La pêche en lac de montagne dans les Pyrénées espagnoles est un univers singulier accessible à tout un chacun. La somme à débourser pour aborder ces biotopes est modique et leur caractère intimiste ajoute une ambiance originale. Truites & Cie vous ouvre aujourd'hui les portes de ce paradis à portée de mollet, bien qu'il faudra lui consacrer une bonne dose d'exploration pour y dénicher ses perles rares. Partons ensemble en altitude, pour découvrir ces milieux armés d'une canne à mouche :
Un contexte particulier
L'halieutisme d'altitude s'est véritablement développé dans les Pyrénées au début des années 60, avec la mise en place des alevinages massifs (feu Didier Galop avait publié un fantastique article rétrospectif dans ces colonnes il y a plus de 5 ans maintenant).
Sur le versant espagnol de la chaîne, ces repeuplements ont pris fin il y a plusieurs dizaines d'années déjà, dans une volonté de conservation des biocénoses endémiques. Les truites que l'on rencontre aujourd'hui dans ces milieux sont des reliques de cette époque, parfaitement naturalisées. Elles bénéficient d'une exposition plein sud, et donc d'un climat moins rude que celui du versant français (quoique le changement climatique en cours tende à gommer ces différences...).Toujours est-il que les périodes de gel sont encore plus courtes chez nos voisins ibériques, ce qui a sans doute joué un rôle majeur dans la pérennisation des populations de truite au-delà de 2000m d'altitude.
Ainsi, alors que le peuplement salmonicole de la majorité des lacs pyrénéens français dépend toujours des apports exogènes des tournées d'hélicoptère, celui de leurs homologues espagnols est uniquement issu du recrutement naturel (autant dire d'ores et déjà que la majorité des plans d'eau espagnols est donc dépourvue de tout salmonidé!). Les fluctuations de population de truite au fil des ans sont donc comparables à celles que l'on rencontre dans nos rivières patrimoniales et inhérentes aux aléas environnementaux qui impactent directement la reproduction. Nous savons que l'hydrologie est le principal driver des populations de truites en rivière ; dans le cas des lacs de montagne, nous pouvons conjecturer que la qualité du fraie dépend aussi de l'hydrologie des tributaires à l'automne et de la longueur des périodes de gel par exemple.
Où trouver les bons lacs ?
La quasi totalité des lacs de montagne espagnols peuplés de truite se situe dans les provinces d'Aragon et de Catalogne. Il faudra donc en premier lieu obtenir les permis de pêche idoines avant d'y monter. Alors que la majorité des lacs d'altitude aragonais sont classés "libres" (ils sont donc accessibles grâce à la seule licence de pêche), leurs homologues catalans nécessitent la plupart du temps l'acquisition de cotos.
L'un des aspects les plus séduisant de la pêche en lac d'altitude espagnol réside dans sa confidentialité. La quantité d'informations facilement accessibles à leur sujet (comprenez en 2 clics sur internet...) demeure faible, même en 2025. Si vous abhorrez la foule et désirez fuir les rivières locales prises d'assaut, les lacs de montagne sont une véritable manne. Certes, les guides de pêche commencent à s'intéresser à ces endroits, mais le phénomène reste marginal. Près des sommets, les truites espagnoles sont peinardes.
Parmi les informations disponibles sur la toile, sachez que la plupart d'entre elles sont caduques. Mon ami Quentin et moi en avons fait les frais aux débuts de nos explorations, il y a une dizaine d'années déjà. A titre d'exemple, l'historique (et emblématique!) site https://www.lacsdespyrenees.com/ n'est pas du tout à jour quant au peuplement piscicole des lacs aragonais et catalans. La mention TF (pour truite fario) qui caractérise le peuplement piscicole de nombreux lacs était sans doute valable à l'époque où ils étaient alevinés mais la majorité d'entre eux s'est aujourd'hui vidée de toute forme de vie à nageoire....
Dans ce contexte, 2 solutions s'offrent à vous : fouiner (sur internet et devant votre carte IGN au 1/25 000) et accepter de partir un peu à l'aveuglette ou faire appel à un guide local. Dans le second cas, les options ne sont pas pléthoriques. Nous vous renvoyons vers notre partenaire francophone Viajes Pesca Mosca qui organise des séjours en altitude, notamment en terre aragonaise.
Ayant une inclinaison particulière pour l'indépendance et la liberté, nous avons de notre côté choisi l'autre alternative, celle de la débrouillardise. Attention, elle est (très) chronophage et énergivore (je ne compte plus les journées passées à avaler du dénivelée pour ne croiser aucune fario digne d'intérêt) mais drôlement gratifiante. Voici quelques billes pour vous faire gagner un peu de temps :
En premier lieu, n'accordez pas une importance démesurée à la présence ou pas d'un tributaire conséquent. Ce critère est secondaire (si si!). Lors de nos pérégrinations, Quentin et moi avons observé des poissons se préparer au frai au niveau du débouché de minuscules filets d'eau (j'en profite pour vous déconseiller la pêche de ces truites sauvages après la fin septembre : au delà des considérations éthiques, la pêche devient franchement mauvaise lorsque les poissons sont travaillés par les hormones). Je vous l'assure, certains de nos meilleurs lacs sont totalement dépourvus de tributaires et l'on s'est déjà demandé avec circonspection comment pouvaient faire les truites pour pérenniser leur population dans un milieu si peu compatible avec leurs exigences biologiques théoriques.
La meilleure façon d'opérer une première sélection "à distance" passe selon moi par la simple observation de photographies des lacs :
Privilégiez les plans d'eau aux berges herbeuses (elles sont riches en insectes et ressources nutritives en tout genre), à moins de 2500m d'altitude. Si vous ciblez les gros poissons, considérez également la taille et la profondeur du lac, bien que cette règle souffre de nombreuses exceptions. Les Pyrénées offre une multitude de séries de lacs : il est fréquent que les premiers d'entre eux soient habités alors que les plus élevés demeurent sans poisson (attention donc si votre itinéraire vous fait découvrir la partie amont du bassin versant en premier).
Une fois sur place, soyez attentif à la présence de vairon qui reste une source de protéine majeure pour les truites et gage de la présence de beaux individus.
Attention, si les randonnées homériques sont au coeur de votre approche de la pêche en montagne, il y a fort à parier que vous soyez déçu en explorant le versant espagnol : de par les caractéristiques topographiques évoquées juste au-dessus, les meilleurs lacs ne sont ni les plus haut, ni les plus durs d'accès!
Des zébrées, mais pas que...
Les bassins versants aragonais et catalans s'écoulant vers la Méditerranée, vous rencontrerez essentiellement des truites zébrées sur leurs extrémités amont... avis aux amateurs! Néanmoins, que les puristes ne s'enthousiasment pas trop, les robes des fario espagnoles ne correspondent pas toujours à de purs phénotypes méditerranéens : dans certains lacs, les truites domestiquées ont d'ailleurs des caractéristiques atlantiques. Dans d'autres, ce sont carrément des espèces différentes qui monteront sur vos sèches (je pense notamment aux splendides truites arc-en-ciel de Baborte et aux saumons de fontaine des lacs de Romedo). Cela dit, les morphotypes méditerranéens restent majoritaires et variés : faiblement ponctué, d'autres fortement ponctués de rouge, de noir...etc. Tenter de décrire l'origine des morphotypes que l'on rencontre dépasse largement le cadre de nos compétences et je ne m'aventurerai pas sur ce terrain glissant (d'autant que le lien entre morphotype et génétique est très flou en ce qui concerne la truite fario). Voici plutôt un petit florilège imagé des dames que vous croiserez :
Si on parlait taille ?
Au risque de heurter les plus sentimentaux d'entre vous, abordons quand même l'épineuse question de la taille des poissons convoités (eh oui, la taille et/ou le nombre des captures incitent les pêcheurs français à passer la frontière, autant ne pas occulter cet état de fait) :
Comme dans tout milieu où les salmonidés en présence sont issus du recrutement naturel, c'est le phénomène de densité dépendance qui façonne la population. Et les lacs aragonais et catalans n'échappent pas à la règle : plus les conditions de reproduction sont favorables, plus les poissons sont nombreux et plus leur taille est modeste. Durant vos pérégrinations, vous rencontrerez toutes sortes de populations : des rangs clairsemés à taille moyenne élevée, jusqu'aux plans d'eau littéralement remplis de poissons plutôt modestes...
Le meilleur lac que nous ayons découvert abritait une proportion assez incroyable d'individus de plus de 50cm... mais les journées de grande solitude y étaient aussi légion. Après avoir visité des dizaines d'autres pièces d'eau dans l'expectative d'approcher ce graal, nous avons du nous rendre à l'évidence : les meilleurs lacs qu'il est raisonnablement possible de rencontrer dans les Pyrénées espagnoles offrent des poissons d'une quarantaine de centimètres... ce qui est déjà plus qu'honorable!
Des approches à adapter au type de population
En lac d'altitude plus encore qu'en eaux vives, le choix de la technique est très personnel, notamment au niveau de la balance qualité de pêche vs rendement de la technique choisie (ces 2 caractéristiques étant souvent antinomiques...) . Pour nous, l'exotisme de ces sorties a coïncidé avec une volonté de pureté : exit les pêches sous l'eau, ce fut "en surface et à vue" ou rien... D'ailleurs cette stratégie sied parfaitement à la recherche des beaux poissons ; elle se révèle finalement la plus efficace dans les lacs à faible densité de truite. Cela revient à avaler un grand linéaire de berge sans pêcher, ce qui peut parfois conduire à passer à côté du sujet certes, mais cette approche possède d'autres vertus, en particulier le fait d'explorer vite et de visiter un maximum de lacs dans une journée, ce qui peut être un critère important si votre temps est compté...
L'immense avantage que procure l'eau claire et stagnante des lacs d'altitude est la facilité avec laquelle on peut les sonder : un seul tour de lac couplé à une observation minutieuse suffit souvent pour caractériser la population piscicole en présence.
Si vous apercevez d'emblée une multitude de poissons d'une vingtaine de centimètres patrouillant sous la surface, il y a fort à parier que les "jolis courants" plafonneront autour de 30cm. Evidemment, cela n'exclut pas la présence d'une anomalie statistique (les pêcheurs ne retiennent souvent que celle-là d'ailleurs, c'est pourquoi je suis toujours circonspect face à certains mythes concernant la taille des truites des rivières espagnoles, fin de la parenthèse).
Au contraire, si les truites se montrent plus discrètes (vous faisant même douter de leur présence), mais que vous observez quelques gobages disparates par-ci par-là, vous êtes peut-être en présence d'une pépite... surtout si des vairons sont présents!
Globalement, plus les densités sont importantes, plus le panel de techniques envisageables avec succès est grand. Au contraire, plus les densités sont faibles, plus il faudra chercher les poissons actifs. La pêche à vue est alors votre meilleure arme.
Au niveau de la technique de pêche à proprement parler, rien de bien révolutionnaire, même en terre ibérique : nous avons déjà consacré de multiples articles à la façon d'aborder les lacs de montagne à la mouche. Toutefois, retenez que les milieux espagnols sont assez riches en insecte (tant en variété qu'en quantité). Les éclosions d'éphémères et d'ecdyo sont fréquentes... ce qui peut fixer les poissons sur un type de proie en particulier... veillez donc à posséder un panel de mouches spécifiques mais aussi des modèles incitatifs à tag qui valent parfois mieux qu'une imitation approximative! En matière de fourmi ailée aussi (elles sont omniprésentes en août/septembre), il faudra souvent approcher le volume et la couleur exacts des insectes en présence, sous peine d'une crise de nerf!
Contrairement à nos habitudes françaises, nous nous sommes astreints à embarquer une épuisette lors de nos rando-pêche espagnoles... les beaux poissons étant fréquents, il est dommage d'allonger les combats en ferraillant lors des mises au sec.
J'espère vous avoir donné envie de troquer vos waders contre une bonne paire de chaussures de randonnée l'été prochain et partir à l'aventure dans un paradis encore méconnu... croyez-moi, à l'issue d'une journée près des cimes, les bravas et les butifarras locales sont encore plus savoureuses!
Bonne pêche en lac d'altitude espagnol!
Voyages de pêche guidés en lac de montagne espagnol
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Un avant-goût en vidéo :
