Grosses truites d'été : attention aux idées reçues !!!

pêche grosse truite

Afin d’être en adéquation avec la réalité écologique du moment qui module le comportement des salmonidés, le moucheur doit s’adapter en permanence afin de pêcher « juste » ! Pour cela il dispose de stratégies et techniques acquises tout au long de son vécu qui lui permettent de donner une réponse adaptée à la situation de pêche. Avec de longues années de pratique, ces réponses ont tendance à se transformer en automatismes, voire en idées préconçues... qui parfois peuvent nous conduire à l’échec !

Si ces réponses permettent de solliciter avec pertinence les salmonidés dans la majorité des cas, elles perdent parfois de leur efficacité, en particulier avec les bouleversements climatiques qui modifient le comportement des truites...

Voici le récit d’une journée particulière de la semaine passée qui illustre parfaitement les déroutantes versatilités comportementales des salmonidés lors d’une situation a priori claire :

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Ce vendredi matin, après avoir arpenté de nombreux lacs de montagne les jours précédents, l’envie de retourner taquiner les belles truites du Piémont pyrénéen était à son apogée. Excité comme une veille d’ouverture, je prenais la route en écoutant à fond The Offspring afin de laisser mon euphorie s’exprimer !

Juste avant de m’endormir la veille, j’avais déjà analysé mentalement la situation de pêche à laquelle j’allais être confronté et déjà dans mon esprit, j’avais conscience que ça n’allait pas être facile ! Mais quand la pêche est compliquée, il est passionnant de décrypter la situation afin de tenter de s’adapter... bref, je me sentais prêt. La situation météo extrême du moment à laquelle j’allais me confronter n’était pas idéale pour réussir une belle pêche mais le défi était passionnant ! Depuis quelques jours les températures caniculaires s’envolaient allègrement au-dessus des quarante degrés pour chuter vertigineusement aujourd’hui, alors que je trempais mes waders ! Une dégringolade de vingt degrés en quelques heures, comment les truites allaient-elles réagir ? Sans la canicule précédente, ce changement de temps aurait été parfait mais dans ce cas précis, j’étais très réservé sur l’issue de la sortie : si la température de l’air avait bien chuté, celle de l’eau ne baisserait pas aussi rapidement et là était le problème. Nous sommes tous conscients du fait que les truites ne s’alimentent plus lorsque les températures de l’eau s’envolent et peuvent même se mettre en survie lorsque celles-ci deviennent excessives. Je me préparais donc à prospecter une eau ressemblant à une soupe tiède dans laquelle il allait falloir chercher les salmonidés dans les parties les plus oxygénées.

J’avais donc opté pour un secteur varié mais riche de nombreuses veines de courant assez profondes et bouillonnantes, capables d’offrir des conditions supportables aux truites. Totalement confiant dans ma stratégie, je commençais la prospection de ce fameux parcours vers 10h en nymphe au fil à l’espagnole, seule technique qui à mes yeux me permettrait de solliciter les salmonidés dans ces veines tumultueuses. Ayant perdu mon thermomètre plus tôt dans la saison, j’étais incapable de donner une température à l’eau mais celle-ci me semblait assez élevée.

Empli d’une solide détermination, je commençais à peigner avec application toutes ces veines d’eau persuadé que mes dérives allaient faire mouche ! Vers 14h, toujours pas la moindre touche ! Je continuais, mon obstination allait forcément payer même si mes qualités de dérives baissaient lentement au fil de ma déconvenue...

16h, la démotivation commençait à fortement altérer ma pêche et je songeais à arrêter tellement ma prospection était stérile. Je ne pêchais que certains postes, rapidement, sans y croire, tout en remontant vers un radier qui me permettrait de rentrer rapidement à la voiture par l’autre berge. Quand je voulus traverser la veine était trop profonde, je dus remonter encore un peu. Dépité après avoir changé de multiples fois de nymphes, varié leur écartement en fonction des coups et soigné au maximum l’angle de mes dérives, il ne me tardait qu’une chose : quitter ces waders et rentrer !

Tout en remontant, je donnais un coup de ligne mécaniquement sur une veine peu profonde (moins de 40cm), à la vitesse de courant moyenne, en étant totalement déconnecté de ma pêche... quand une touche violente sanctionna ma dérive ! Ferrage immédiat et je me retrouvais en direct avec une très belle truite de 54cm qui m’opposait un combat viril dans la veine principale qu’elle n’avait pas tardé à rejoindre. Enfin récompensé, je fixais sur l’appareil photo ce beau poisson et le remettais délicatement à l’eau.

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La motivation revenue, je traversais enfin la rivière et ciblais la prospection sur les coups possédant le type de courant (pas profonde et moyennement rapide) où j’avais pris le poisson précédent. En amont d’un épi rocheux, un poste discret attira mon attention, j’y déposai avec application mon duo de nymphes quand une violente tirée mît en tension mon bas de ligne... ferrage et mise en contact rapide avec un poisson aux mensurations bien supérieures au précèdent, très lourd et massif. Je parvins à déséquilibrer devant moi cette sublime truite et à la maintenir dans la zone en bordure des violents courants.

Couplée à ma pointe en 14/100, l’action de ma Thomas et Thomas Contact II 10'9 soie de 4 faisait des merveilles jusqu’au moment où je voulus saisir mon épuisette dans mon dos ! Inconsciemment, je relâchai la bobine de mon moulinet offrant ainsi à la grosse truite l’occasion de regagner le courant principal tout proche. Celle-ci n’hésita pas une seconde et, me prenant 20 mètres de soie, dévala vers l’aval : impossible de la suivre. Dans mon esprit je mesurais déjà l’énorme erreur que je venais de commettre et commençais à envisager l’inévitable casse. Dans un dernier espoir je tentai une méthode qui marche très bien avec les gros barbeaux : tracter le poisson doucement avec la canne parallèle à la surface, et au ras de l’eau !! A ma grande surprise, la truite se remit dans le mort entre la veine forte et la berge et, comme par miracle, je parvins à lui reprendre les mètres de soie déroulés jusqu’à l’épuisette !

66,5cm de bonheur que je rendis rapidement à la rivière après quelques photos prises un peu à l’arrache. Dans ces conditions et après un gros combat, tant pis pour la qualité des photos, la survie du poisson est primordiale !

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Difficile d’expliquer pourquoi ces poissons étaient postés ainsi dans ces conditions... les micro-marnages qui, peut-être amènent de l’eau un peu plus fraîche, sont-ils en cause ? Pourquoi, n’ai-je pas vu un seul petit poisson de la journée alors que certains postes que j’ai prospectés en contiennent pas mal ? Pourquoi ces gros poissons s’alimentaient-ils dans de l’eau proche des 20°C ?

Une chose est certaine : les bouleversements climatiques qui perturbent nos écosystèmes mettent de plus en plus nos certitudes en défaut... ce qui complique encore plus la pêche !

La fermeture approche à grand pas, profitez bien des derniers moments de la saison !

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A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…