Leurre : Et si vous passiez à la tresse ?

pêche truite tresse

Au début de la pêche de loisir, le seul type de ligne facilement disponible chez les détaillants était le nylon. Au cours des années 90, les tresses ont fait leur apparition dans les rayons. Simultanément, de nouvelles techniques telles que le leurre souple et les poissons nageurs de grande densité se sont développées pour venir compléter les traditionnels leurres métalliques, cuillère en tête. Le multifilament a conquis la presque totalité des pêcheurs au leurre du globe, seule une caste d’irréductibles truiteux semble encore faire de la résistance et préférer le « crin ». Le pêcheur de truite serait-il tellement traditionnaliste qu’il se refuse à profiter des progrès technologiques ? Car la tresse, de par ses propriétés, apporte des bénéfices indéniables permettant d’améliorer sa pratique, notamment pour les techniques modernes évoquées ci-dessus. A condition d’éviter certains pièges et de choisir un modèle adapté.

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Qu'est-ce qui compose une tresse ?

Contrairement au nylon ou au fluorocarbone qui sont des monofilaments, la tresse est composée de plusieurs brins tressés entre eux. Il s'agit généralement de polyéthylène UHMWPE (pour Ultra High Molecular Weight PolyEthylene), un plastique issu de la transformation du pétrole (encore un, mais il est aussi possible de l'obtenir à partir de ressources renouvelables). Peut-être que les termes Dyneema, Spectra, ou plus récemment Izanas, vous évoquent quelque chose? Ils sont parfois indiqués sur les paquets de tresse et correspondent à l'appellation commerciale de ces fibres selon les compagnies les fabriquant (Izanas est Japonais, Spectra vient des USA). Le polyéthylène est très résistant. Il est très utilisé, par exemple dans les gilets pare-balle, les implants chirurgicaux ou les équipements sportifs nécessaires à la pratique du ski ou du cyclisme. De cette conception particulière découlent des caractéristiques qui rendent le produit très adapté à la pêche au leurre.

Finesse et résistance

Le rapport diamètre/résistance de la tresse est le plus optimal de l'industrie des lignes pour la pêche. Un 13 centièmes affiche une résistance mécanique de 14lbs (6,5kg) alors qu'un nylon de 14 centièmes atteint tout juste 4 lbs (1,8kg). Ce dernier est donc presque 4 fois moins robuste… Le rapport de force est sans appel : à diamètre équivalent, un multifilament est beaucoup plus résistant qu'un mono. Cette grande résistance mécanique se double aussi d’une bonne résistance aux nœuds.

La tresse est donc toute indiquée pour les pêches fortes. Mais la borner à la recherche des grosses truites sur les lacs ou les cours d’eau les plus importants serait une erreur. En effet, son surcroît relatif de solidité permet aussi et surtout d'affiner sa ligne, ce dont découlent plusieurs avantages dont les plus prégnants sont les suivants :

  • L'augmentation des distances de lancer (une ligne de faible diamètre pénètre mieux l'air et diminue les frottements et donc les résistances avec les anneaux de la canne). La tresse est la reine des pêches à longue distance y compris avec des leurres légers dont elle facilite l’emploi (un leurre peu lourd se propulsera plus facilement avec une ligne plus fine). Elle est une évidence en lac d’altitude.
  • Un meilleur contrôle de la bannière, moins parasité par un éventuel ventre, la ligne fendant mieux l'eau et l’air. Ce phénomène est renforcé par la légèreté de la tresse. Pour le même poids, les lignes tressées ont 1/3 du diamètre des lignes en nylon ou fluorocarbone. Les pêches profondes s’en trouvent facilitées. De ce fait, la tresse est recommandée lorsqu’il est envisagé d’explorer les abysses les plus profonds à l’aide de métal jigs, ondulantes ou leurres souples.
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Une élasticité très réduite

Si le polyamide (nylon) a un allongement à la rupture conséquent, la tresse a une élasticité bien plus faible. J'ai voulu quantifier cette observation que nous avons tous pu faire en évaluant l'allongement avant rupture de mes lignes. Je retrouve exactement les chiffres annoncés par les fabricants, un allongement de 20% pour le nylon et de 3% pour les tresses. Cela se traduit par des échantillons de ligne d'1 m qui s'étirent à 1,20 m pour les monofilaments et à 1,03 m pour les multifilaments. Les produits mesurés étaient les suivants (neufs jamais servis) :

  • Ultimate Fishing PE LINE X8 #0.8
  • YGK G-soul Upgrade PE X8 #0.8 + #1 + #1.2
  • YGK Bassolo X4 #4 40lb
  • Sufix SFX 0,12mm 2,8lb
  • Asso Ultra 0,12mm 3,5lb.

Pour arriver à casser une tresse, dont nous avons vu que la résistance est largement supérieure au monofilament, il faut vraiment lui tirer très fort dessus, plus fort qu'une truite ne le fera jamais. Il est logique qu'un bas de ligne qui cédera à 6 ou 8lb de tension (cela correspond environ à un 20 centièmes pour le 6 lb et un 24 centièmes pour le 8lb) ne permet pas à une tresse qui affiche 12 à 16lb de résistance (PE 0.6 et 0.8) de s'étirer à plus de la moitié de ses capacités.

En fait, lorsque nous sommes en action au bord de l'eau et que nous pêchons notre salmonidé préféré, nous pouvons considérer que l'allongement de la ligne tressée est très faible, de l'ordre de 1 à 1,5% grand maximum (de 1 à 1,5cm par mètre), car elle ne subit jamais une contrainte suffisante pour approcher sa zone de casse mécanique et donc les 3% évoqués au début du paragraphe. Il arrive de rompre la tresse mais du fait de l'abrasion. En cas de casse mécanique, c'est presque systématiquement au niveau du bas de ligne ou du nœud de raccord que la rupture a lieu.

Il découle de cette quasi absence d’étirement un excellent retour d’information ligne tendue. La lecture du fond, la transmission des touches et des mouvements du leurre sont décuplés par rapport à un nylon. La tresse est indispensable pour les pêches au leurre souple (pour plus de détails, vous pouvez consulter mon article concernant cette technique ici). Néanmoins, un multifilament est aussi très intéressant quand des leurres durs sont employés. En effet, en ne s’allongeant pas, il permet d’animer plus sèchement et plus précisément un poisson nageur que n’importe quelle autre ligne qui amortirait les gestes du pêcheur de par son élasticité et limiterait les écarts de nage de l’artifice. Et lorsque les truites veulent de l’agressivité, il faut leur en donner ! Vous ne ferez jamais aussi bien darter un jerkbait qu’avec de la tresse, surtout à longue distance ou en pêche vers l'amont, là ou un nylon serait pratiquement inefficace, même au prix d’une débauche d’énergie et d’une gestuelle d’une amplitude comparable à celle d’une majorette en pleine représentation.

Il est bon de préciser qu’une ligne tressée a une absence de mémoire de forme. Elle ne vrille pas et ne perruque pas autant qu’un monofilament. Aussi, sa durabilité est bien plus longue et il est même possible de la retourner dans le moulinet si nous jugeons qu’elle s’est effilochée ou qu’elle s’est trop décolorée. Et nous nous retrouvons alors avec une tresse complètement neuve… sans débourser un Euro ! De quoi mettre un peu de baume au cœur en cette période d’inflation galopante.

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Gestion des combats : trouvez votre équilibre

L'absence d'élasticité de la tresse est souvent mise en avant pour expliquer les décrochages que certains ne subissent que trop en pêchant la truite. Je ne suis pas convaincu par ce raisonnement et je vais essayer de vous expliquer les causes de ma perplexité.

Il y aurait une sorte d'exception pour ce salmonidé, poisson qui aurait une défense différente des autres espèces ichtyologiques pour lesquelles l'usage de la tresse est presque monopolistique (parfois à tort). Le problème de la décroche avec une ligne multifilament ne se pose pas et ne s'est jamais posé pour les carnassiers, y compris lorsqu'ils sont recherchés avec des techniques proches de celles employées pour la truite (poisson nageur, leurres souples etc…). Une truite ne donne pas plus de coups de têtes, ne fait pas plus de chandelles, ne combat pas plus violemment qu'un brochet, un sandre, une perche, un loup/bar, un tassergal ou que sais-je encore. Ce serait même plutôt l'inverse, la truite étant relativement placide par rapport à certains des sujets évoqués juste au-dessus. Sa gueule peut être considérée comme plus dure, et donc plus difficilement pénétrable, que certaines des espèces citées… mais moins que d’autres.

En fait, ce sont surtout les petites truites qui sont sujettes au décrochage car elles conjuguent deux facteurs qui ne permettent pas de bien ancrer le ou les hameçons dans la gueule et favorisent l'arrachage de ce(s) dernier(s) : leur faible poids sur la ligne et le fait de frétiller dans tous les sens lorsqu'elles sont piquées. Je le dis clairement : si vous pêchez les petits spécimens proches des têtes de bassin, utilisez du nylon. Aussi, si vous êtes un amateur de cuillères tournantes, spinners, crankbaits et autres minnows ramenés au moulinet de façon linéaire, restez sur ce même type de ligne, quel que soit le milieu ou vous exercez. Pour ces pêches ne nécessitant pas d’animation, la bannière est tendue comme un arc en permanence. Les poissons ont, de fait, du mal à aspirer et engamer l’artificiel. Ici, la propension du polyamide à s’étirer favorise la prise en gueule par le prédateur. Cela peut paraître minime, mais en action c’est flagrant : la proportion de touches concrétisées est accrue avec du nylon pour ces leurres qui tirent très fort sur la ligne.

Par contre, pour les autres cas de figure, la tresse s'avère un choix judicieux et son étirement très limité finalement un vecteur d'optimisation des ferrages. En effet, lorsqu'un poisson se saisit du leurre et que le pêcheur fait le geste de ferrer (ou ne le fait pas, les truites pouvant se ferrer toutes seules) la pointe de l'hameçon en contact avec ce dernier aura plus de puissance pour pénétrer les chairs avec une tresse qui ne s'étire pas qu'avec un nylon qui s'allonge. Et le ferrage est une étape clef du combat et de sa réussite finale. Un poisson bien piqué a plus de probabilité de rejoindre l'épuisette qu'un poisson qui l'est mal, c'est évident. Sur des touches courtes, il arrive que le poisson ne se pique pas. Ce n'est pas le corps de ligne tressé qui est en cause (d'ailleurs, il y a fort à parier qu'avec un nylon, le pratiquant n'aurait peut-être même pas senti la touche) mais plutôt l’attitude du poisson qui a tapé timidement, bouche fermée. Son manque de conviction peut découler de différents facteurs dont l'évocation exhaustive serait trop fastidieuse (poisson très éduqué ou apathique / passage imprécis de l'artificiel / mauvais choix du leurre et bien d'autres encore)

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Ensuite, vient l'étape du combat à proprement parler.

La truite est bien piquée grâce à la tresse et au leurre que vous avez judicieusement choisi et bien présenté. C'est le moment d'adopter une gestuelle appropriée, garante de la mise à l'épuisette du poisson, surtout si sont employés des poissons-nageurs, leurres avec lesquels les décrochages sont les plus fréquents. Le bras tenant la canne effectue des mouvements posés, progressifs, sans brusquer le poisson mais en restant ferme et en maintenant la ligne en tension. J'ai pu remarquer que plus le pêcheur va tenter de ramener son adversaire avec vigueur et autorité, plus ce dernier va se défendre énergiquement en mettant de gros coups de tête. C'est exactement ce qu'il faut éviter car les coups de tête sont le facteur le plus favorable aux décrochages. La truite sera beaucoup plus conciliante en faisant preuve de souplesse. En agissant ainsi, il arrive même parfois que cette dernière ne comprenne vraiment ce qui lui arrive qu'une fois près de la berge, lorsqu'elle voit le pêcheur ou les mailles du filet circulaire. Les chandelles sont aussi des moments critiques. Baissez le scion de la canne au ras de l'eau et diminuez la tension dans la ligne (sans la supprimer) pour maintenir entiers vos espoirs de mise au sec. Le problème d'un ancrage aléatoire de l'hameçon est bien moins présent avec des leurres souples montés sur têtes plombées. Il est possible d'être bien plus dominateur et expéditif avec des softs.

L'attitude du pêcheur lors du combat est donc importante et cela est valable quelle que soit la ligne employée. Mais ce dernier peut aussi compter sur d'autres composantes de son matériel pour compenser l'absence d'élasticité de la ligne tressée et notamment choisir une canne adaptée. C'est au niveau du blank que tout se joue. Il doit être souple sur le poisson, plier profondément pour amortir les rushs, coups de têtes et autres chandelles, tout en ayant suffisamment de réserve de puissance en approchant de la poignée. Ici aussi, la progressivité est importante et la tige de carbone ne doit pas présenter de point dur en flexion. Mais attention, la canne doit permettre de pouvoir animer efficacement les leurres employés. Elle doit donc courber franchement sur le poisson tout en étant ferme et surtout rapide en animation. Ces propriétés peuvent sembler antinomiques mais, moi qui monte mes cannes, j'arrive à trouver des blanks qui conjuguent ses qualités. D'ailleurs c'est une tendance assez actuelle chez les fabricants de proposer de plus en plus de blanks plaisir qui plient sur le poisson (il ne s'agit pas forcément de cannes réservées à la truite mais plutôt de matériel à leurre générique).

Un autre composant du matériel permet de gagner en souplesse et progressivité, le moulinet. Je vois trop souvent de pêcheurs de truites pratiquants avec des freins de combat serrés. C'est une énorme erreur. Dans l'objectif de mettre au sec sa prise, le moulinet doit bien évidemment garder suffisamment de résistance pour ramener le poisson, mais il doit aussi et surtout rendre de la ligne lorsque le poisson se débat. Il est donc primordial de régler son frein de combat de façon précise et d'adapter son réglage en fonction de la taille et de la défense de l'adversaire lors du combat.

C'est ainsi que j'ai trouvé mon équilibre, en pratiquant avec de la tresse, une canne progressive, un moulinet au frein de combat peu serré et en ayant une gestuelle adaptée. Je décroche de cette façon très peu de truites (je pense avoir un taux de décrochage compris entre 5 et 10% au grand maximum, pas plus), que mes hameçons soient des simples, des triples, qu'ils soient forts ou fin de fer et qu'ils comportent ou non des ardillons…

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Des moulinets développés pour la tresse

Depuis quelques années maintenant et pour répondre à la demande grandissante des pêcheurs au leurre, les fabricants proposent des moulinets aux contenances réduites spécialement adaptés à l'emploi de la tresse et à son faible diamètre. Les références de ces articles se voient souvent affublés d'un S pour Shallow (peu profond en français). Leurs capacités de stockage est généralement de 130 à 200 m de tresse en PE 0.6, 0.8, ou 1, ce qui correspond aux longueurs que nous retrouvons généralement dans le commerce après conditionnement. Cela évite de piquer en douce la laine de mamie pour mettre en place un backing dont l'épaisseur est toujours difficile à calculer afin que la ligne affleure presque la lèvre de la bobine et qu'ainsi les distances de lancer ne soient pas limitées par un rebord de tambour trop proéminent. Aussi, le procédé d’enroulement croisé qui équipe les moulinets actuels a été développé pour la tresse et éviter qu’elle ne se pince dans le tambour du fait de sa plus grande finesse que le monofilament.

La polyvalence (avec un bas de ligne en fluorocarbone)

J'évoquais plus en amont, dans ce que l'on pourrait qualifier de plaidoyer pour la tresse, que l'absence d'élasticité pouvait être une qualité et comment s'en accommoder. Mais alors, cette ligne multifilament n'aurait-elle presque aucun défaut rédhibitoire lorsqu'elle est employée sur la truite?

Les lignes tressées ont une excellente résistance à la traction (on l'a vu) mais une faible résistance à l'abrasion (il existe des modèles plus solides à la coupe mais ils ne sont pas adaptés à la truite car ils glissent mal et leurs diamètres sont trop importants). Aussi, la tresse n'est pas transparente comme peuvent l'être certains monofilaments. Cette coloration est très pratique pour suivre sa ligne hors de l'eau, mais elle impose une adaptation pour garder une discrétion indispensable afin de cacher la ligne de la vue des truites qui est très performante. Ces deux problèmes, abrasion et visibilité, sont résolus par une solution largement employée : un bas de ligne en fluorocarbone.

C'est le produit sur le marché le plus discret et le plus résistant à l'abrasion. La longueur de ce dernier est à adapter en fonction de la turbidité de l'eau (court dans une rivière en crue, soit 1 mètre ou moins ; à long dans les milieux limpides des lacs d'altitude, soit 2 mètres minimum) ou des risques de coupes en milieux accidenté (dans ce cas il faudra aussi augmenter le diamètre). L'alliance de la tresse et du fluorocarbone est à mes yeux l'association qui permet de répondre à la quasi-totalité des problématiques rencontrées au bord de l'eau par le pêcheur moderne de salmonidés aux leurres. Et les quelques défauts évoqués jusqu'à présent se sont transformés en qualités… Je vous conseille d'utiliser un modèle spécialement développé pour confectionner des bas de ligne. Ils sont souvent conditionnés en petites longueurs (environ 25-100m) et ont des qualificatifs assez variés ("leader" "shock leader" "hard"...).

Je profite de ce passage sur le fluorocarbone pour indiquer qu'il existe une autre alternative, les fluorocarbones "spoolables", conçus pour remplir le moulinet et être utilisés en corps de ligne. J'ai essayé sur la truite par le passé mais cela ne m'a pas convaincu. A l'emploi, ce type de mono reste proche du nylon. Par rapport à ce dernier, il diffère par le fait qu'il est bien plus sonore, semble s'étirer un peu moins et est plus raide, ce qui lui confère malheureusement une aptitude à foisonner d'avantage. Il est aussi lourd et crée un ventre si beaucoup de bannière est sortie. Je l'utilise pour certaines pêches du black-bass mais l'ai abandonné sur les salmonidés, préférant la tresse dont les différences avec le monofilament sont plus radicales.

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Le choix de votre tresse

Diamètre, résistance, nombre de brins… de multiples paramètres entrent en compte dans le choix d’une tresse. Commençons par étudier le nombre de brins. Les tresses comportent des filaments tissés entre eux dont la quantité varie en règle générale de 4 à 12, voire plus. Je n’aborderai pas les lignes de plus de 8 brins que je n’ai pas testées du fait de leur récente apparition sur le marché et de la satisfaction que j’éprouve avec les produits que j’emploie actuellement. Les modèles les plus distribués sont composés de 4 et 8 filaments. Pour une application spécifique à la truite, je vous recommande d’utiliser une tresse 8 brins. Plus ronde, plus lisse, elle glisse mieux dans l’air (les distances de lancer sont augmentées, ce qui peut être intéressant dans les grands milieux) et fend mieux l’élément liquide, ce qui est d’autant plus adapté lorsque sont utilisés des leurres ou des plombées légères qui sont particulièrement appropriés à la recherche des salmonidés.

Aussi, elles sont plus souples, moins vibratoires et plus silencieuses. Il y a quelques années, lorsque les premiers multifilaments sont venus garnir les étals des magasins de pêche (essentiellement des 4 brins), les adeptes du nylon qui tentaient de trouver des arguments en défaveur de la tresse, essayaient d’expliquer que ce type de corps de ligne « vibrait » et que les poissons les plus méfiants s’en rendaient compte et boudaient alors les leurres placés au bout (leurres qui, il faut le rappeler, vibrent, brillent et font du bruit). Je suis persuadé que ces personnes essayaient d’expliquer leurs mauvais résultats ainsi alors que la clef de la pêche était cachée ailleurs, mais trop bien cachée... Depuis, bon nombre de ces individus sont passées à la tresse. Cette conversion a été favorisée par l’apparition de nouveaux produits de grande qualité, bien souvent composés de 8 brins. En fait, les 4 brins ont pour seul avantage d’être plus résistantes à l’abrasion. Cependant, même lorsque le risque de coupe est très présent, je préfère rester sur une 8 brins mais allonger et augmenter le diamètre du bas de ligne en fluorocarbone, c’est encore ce qui est le plus efficace pour limiter l’effet des obstacles tranchants et cela permet de conserver les avantages d’une 8 brins.

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Nous avons vu plus haut lors du passage sur la très faible élasticité de la tresse, que sa résistance est bien largement suffisante pour pêcher la truite. Il n’est donc pas nécessaire de s’attarder sur cet aspect. Par contre, s’il est bien un paramètre qui mérite toute l’attention du pêcheur pour un choix judicieux, c’est le diamètre du multifilament. Le problème est que nous pouvons trouver tout et n'importe quoi d'afficher sur les boites de tresse lorsqu'il s'agit de donner les côtes du produit. Certaines marques affichent des tresses de soi-disant 6 centièmes qui en font en réalité facilement 15… Ce dont je peux témoigner de par mon expérience, c'est que les marques qui sont les plus honnêtes et auxquelles je fais confiance proviennent du Japon. Au pays du soleil levant, le diamètre en millimètres ou centièmes est rarement indiqué, la mesure de référence pour les lignes de pêche étant exprimée par un indice souvent précédé ou suivi de la mention PE. Qu'est-ce que ce fameux PE qui fait référence en matière de tresse?

Le PE est un indicateur de masse linéique (qui évalue le poids par unité de longueur) créé par les fabricants japonais. Il émane du denier, ancienne unité de mesure du titrage des fils qui était très utilisée dans le domaine du textile. En découle une échelle permettant d'apprécier et de comparer plusieurs lignes, la solidité de ces dernières étant proportionnelle. Ainsi, quand l’indice PE double, la résistance fait de même (à quelques livres près). Sur le vieux continent, nous mesurons le diamètre de nos lignes. Quand le diamètre double, la résistance quadruple. C’est une autre approche. Mais comment nous, pauvres européens qui mesurons la ligne droite qui va d'un point de la circonférence d'un cercle à un autre point en passant par le centre, pouvons-nous y retrouver devant ce jargon nippon qui lui se base sur le poids de la ligne ? Eh bien grace à ce tableau de conversion :

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Tableau indicatif de correspondance PE / millimètres / centièmes
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Les fabricants nippons de tresses communiquent de telles nomenclatures. Ils y indiquent ces mêmes valeurs ou des valeurs un peu plus élevées. Cela peut dépendre du fabricant et de la gamme de tresse. Sur le tableau ci-dessus, on remarque que pour obtenir le diamètre du fil exprimé en millimètres il faut prendre la racine carrée du PE et la multiplier par 0.165. J’ai ensuite converti la valeur obtenue en centièmes pour que ce soit plus parlant pour certains d’entre-nous plus habitués à cette unité de mesure.

Ces valeurs sont indicatives, la correspondance entre l'indice PE et le diamètre étant assez variable. En fait, l'indication en millimètres/centièmes du tableau est bien souvent la plus fine que l'on puisse constater pour l'indice donné. Les firmes japonaises admettent que le chiffre indiqué est correct s'il n'atteint pas la valeur supérieure. Ainsi une 0.6, au diamètre indicatif affiché dans le tableau de 12,8 centièmes pourrait dans les faits être mesurée à 14,7 centièmes, diamètre proche de l'indice 0.8 (à 0,1 centièmes).

S'il est parfois légitime de débattre sur le diamètre réel d'un bas de ligne lorsque le pêcheur essaie de le rendre le plus discret et donc le plus fin, ici, le relatif manque d'exactitude est bien moins important car nous sommes face à un corps de ligne qui sera éloigné de la vision du poisson et qui restera malgré tout extrêmement fin. Gardez toujours à l'esprit que cette fameuse PE0.6 nippone de presque 15 centièmes réels à de fortes chances d'être plus fine que certaines tresses affichées 6 centièmes dans l'hexagone… Enfin, je conclurai se paragraphe par un parallèle avec la pêche à la mouche, technique pour laquelle la discrétion est primordiale et dont les pratiquants se fichent pas mal du diamètre de la soie qui, elle aussi, a un numéro qui mesure le poids d'une section de la ligne, comme la tresse. Alors à quoi bon épiloguer pour 1 ou 2 centièmes de millimètres?

Outre ses origines, l'emploi de cet indice peut se justifier aussi par le fait qu'il est difficile de mesurer une ligne composée de multiples filaments. Cette dernière n'étant pas parfaitement ronde, le diamètre peut varier selon la localisation de la mesure. De plus, les brins sont plus ou moins serrés selon le procédé de fabrication. Il y a de fait plus ou moins d’espaces libres entre les filaments, ce qui peut avoir des conséquences sur le diamètre mesuré selon qu'il est évalué au palmer (la ligne est compactée et les interstices réduits) ou au projecteur (les vides restent présents). Enfin, je ne suis pas un spécialiste des procédés industriels, mais je suppose qu'il est beaucoup plus facile de fabriquer un monofilament qui respecte un diamètre prédéfini que d'assembler de multiples brins tressés entre eux afin de tendre vers cette même valeur. Les contraintes de fabrication et les coûts qui en découlent doivent être bien supérieurs alors que, finalement, la mesure est équivalente et la marge d'erreur limitée.

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Maintenant que nous avons levé le voile sur l'indice de référence pour la mesure de la ligne, attardons-nous sur le choix du PE destiné à une application "truite". Bien que nous utilisions des leurres plutôt légers pour lesquels une tresse de faible indice est recommandée, le fait que nous pratiquions dans des milieux souvent encombrés riches de multiples zones saillantes (blocs, branches, racines, ronces…) engendre un trop gros risque de casse liée à l'abrasion sur les PE dont la finesse est extrême. Ainsi, les lignes jusqu'à 0.5 sont vraiment réservées aux plus expérimentés qui ont des usages très spécifiques en ultraléger dans des endroits dégagés et relativement propres, par exemple en aréa. Ces multifilaments hyper fins imposent une retenue et une concentration de tous les instants que, personnellement, je n'ai pas toujours. Je tiens aussi à préciser qu'ils peuvent nécessiter parfois des nœuds de raccord originaux et une grande application dans leur réalisation pour éviter des casses lors d'accrocs ou de ferrages un peu trop appuyés.

Pour une application plus ordinaire, c’est-à-dire la prospection de rivières et plan d'eau petits à moyens, je ne peux que vous conseiller d'utiliser à minima une PE 0.6. C'est fin (environ 13 centièmes), mais avec nos équipements à salmonidés, c’est-à-dire une canne assez souple de faible puissance et un moulinet au frein très progressif, ça doit passer sans trop d'encombres. Le choix d'une #0.8 est peut être celui de la sérénité. La tolérance en cas d'erreurs du pêcheur sera plus grande. C'est cet indice que j'emploie si le spot est scabreux (c'est souvent le cas) et les poissons de belle taille présents. L'emploi de PE 1 et 1.2 est tout à fait envisageable pour la recherche des spécimens les plus imposants avec des cannes plus puissantes et des leurres conséquents, à partir de 9 centimètres environ. Je rappelle qu'une tresse d'indice 1.2 ne fait que 18 ou 20 centièmes. Les valeurs de PE supérieures n'ont pas d'intérêt sur les pêches de la truite que nous pratiquons habituellement.

La tresse est donc une ligne tout à fait adaptée à la recherche des salmonidés aux leurres. Finesse, résistance, sensibilité, polyvalence… ses atouts sont nombreux. Il est bon aussi, à l'heure où de plus en plus de pêcheurs relâchent leurs prises, de préciser l'importante de la résistance de la ligne dans une bonne pratique du no-kill. Plus une ligne est solide, plus le pêcheur peut abréger le combat et relâcher un poisson en bonne forme. Et de souligner une petite contradiction dans la législation que certains mettent en place en interdisant l'ardillon (alors que cela n'a aucune conséquence sur la survie du poisson) mais sans légiférer sur l'emploi de lignes de faibles résistances qui prolongent les combats potentiellement fatals pour la truite, qui plus est dans des eaux ayant tendance à être de plus en plus chaudes avec le dérèglement climatique. [Que ce soit bien clair : je ne veux pas interdire les pêches en 8 centièmes, ni les ardillons, ni rien ; je suis favorable à ce que chacun ait la liberté de pêcher selon sa pratique préférée.]  Alors, en cette saison 2023 qui va bientôt débuter, êtes-vous prêts à passer à la tresse?

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Vous êtes lecteur de Truite & Cie. Vous devez donc être perspicace. Vous remarquez sur cette photo une truite fraîchement sortie de l'eau avec un PN armé de triples. Comme vous êtes ouvert d'esprit et que vous savez ce qu'est la pêche, la vraie sur le terrain, vous ne criez pas au viandard irrespectueux du poisson. Puis, en y regardant de plus près, vous voyez deux lignes de diamètres différents et une mouche au coin de la gueule. Le PN était monté sur un fluorocarbone de 20 centièmes d'une résistance de 6 livres. La truite a été sortie en quelques secondes. Elle est repartie vigoureusement après photographie. La mouche était nouée à un nylon bien plus fin, d'environ 10 centièmes et de résistance autour de 2 livres. Le pêcheur a cassé à la touche, 1 m au-dessus de son imitation (j'ai pu parler avec lui. Cela peut paraître fou pour certains, mais je pêche aux leurres et parle aux pratiquants d'autres techniques,  même à ceux employant des appâts naturels, c'est vous dire mon grand degré de tolérance!). Ce sont des choses qui arrivent. Je n'ai pas demandé à ma fédé d'interdire la pêche avec des lignes de résistance inférieure à 3 livres. Toutes nos pratiques de pêche des salmonidés sont critiquables, aucune n'a à être stigmatisée ou pire, interdite. Nous sommes partie prenante d'un système encore démocratique, essayons d'éviter des mesures s'apparentant à du totalitarisme halieutique.

A propos de l'auteur

Comme ses aïeux, Pierre pêche depuis tout petit. A ses débuts, suivant la tradition locale pyrénéenne, il procède au toc. Mais dès le premier contact avec un lancer, il…