Éloge de la mouche sèche en ruisseaux encombrés

pêche ruisseau

Les ruisseaux encombrés de piémont ou de plaine, là où la température de l’eau permet la survie des salmonidés en été, ne font pas partie des lieux fréquentés par la plupart des moucheurs ; ceux-ci se concentrent généralement d'avantage sur les rivières plus importantes. Pour bon nombre d’entre nous, les ruisseaux sont synonymes de petites truites et de pêches compliquées en raison de l’abondance de végétation rivulaire... et pourtant, de belles émotions y attendent les plus audacieux d'entre nous !

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Des milieux oubliés et une technique fruste

Les ruisseaux d'altitude basse à moyenne (en dessous de 800m) que l’on rencontre sur les parcours de l’hexagone sont généralement branchus. Ils subissent une pression de pêche essentiellement exercée par les locaux, au toc, durant les premières semaines qui succèdent à l’ouverture, pour ensuite être désertés jusqu'à la saison suivante. L’explosion de la végétation printanière en avril/mai effraye les pêcheurs craintifs pour leur stock de bas de ligne ! Pourtant sous une voûte de noisetiers ou de saules qui les isolent et les soustraient aux regards curieux, de belles fario n’hésitent pas à venir saisir dans leurs mâchoires des insectes dérivants en surface. 

Ces ruisseaux, lorsqu’ils ont la chance d’avoir été épargnés par les recalibrages sauvages des années 70/80 et par les étés de sécheresse récents, contiennent des truites peu accoutumées aux mouches sèches, ce qui n’en fait pas pour autant des poissons faciles. Les truites fario qui les habitent sont souvent d’origine autochtone, certains de ces petits rus n’ayant pas connu d’alevinage, il est donc fondamental de respecter ces milieux d’une extrême fragilité. Lorsqu’on a la chance d’avoir de tels sanctuaires à portée de main, on se doit de relâcher avec un maximum de précaution la majorité des truites qui pourraient gober votre mouche.

Afin d’éviter d'orner les arbres environnants avec ses derniers dressages, le moucheur devra allier dextérité de lancer et concentration extrême. Chaque geste doit être réfléchi, évalué avant d’être tenté... Bien se placer afin d’aborder un coup prend alors une importance capitale, nous devrons apprendre à utiliser l’espace au mieux.. Savoir utiliser l’environnement pour se cacher à la vue des truites est aussi fondamental. Pour cela, s’accroupir, se plaquer à la berge peut être indispensable. Les faux lancers doivent être proscrits, et vous devez tout miser sur le premier passage qui doit être le bon ! Le moucheur est ici un intrus, il doit se confondre afin de se faire oublier et s’intégrer au milieu. Je vous renvoie pour ces détails à mon précédent article sur le placement.

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Un matériel adapté à l'encombrement

Pour mettre à profit ses talents de lanceur, le pêcheur devra posséder un matériel adapté à cette approche particulière : la canne aura une longueur comprise entre 6 et 8' (c'est le degré d'encombrement qui définit la longueur), pour soie de 3 ou 4 ; l'action sera plutôt rapide.

Dans cette pêche, la soie a aussi une grande importance, car son profil devra permettre de poser la mouche rapidement et en effectuant le moins de faux lancers possible. Pour cela, les profils WF sont parfaits : un fuseau court et décentré offre une grande précision et permet à la canne de s’armer rapidement.

Pêcher dans ces milieux particuliers avec des soies de numéro inférieur à 3 reste possible, mais demande d’excellentes qualités techniques. L’utilisation de soie naturelle n’apporte rien ici, leur légèreté ne facilitant pas vraiment les shoots tendus sous les branches.

La conception du bas de ligne est déterminante car il devra restituer les qualités de la soie : il sera donc rapide et précis, de préférence dégressif. Sa longueur n’excédera pas les 2m80 à 3m pointe comprise, voire moins en conditions extrêmes. Certains préféreront la classique chaussette tissée ou tressée, d’autres les commodités des classiques bas de ligne à nœuds, dont la formule est modifiable en fonction de la situation de pêche. La pointe du bas de ligne ne descendra pas en dessous du 12/100, car les truites de ces petits ruisseaux ont l’art de retrouver leur cache à grande vitesse après le ferrage !

Le choix de la mouche est relativement facile, car ces poissons pas ou peu éduqués ont un comportement naturel et ne sont pas traumatisés et conditionnés par la pression de pêche. Ils montent avec bravoure et confiance se saisir des mouches à l’unique condition que votre dérive soit parfaite.

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Des mouches simples et efficaces

Notre boîte à mouches contiendra donc principalement des modèles simples et solides en taille 14 et 16 : des modèles type paysan (grises à corps jaune), des sedges (chevreuil) et quelques voiliers cul de canard si le ruisseau n’est pas trop rapide, feront amplement l’affaire. Nous rajouterons à cette liste des palmers, car ce sont des mouches d’ensemble par excellence qui ont aussi la particularité de moins s’accrocher aux arbres : leur dressage utilisant seulement des hackles de coqs retaillés, protège la pointe de l’hameçon et évite à celle-ci de trop s’accrocher.

La forte végétation qui entoure ces havres de paix que sont les ruisseaux permet aux truites de bénéficier de retombées d’insectes terrestres. Elles sont habituées à se saisir d'hannetons et de sauterelles, voire de mouches de cuisine et des inévitables fourmis... Ainsi, quelques imitations de terrestres peuvent compléter votre boîte. J’ai une grande affection pour les imitations de hannetons qui, dressées en mousse, donnent des gobages bruyants et rageurs fort amusants. Pour éviter de trop nombreux décrochages, il faut veiller à les monter avec des pattes pas trop rigides.

Bien qu’armé d’excellentes qualités techniques et d’un bon matériel, vous passerez forcément par des accrochages et des ratés, mais le plaisir et la qualité des moments passés au bord des rus et ruisseaux, vous feront rapidement oublier ces inconvénients !

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Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…