Les charlots à la Salmo Trek 2022, part1 : Le vieux et l'éclopé

Salmo Trek

La Salmo Trek est une compétition organisée par la Fédération Française des Pêches Sportives depuis l’an dernier. Elle a lieu dans le département des Hautes Pyrénées, au cœur du massif du Néouvielle. L’épreuve se déroule sur 3 jours et réunit plus de 60 équipes de deux compétiteurs en autosuffisance totale. Mouche et leurre sont les 2 techniques autorisées. Le parcours parsemé de plus de 15  lacs, comporte points de passage et zones de bivouac obligatoires ainsi que des spéciales chronométrées qui apportent des points bonus au classement. Ce dernier se fait en additionnant la taille des salmonidés capturés en mm (mesurés grâce à une réglette fournie par l’organisation et postés en direct sur une application dédiée). Truites et ombles chevaliers constituent la majorité des prises du parcours, quoique quelques cristivomers aient été comptabilisés cette année…

L’histoire débute durant l’hiver, lorsque Simon, rédacteur en chef de Truite & Cie et pêcheur à la mouche, contacte Pierre, auteur contributeur de la rubrique leurre du webzine, afin de participer à la deuxième édition de la Salmo Trek… Les deux hommes sont passionnés de pêche en lac d'altitude et ont d'ailleurs écrits de nombreux articles sur T&Cie. La réponse de Pierre est immédiate : c'est oui. S'en suivront de longues heures d'appels téléphoniques quotidiens dans le but d’organiser l’épreuve aussi bien matériellement que stratégiquement… jusqu'au jour J… Nous verrons bientôt dans quelle mesure ces échanges furent fructueux...

Texte

Vendredi 1er juillet matin, 7h00 nous nous présentons au Col du Portet (2215m d'altitude) au-dessus de la station de ski du Plat d’Adet, point de départ de cette deuxième édition de la Salmo Trek. Nous récupérons nos dossards et vérifions que l’application MyFFPS fonctionne bien. Ce n’est pas le cas de celle de Simon, toujours malhabile lorsqu’il s’agit d’appréhender la technologie numérique, c’est donc Pierre qui devra poster via l’appli les prises et les points de passage obligatoires...

Image
Salmo Trek
Texte

Après le traditionnel briefing dispensé par Michel Polydor, le départ est donné. C’est une spéciale chronométrée jusqu’au lac de Bastan inférieur qui lance les hostilités.

Les compétiteurs, jeunes et athlétiques pour la plupart, partent vite, très vite, trop vite pour nous, pères de famille sur le déclin... Nous préférons les laisser nous doubler plutôt que d’essayer de tenir le rythme et payer plus tard des efforts précoces alors qu’aucune difficulté n’est prévue dans les premiers kilomètres, cette spéciale se déroulant sur un terrain plat.

Image
Salmo Trek
Texte

Il faut en garder sous le pied car le parcours qui nous attend est long (un peu trop à notre goût d’ailleurs, nous y reviendrons), d’autant que notre stratégie consiste à marcher beaucoup le premier jour (dans le but de valider les points de passage n°1, 5, 6, 7 et bivouaquer dans le secteur de Port Bielh au point n°4). Ce choix vise à mettre à profit d'une part la relative fraîcheur de nos organismes au sortir d’une semaine de repos, et d'autre part les températures prévues douces, au contraire de samedi et dimanche annoncés caniculaires. Une fois le plus dur accompli le vendredi en matière d’efforts physiques, nous  pourrons profiter plus sereinement de la pêche avec des distances de marche réduites lors des deux dernières journées.

Image
parcours Salmo Trek 2022
Texte

Nous ne connaissons que mal la zone de pêche, malgré quelques souvenirs de Simon qui traînait dans le coin armé de vairons et de montures Plasseraud au début des années 2000…  Une étude sommaire de la carte nous permit de distinguer d’emblée deux secteurs aux caractéristiques bien différentes : le Nord du parcours qui recèle de nombreux lacs d’altitude naturels peu étendus et le Sud est ponctué de trois grands lacs de barrage.

Les quelques infos fraîches glanées pour l’occasion (merci Yoyo et MD) couplées à notre pseudo science de la discipline nous conduisent à cibler les lacs naturels petits et moyens situés au-delà de 2100m, censés abriter de bonne densité de salmonidés… ils sont aussi réputés pour être plus réguliers que les grands lacs de barrages, toujours chronophages et aléatoire pour le pêcheur touriste. Néanmoins, ces derniers peuvent rapporter gros car ils sont peuplés de sujets de taille moyenne supérieure. Sous la légère pression de Simon et de son attrait pour la pêche des sardines dès qu’il s’agit de compétition salmo, nous avons joué la sécurité et jeté notre dévolu sur les salmonidés aux mensurations modestes du Nord pour espérer réussir cette épreuve.

Image
Salmo Trek
Texte

La journée de vendredi est très éprouvante pour nous. Dès la fin de la première spéciale chronométrée, Simon s’agace un peu car nous ne trouvons pas le premier point de passage à valider. La balise n’est pas à l’emplacement prévu sur la carte (la spéciale sera finalement annulée par l’organisation). Cela a des répercutions sur sa concentration et son attention. La sanction ne se fait pas attendre : il posera son pied gauche sur un endroit inapproprié et un  « crac » sec  tel qu’il a déjà connu lors d’une précédente blessure signe une entorse nette et sans bavure. Nous avons peut-être déjà tout perdu alors que nous n’avons même pas mis le moindre coup de ligne. Les semaines de préparation seraient-elles anéanties lors de la première heure de trek par une perte de sang froid ? Mais Simon s’accroche, il sait qu’il faut mobiliser la cheville lors d’une entorse alors il marche. Dès qu’il s’arrête, pour remplir sa gourde par exemple, il sent la douleur monter. Les descentes deviennent très délicates et il commence à culpabiliser. Son coéquipier, toujours flegmatique, se réjouit quant à lui de cette baisse de régime et rassure son compatriote : 3 jours de trek c’est long, et l’on n'est certainement pas au bout de nos surprises ; nous verrons bien demain matin, à froid, après la nuit de bivouac.

En milieu d’après midi, nous sommes au bout, cuits, rôtis… et nous nous faisons même doubler par le troisième âge en vadrouille lors de la re-montée au lac de l’Oule (sur la carte ci-dessus, c'est la retenue en aval immédiat du point de passage n°5).

« On est à l’agonie mesdames »

« Ohlalala ça se voit mes pauvres… »

La scène fera date.

Image
Salmo Trek
Texte

Les forces nous manquent, nos visages sont décomposés, nous sommes deux zombies qui errent dans le Massif du Néouvielle. Mais nous nous accrochons et rejoignons notre destination au mental.

Finalement, nous avons parcouru près de 40 km et 1500m de D+ en 10h30 le vendredi. D’autres ont accompli le même parcours en bien moins de temps (plus d’1h de moins pour le duo de choc Cabar/Favar). Pour cette première journée, nous nous serions passés de la descente à 1600m d’altitude et des 14 km aller-retour le long de la route goudronnée reliant le parking de L’Oule au barrage de Cap de Long. Ce n’est pas conforme à l’idée que nous nous faisions d’un trek en altitude, censé traverser des zones sauvages ou tout le moins, relativement préservées de l’emprise humaine… 

C’est un laquet de la zone Nord qui nous verra enfin débuter la pêche, à 19h45. Comme prévu, Simon pêche à la mouche et Pierre aux leurres, en respectant l’intervalle de distance maximal de 20m. Nous pensons ainsi avoir une grande complémentarité et selon les conditions rencontrées, pourrons cibler une des 2 techniques (nous avons pris 2 cannes mouches et 2 cannes leurres).

Nous trouvons la pêche après un petit quart d’heure d’exercice lorsque l’ombre produite par la descente du soleil couchant envahit le lac.

Simon tergiverse : la grande fatigue et sa blessure lui font connaître ce que l'on pourrait qualifier d'authentique naufrage halieutique. Il décroche et casse 6 poissons maillés lors de ce coup du soir, sans en faire valider un seul… Il faut dire que les truites mangent petit, ce qui nécessite des pointes ténues et des mouches miniatures. Mais ce n’est pas grave, nous sommes une équipe (la pêche peut être un sport collectif et c’est le cas lors de la Salmo Trek) et dans une équipe lorsque quelqu’un n’est pas au mieux c’est aux autres membres d’essayer de compenser.

En l'occurrence, c’est ce que fera Pierre (qui sait ce qu’est la solidarité au sein d’une équipe car il a plus de 20 ans de rugby à son actif) avec une réussite certaine : dans un moment de grâce (n'ayons pas peur des mots), le catalan enchaîne 5 truites maillées dont 3 spécimens entre 30 et 32 cm en l'espace d'une dizaine de minutes. Il pêche avec un Megabass Great Hunting Flat Side 70 qui se comporte merveilleusement dans les eaux peu profondes de ce lac sédimentaire.

Image
truite Néouvielle
Texte

Ces 5 truites ont sauvé notre vendredi.

Finalement, le bilan de la journée est plutôt correct. Nous avons réussi à respecter notre ambitieux plan de marche tout en ouvrant notre compteur points avec de jolies fario. Mais cette première journée ne pourra réellement être qualifiée de positive que le lendemain matin, en fonction de l'état de la cheville de Simon.

Nous avons aussi quelques craintes au sujet de notre état de fatigue déjà très avancé, les limites ayant été atteintes dès ce premier jour.

Dans ce contexte, le repas chaud du soir partagé avec les cadors Favar/Cabar est revigorant. Les jeunes comptabilisent déjà 9 truites, le match s’annonce rude !

A bientôt pour la suite !

A propos de l'auteur

Comme ses aïeux, Pierre pêche depuis tout petit. A ses débuts, suivant la tradition locale pyrénéenne, il procède au toc. Mais dès le premier contact avec un lancer, il…
Simon est né dans le département du Gers et a découvert la pêche à l'âge de 10 ans. Bien qu'initialement éloigné des rivières pyrénéennes qui lui sont chères…