Pas de grève pour les torpilles

truite fario

La traque des truites est souvent déroutante. Des tas de paramètres entrent en jeux. Certains me dépassent totalement. Mais il y a une chose dont je suis convaincu, c’est qu’il faut passer de longs moments au bord de l’eau. Ça tombe bien, c’est ce que j’aime!

Texte

En ce jeudi 22 mars 2018 nous avons avec Nicolas un jour de relâche en commun. Il est en congés et moi je vais pouvoir profiter pleinement du mouvement de grève national. J’en profite pour remercier la CGT pour tous ces fabuleux moments passés au bord de l’eau. Le combat continue, ne lâchez rien. Il est tombé une bonne couche de neige dès 400 m en début de semaine. Celle-ci est entrain de fondre aux altitudes les plus basses. Les eaux sont glaciales et limpides sur tous les cours d’eau que nous avons l’habitude de fréquenter. Nous jetons notre dévolu sur un secteur abrité du vent. J’oubliais de mentionner au tableau des réjouissances que Éole souffle en plaine jusqu’à 110 km/h en rafales…

Nous insistons sur les secteurs ensoleillés et calmes. Mais comme nous le craignions, les mouchetées semblent absentes, la rivière vide... Nous enregistrons seulement deux attaques très timorées alors que le soleil est au zénith. L’après-midi est maintenant bien avancée. Il est 16 heures quand nous attaquons le dernier poste de la journée. Nos orteils sont cryogénisés, des gerçures apparaissent sur les doigts... Malgré la bonne humeur ambiante, il est temps de rentrer. Nous effectuons donc nos derniers lancés.

Mon poisson nageur coulant est déposé dans un secteur calme en bordure du courant principal. Le fond est propre alors je le fais doucement tressauter sur les graviers en le récupérant lentement. Un toc se fait sentir dans la canne. Le ferrage est instantané. Ce qui est au bout de la ligne est très lourd et ne bouge pas de la zone où a eu lieu l’attaque, c’est-à-dire à moins de 4 mètres de moi. Nicolas s’est rapidement porté à mes côtés. Il a vite compris qu’il s’agissait d’une très grosse truite. Nous voulons la voir alors je pompe un peu sur la canne pour essayer de la décoller du fond. Après quelques instants elle monte vers la surface pour nous laisser admirer sa robe et ses incroyables mensurations. Nous sommes sans voix. Puis la fario nous ramène rapidement à la réalité d’un énorme rush en regagnant le fond et en dévalant sur 40 mètres… Quelle puissance ! Notre adversaire est déterminé à se battre. Il se stabilise en aval de notre position, sous le flux principal. La lutte est acharnée. Les minutes s’écoulent et le poisson commence à se décaler durant les tractions. Lors d’une ultime tentative, il essaye de gagner un escarpement rocheux en berge opposée. La casse est évitée de justesse en le maintenant en surface. Il est difficile de ramener à nous une truite qui connaît chaque cache, chaque piège de la rivière et qui sait parfaitement s’aider du courant soutenu à cet endroit. Après un combat de tous les instants, Nicolas arrive finalement à saisir ce beau mâle.

S’en suivent une série de hurlements primaires ayant apeuré les hôtes de la vallée, y compris les créatures les plus sauvages. Nous retrouvons notre calme et prenons plaisir à contempler ce beau bécard. Ce redoutable guerrier regagne sa liberté après une rapide séance photos.

La sortie, qui s’annonçait comme être un capot retentissant, restera longtemps gravée dans nos mémoires. Pourquoi ce poisson là, si imposant, s’est-il attaqué à mon leurre alors que l’activité était jusqu’alors quasiment nulle ? Cela reste pour moi un mystère, comme il y en a de nombreux à la pêche…

 

Nous sommes, dans les médias spécialisés, submergés de photos de poissons magnifiques tous plus gros les uns que les autres. Mais, il faut garder à l’esprit que ces prises sont rares et qu’elles doivent être appréciées à leur juste valeur, comme des moments de réussite et de bonheur singuliers. Et si cette sortie a été sauvée in extremis, ce n’est malheureusement pas la règle. Savourons simplement cet instant en espérant qu’il se renouvelle.

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truite fario

A propos de l'auteur

Comme ses aïeux, Pierre pêche depuis tout petit. A ses débuts, suivant la tradition locale pyrénéenne, il procède au toc. Mais dès le premier contact avec un lancer, il…