très peu d’eau mais aussi parfois... par des crapauds !

La prospection se déroulera en aveugle, la faible visibilité empêchant toute vision du poisson, vous déposerez votre mouche au plus prés de l’onde aperçue. Si rien ne se produit après plusieurs posés discrets dans la zone convoitée, un léger dragage est parfois persuasif tout comme un impact un peu plus marqué de l’artificielle sur l’eau. Mais attention, ces poissons qui divaguent contre les bordures peuvent réagir au moindre bruit suspect et décamper ; ils sont toutefois généralement assez faciles à prendre si vous faites part d’une discrétion absolue. Une petite imitation sombre fera généralement l’affaire, la faible lame d’eau et le peu de luminosité ne permettant pas aux salmonidés de faire part d’une sélectivité importante.

Cette activité de bordure est tributaire de l’évolution des conditions de luminosité qui peuvent la rendre très brève ; toutefois en restant dans l’ombre et en fuyant les premiers rayons de soleil, nous pouvons prolonger ce moment fugace, il suffit de diriger sa prospection vers la berge qui reste le plus longtemps dans l'obscurité.

Ceux qui recherchent les gros poissons pourront zapper la pêche en sèche pour se consacrer au streamer qui dans les lacs à truites et à cristivomers, est parfois très productif. Les modèles de couleur naturelle seront plutôt destinés aux truites et les modèles plus flashy aux cristis. Privilégiez les secteurs avec des cassures ou des hauts fonds bien appréciés des gros salmonidés en chasse.

NB : l’activité de ces poissons matinaux a plutôt lieu quand les eaux du lac se sont réchauffées, alors que le début de saison est plus irrégulier. Toutefois dans l’eau glaciale du dégel, j’ai parfois vu de très belles truites se comporter ainsi dans les anses réchauffées et alimentées en nourriture par le vent ou contre les névés.

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Dans la torpeur de l'aube, les lancers se font parallèles à la berge, très discrètement
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De l’arrivée complète du soleil jusqu’à la fin de matinée

Quand le soleil illumine l’ensemble du lac, la majorité des salmonidés quitte progressivement les bordures alors peu sécurisantes et les poissons deviennent peu enclins à gober. Toute activité semble s'évanouir en quelques minutes comme si tous les protagonistes à écailles s’étaient donné le mot !

Le lac est encore lisse et vierge de vents thermiques ; la pêche traverse une période généralement bien creuse où je profite de l’instant pour aller déjeuner au bivouac. Pour ceux qui veulent absolument lancer leur mouche, il est possible de prendre quelques rares poissons en nymphe à vue en scrutant attentivement les premiers tombants ou abords des falaises. Privilégiez la berge vous permettant de prospecter avec le soleil dans le dos afin de mieux identifier les poissons évoluant devant vous et d’échapper à la réverbération. Attention quand même à votre ombre.

Dans cette approche, une longue pointe fine sera de rigueur, celle-ci se terminera par une nymphe peu plombée de type pheasant tail ou cuivre de teinte sombre. En lac de montagne, oubliez les casques en tungstène ou seulement pour la recherche des ombles chevaliers dans les rares endroits qui le permettent, car ces nymphes descendent trop vite. Une bonne nymphe de lac plane lentement à la descente, au travers des couches d’eau. Anticipez au maximum le poser de la nymphe vers la direction que prend le poisson afin que celle-ci croise son chemin à la profondeur où il évolue. Dans ces eaux cristallines, je préfère les pointes en fluorocarbone qui permettent à la nymphe de mieux descendre et qui sont plus discrètes. Lorsque vous voyez partir un poisson vers le large parce qu’il vous a aperçu ou par choix de sa part, vous pouvez tenter un posé bien tendu devant lui. Parfois il sera effrayé mais d'autres fois, vous verrez une tirée sur votre bas de ligne, d’où l’intérêt du posé tendu afin de distinguer la moindre touche. Malgré ces quelques opportunités, ne vous attendez pas à des miracles à ce moment là de la journée : la période est plutôt mauvaise !

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Bien choisir son sens de rotation permet de profiter au maximum de l'ombre lors du coup du matin
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De la fin de matinée jusqu’en début d’après-midi

Avec l’ascension de l’astre solaire et la montée en température, les brises thermiques se lèvent et quelques insectes commencent à virevolter, mettant les poissons en activité, en particulier sur les secteurs battus par la brise.

Suivant l’abondance d’insectes, l’activité peut générer une pêche en sèche "dans les vagues" très plaisante, en particulier en présence de sialis. Ce terrestre au cycle partiellement aquatique, aime se dorer sur les éboulis prés des arrivées d’eau et sur les pelouses alpines, c’est un véritable aimant à truite. Les autres insectes que l’on rencontre habituellement en montagne deviennent aussi des proies potentielles. Les jours très chauds et lourds sont idéaux pour les apparitions de fourmis sur le coup de midi.

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Le sialis est un insecte de l'ordre des mégaloptères très apprécié des salmonidés lacustres
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De l’après-midi jusqu’à l’arrivée de l’ombre

Le milieu d’après-midi est généralement médiocre, il fait trop chaud et la luminosité forte ne produit pas à une activité débordante. Pourtant les berges un peu pentues et les rochers (lorsqu’ils peuvent produire un peu d’ombre) permettent de toucher quelques poissons. Comme nous humains, les truites aiment se blottir à l’ombre : elles recherchent donc les blocs ou les rhododendrons proéminents, et ne dédaignent pas à l’occasion déguster un insecte. De la même manière qu'à l’aube, il faudra faire preuve d’une grande discrétion lors de l’approche vers ces poissons se tenant parfois dans très peu d’eau. Le choix de la mouche en absence de fourmis ou de sialis se portera souvent sur un petit diptère noir ou très sombre en taille 16. Contrairement au matin où, en absence de vent les salmonidés peuvent être partout, durant l’après-midi, c’est essentiellement sur les parties ombragées battues par la brise que ceux-ci se concentrent.

Dans les lacs de hautes altitudes aux eaux très froides possédant des populations de saumons de fontaine, le comportement de ceux-ci est différent : en effet ils aiment bien le franc soleil. Les anses peu profondes où le fond est sédimentaire, lorsqu’elles reçoivent le vent, sont excellentes. L’eau se réchauffe très vite sur ces fonds où ces poissons aiment se tenir. Des individus de toutes tailles s’y regroupent, augmentant ainsi la concurrence alimentaire. Ces poissons sont alors faciles et agréables à attraper en attendant le soir.

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La prospection des zones d'ombre de bordure : la stratégie souvent gagnante en pleine chaleur l'après-midi
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De la fin d’après-midi jusqu’à la nuit

Avec la baisse de luminosité et si les insectes sont bien présents, l’activité de surface reprend crescendo dès la descente du soleil, et ce jusqu’à la nuit. Elle est alors beaucoup moins localisée qu'auparavant, mais les secteurs où la brise est venue taper restent une valeur sûre, là où s’accumulent de nombreux déchets concentrés par le vent. La brise faiblit régulièrement jusqu’à cesser dans les dernières heures du jour et ces débris à la surface permettent aux truites de trouver de nombreuses proies comestibles. Il est donc important de bien observer le sens du vent en journée.

Ainsi, en fin d’après-midi et jusqu’au soir, la pêche en sèche reste productive, il sera donc conseillé d’appréhender les secteurs un peu reculés où les poissons se sentent en sécurité. Alors que de grosses mouches en chevreuil étaient efficaces dans les vagues, les truites ont tendance à réduire la taille des proies qu’elles sélectionnent lorsque le vent faiblit. Les retombées de fourmis et des émergences de chironomes en sont souvent la cause. Pour nous moucheurs c’est le moment de sortir les minuscules imitations noires afin de sanctionner les micro-gobages qui se multiplient. Toutefois,  dans certains lacs riches, quand la lumière a presque totalement disparu, l'obscurité peut inciter les truites à gober de gros sedges... à vous de vous adapter.

Plus la nuit s’approche, plus les gros poissons s’activent, alors pourquoi ne pas essayer de prendre un beau cristivomer en mouche sèche ? A ce niveau là, tous les lacs ne sont pas égaux, à vous de choisir le bon !

Bonne saison sur les balcons d’altitude !

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A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…