Le premier article technique de la série "Mieux pêcher en nymphe au fil" a permis de définir le placement et l'orientation de dérive idéals en fonction du type de courant à prospecter. Dans ce second volet, nous allons aborder la question cruciale du choix du lestage. En pratique, la masse de votre montage dépend :
- du couple vitesse/profondeur du courant pêché,
- de la distance de pêche,
- du point d'impact du montage,
- de l'humeur des poissons,
- du diamètre de pointe imposé par les conditions.
Attention, tous ces critères ne se valent pas. Détaillons chacun d'eux :
Qu'est ce que le "bon poids" ?
Le bon lestage est la masse qui permet à votre (vos) nymphe(s) de parvenir au niveau de la position des poissons au moment où l'on pêche. La vitesse d'immersion d'une nymphe dépend surtout du diamètre de la bille utilisée et du matériau qui la constitue (la pêche en nymphe au fil moderne fait fréquemment appel au tungstène). Pour connaître le panel de tailles (exprimées en mm) à prévoir dans votre boîte, nous vous renvoyons à l'article dédié au montage des nymphes à bille.
- Dans le cas de la pêche à 1 nymphe :
La pêche à une seule nymphe qui se pratique généralement 3/4 amont, est intéressante pour la prospection de postes restreints où la position de la truite peut être anticipée de manière précise. C'est avant tout une pêche "à l'immersion", la touche se manifestant généralement durant la phase de descente ou au moment précis où la nymphe atteint le courant de fond. Le bon lestage est celui qui offre le meilleur timing d'immersion : trop léger, la nymphe passe trop vite, au dessus des poissons (qui ne monteront pas la chercher certains jours!), trop lourd, la nymphe se plante au fond avant d'arriver sur le poisson.
- Dans le cas de la pêche à 2 nymphes :
La pêche à 2 nymphes permet d'effectuer des dérives plus longues (amont ou aval, voir l'article précédent) que celles réalisées "à une seule nymphe", dans la mesure où votre montage se stabilise mieux dans la couche de fond grâce à ce double ancrage. On utilise ici l'effet voile du courant de surface pour faire dériver les mouches au ras du fond. Il convient de choisir un lestage suffisamment lourd pour percer rapidement le courant de surface sans exagérer la masse de façon à ne pas s'accrocher une fois parvenu au fond. Si le lestage est bien choisi, vous devez être en mesure, grâce à un ajustement de la tension de la bannière, de contrôler la dérive de vos nymphes sur plusieurs mètres.
Lestage et couple vitesse/profondeur
C'est le critère n°1 : que l'on soit pêcheur au toc ou à la mouche en nymphe au fil, la première règle qu'on nous inculque consiste à adapter la masse de son montage à la profondeur de la colonne d'eau et à la force du courant qui la balaye. Plus le courant de surface est profond et/ou rapide, plus on alourdit le montage dans le but de parvenir à la position théorique du poisson, à savoir le fond de la rivière où la vitesse diminue.
Lestage et distance de pêche
Indissociable du couple vitesse/profondeur, la distance de pêche influence grandement le choix du lestage :
Pour un couple vitesse/profondeur donné, plus la dérive s'effectue à l'aplomb du scion (à courte distance), plus l'angle bannière/surface est proche de 90°, plus la longueur de bannière immergée (et donc l'effet voile du courant de surface) diminue, plus il est possible de pêcher léger. "Pêcher près" a donc cette vertu immense de permettre d'alléger son montage, ce qui favorise l'aspiration des nymphes et donc la qualité des touches. Evidemment, comme évoqué dans le précédent article sur le placement, il faut impérativement évaluer la distance minimale de pêche imposée par les conditions (luminosité, degré de méfiance des poissons...etc).
Lestage et point d'impact
Au moment du lancer, le point d'impact peut être plus ou moins décalé vers l'amont : lancer ses nymphes franchement en amont de la position théorique du poisson permet de leur laisser plus de temps pour se mettre en place (c'est-à-dire parvenir au niveau du fond). Cette marge de manoeuvre est particulièrement importante pour le pêcheur au toc qui dispose d'un moulinet à tambour fixe ; il peut sans effort faire varier son point d'impact de plusieurs mètres. Le pêcheur en nymphe au fil, avec sa canne à mouche et son moulinet à tambour tournant, est plus contraint : l'ajustement est ténu, de l'ordre de quelques dizaines de centimètres... mais ils peuvent néanmoins avoir leur importance! C'est une solution pour pêcher un peu plus creux sans alourdir exagérément son montage.
Sur certains postes, le choix du point d'impact est imposé : si par exemple, vous abordez un amorti profond produit par un obstacle en travers du courant, pas d'autre possibilité que de percer la surface au ras de l'obstacle et de choisir un lestage assez lourd pour obtenir une immersion rapide et décider un éventuel poisson posté à l'aval immédiat de la cache.
Lestage et comportement des truites
Dans les courants les plus rapides, les truites sont condamnées à rester dans la fine bande du fond où la vitesse est amoindrie. Le choix du lestage est donc assez simple : il faut percer la colonne rapide et faire évoluer les nymphes dans la basse couche, de la manière la plus ralentie possible (là réside toute la subtilité des pêches lourdes en zones rapides, trop souvent dénigrées à tort).
Par contre, dans les veines moins rapides et/ou plus profondes, il n'est pas toujours pertinent de chercher à pêcher creux d'emblée, en particulier les jours où les truites sont actives, les yeux tournés vers la surface. Elles ont souvent une forte propension "à monter sur les nymphes". Dans ce cas de figure, allonger la phase d'immersion du montage (entre le moment où il perce la surface et celui où il arrive au fond) est très judicieux. On pêchera donc légèrement plus léger pour y parvenir.
A l'opposé, pour des poissons apathiques, souvent postées dans des postes profonds, il faut ralentir au maximum la dérive pour les décider. Une pêche légèrement "sur-lestée" est alors préconisée. Elle permet également d'animer subtilement le montage en cours de dérive sans lui faire quitter le courant de fond, ce qui peut déclencher les poissons certains jours!
Lestage et diamètre de pointe
Dernier critère sur notre échelle d'importance, le diamètre de pointe influence (à la marge certes) le choix du lestage :
Nous avons déjà abordé la méthode de construction de la pointe dans un article dédié. Son diamètre est généralement imposé par les conditions de pêche (taille des poissons, encombrement des postes...).
Dans certains cas de figure, il est possible de descendre en diamètre pour favoriser la qualité de dérive : en effet, plus on pêche fin, plus on réduit l'effet voile du courant, plus il est possible de pêcher léger et donc de miniaturiser la taille des nymphes. Ceci revêt une importance particulière notamment pour la recherche de l'ombre commun ou lorsque les truites ciblent des proies minuscules.
Au contraire, les pêches spécifiques de gros poissons nécessitent des diamètres de fil plus importants (0.128 et plus) et donc des lestages légèrement plus lourds pour bien pêcher.

Nous venons de le voir, le "bon lestage" dépend d'un grand nombre de facteurs : ainsi, il arrive souvent que 2 pêcheurs utilisant des tailles de nymphe différentes obtiennent des résultats similaires, en rapport avec des ajustements différents de ces multiples paramètres.
Le bon choix est une affaire d'expérience : avec la pratique, les tâtonnements de vos débuts se raréfieront. Les pêcheurs les plus expérimentés parviennent à choisir la bonne taille de bille en un clin d'oeil, par une simple observation rapide des paramètres couple vitesse/profondeur, distance de pêche, position du point d'impact et diamètre de pointe. Pour ce qui est de l'humeur des truites, elle ne peut s'anticiper... à vous d'être attentif en cours de pêche!