Les charlots à la Salmo Trek, part 3 : marche à l'omble

Salmo Trek

Pour ce dernier jour de la Salmo Trek 2022, l’objectif est simple : boucler le quota omble si laborieusement débuté la veille pour empocher 500 points de bonus et rentrer dans les délais... L’heure limite étant fixée à 17h30 par l’organisation, nous devons étudier la carte pour évaluer le temps de marche nécessaire pour rallier l’arrivée depuis le lac de Port Bielh, théâtre de notre tâche du jour…

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Le frugal petit déjeuner est vite avalé en ce dimanche matin de juillet. La journée s’annonce brûlante, il fait presque chaud lorsque nous quittons le bivouac à la pointe du jour. Pierre entre en piste, c’est sur ses solides épaules que repose notre entreprise du jour. Simon lui, sera là pour le soutenir, lui remplir sa gourde, et éventuellement racler à la mouche une ou deux truites sur les bordures des postes de Pierre.

A l’heure légale du début de pêche, le poste de la veille au soir est libre. Pierre y effectuera son coup du matin et rentrera 2 ombles supplémentaires, portant le score à 6. Nous sommes encore loin du quota à 10 mais chaque poisson compte sacrément vue la difficulté pour les acquérir... Il semblerait qu'aucun autre compétiteur sur la zone ne fit un omble en ce dimanche matin...

De fait, c'est le troisième jour que ce lac est pêché et les 130 compétiteurs de la Salmo Trek s'y sont arrêtés. C'est un endroit stratégique car les ombles y sont en grande densité et peuvent donc en théorie rapporter des points facilement. Le plan d'eau fut littéralement bombardé les deux premiers jours. Il fallait voir et entendre les escadrilles de leurres métalliques fendre l'air avant de s'abattre dans l'eau. On se serait cru sur un champ de bataille (ou en Ukraine). Certains pêcheurs ont très rapidement bouclé le quota entre vendredi et samedi matin. Il semblerait que nos cibles à écailles aient compris la musique et soient devenues bien plus méfiantes vis-à-vis des leurres.

Au bout de presque 2h de pêche sur la zone, Pierre trépigne et commence à s’agacer face au non-intérêt de son labeur… il choisit de changer de zone. Pendant ce temps, Simon étudie la situation : selon la carte, le temps de marche ne devrait pas excéder 4h. En prenant un peu de marge, il faudrait raisonnablement quitter les lieux vers 13h.

Une brève tentative hasardeuse sur une fosse indiquée par un concurrent et nous nous retrouvons sur la rive opposée parsemée d'éboulis. Arrivés sur la zone, nous saluons un confrère non compétiteur entrain de cartonner les ombles avec un vairon habilement manié…

« C’est la pisciculture ce lac. J'ai dû en faire une centaine ce matin... »

(regards désappointés de nos 2 pêcheurs)

Parfois, rien ne vaut le naturel, surtout après le déluge de métal en tout genre (ondulante et métal jig pour l'essentiel) qu'a connu le lac la veille et l'avant-veille.

Un peu interloqué, Pierre ne s’avoue pas vaincu pour autant et s’inspire de notre compère en présentant ce qui peut se rapprocher le plus possible de son morceau de viande : un leurre souple animé en dent de scie (un Sawamura One Up Shad 3 - 061 Rainbow Trout sur tête plombée Decoy SV 34 - H - 5 G).

Quelques minutes plus tard, la tentative est couronnée de succès… Après une tape timide, le salmonidé se décide à engamer plus franchement le montage proposé. Un septième omble, toujours aussi maigre et apathique, vient rejoindre ses collègues sur l’appli. C'est le plus long de ceux capturés par les T&Cie boys puisqu'il s’étire sur 26,5cm.

Simon, dont vous entendez peu parler depuis le lever du jour, ne s’est pas pour autant endormi sur un bloc et incite son camarade à se décaler progressivement vers l’arrivée d’eau toute proche (les joies de la pêche « à une distance maximale de 20 m de son binôme »). Il y expédie un petit terrestre sombre et rentre une nouvelle fario de 25 cm. Un petit moment de quiétude au cœur d'une matinée terrible pour les nerfs...

Tous les pêcheurs ont quitté les lieux depuis belle lurette. Les commissaires font de même, les laissant seuls sur les berges du lac. La pression ne cesse de croître d'autant plus que de nombreux compétiteurs ont affirmé que "tous les binômes du top ten ont fait le quota omble."

Depuis le début de la matinée, 3 prises maillées se sont décrochées alors que jusqu'à présent, Pierre connaissait un 100% de réussite. S'il avait eu les cheveux de l'hirsute Simon…

Un nouveau salmonidé au ventre rouge rejoint péniblement la boite à pixels vers 13h, heure correspondant à l'échéance que Simon avait fixée pour rentrer, et il manque encore 2 ombles pour boucler le quota...

La décision est prise de repousser l'heure du départ à 14h et de pêcher à la despérado en retournant sur le spot de la matinée. Les deux camarades ne savent pas précisément le temps qui sera nécessaire pour regagner le col de Portet via le refuge de Bastan, le lac de l'Oule, puis le ruisseau de Marans. Cela représente plus de 12 km de marche, des dénivelés conséquents pour les deux compétiteurs qui sont bien usés physiquement. Le risque d'une disqualification liée à une arrivée trop tardive est pris. Il ne faudra pas traîner sur le chemin du retour.

Pas de miracle sur le spot du matin. La pêche est très dure. Mais en flirtant avec la végétation aquatique un omble maillé se saisit du Duo Drag Metal Cast Shot 15g colori Ayu. Il est 14h00.

Simon annonce à Pierre que c'est son dernier lancer car il faut impérativement partir. C'est maintenant ou jamais.

Pierre, concentré, pense tenir la pêche. Il sent que la touche est proche...

"Attends, je m'applique."

Il n'a pas le temps de finir sa phrase qu'un coup de fusil se fait sentir dans le blank. C'est le dernier omble, celui synonyme de quota bouclé. Il est épuiseté, mesuré et envoyé dans l'appli. Pierre hurle de joie. Les deux pêcheurs se tapent dans la main. Les sourires sont larges sur leurs visages burinés par la fatigue.

Le seul bémol à ce moment de fierté incommensurable, réside dans le fait que tout cela est, d'un point de vue comptable… du flan : il n'y a en réalité pas de bonus de 500 points en cas de 10 ombles maillés capturés... Pour cette édition 2022, l'organisation a mis en place un quota sur cette espèce très densément présente sur Port-Bielh, probablement afin que les compétiteurs ne se focalisent pas sur elle et que les captures de truites soient valorisées. Le binôme s'en tiendra donc à un total de dix captures d'ombles comptabilisées, sans bonus… ils ont mal lu le règlement à ce niveau...

Cette approximation leur aura coûté très cher. Car passer plus d'une journée et demie à essayer de boucler un quota d'ombles alors qu'ils avaient de bons résultats sur les farios d'un lac voisin représente une erreur tactique majeure qui leur fera probablement perdre la première place...

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omble chevalier
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Revenons sur les bords du lac.

Nos deux compères, toujours dans l'incertitude au sujet de leur possible exclusion par les commissaires lors de l'incident de la truite volante, ont le sentiment du devoir accompli concernant la pêche. Maintenant, ils disposent de moins de 3h30 pour relever leur dernier challenge : atteindre l'arrivée avant 17h30 et valider les points de passage 2 et 8, ce dernier étant situé au début de la dernière spéciale chronométrée (entre l'Oule et l'arrivée au col de Portet).

Les organismes sont très fatigués et les dernières difficultés paraissent infranchissables alors qu'elles sont minimes. Mais il faut y aller, l'horloge tourne et les deux collègues n'ont pas le temps de tergiverser.

Arrivés sur les bords du lac de Bastan Supérieur, ils cherchent mais ne trouvent pas le point de passage n°2. Ils perdent facilement un quart d'heure alors même qu'ils savent pertinemment qu'ils n'ont aucune marge de manœuvre au niveau du temps imparti... La panique n'est pas loin...

C'est finalement au niveau du refuge de Bastan que des randonneurs leur indiquent qu'ils ont vu passer les commissaires une dizaine de minutes plus tôt en direction du Col de Portet… les mêmes commissaires qui voulaient expulser le binôme la veille ont déserté leur poste de Port-Bielh en laissant des compétiteurs sur place sans surveillance et ont donc enlevé un point de passage 3h avant la fin de la compétition !

Après un petit sprint non désiré, les commissaires sont rattrapés peu avant la bifurcation vers le Col de Portet, au niveau du Bastan Inférieur. Une chance car à ce niveau, ils auraient tiré à gauche vers l'arrivée alors que les compétiteurs étaient priés de descendre au lac de l'Oule avant de remonter au col par la piste de ski. Le point de passage 2 est enfin validé...

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Salmo trek
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La descente vers le Lac de l'Oule fait très mal aux jambes. Mais les commissaires du point 8, toujours fidèles à leur poste, sont très pro et sympathiques. Ils tiennent des propos rassurants soutenant que le binôme ralliera l'arrivée dans les délais.

Pierre et Simon seront finalement les derniers à franchir la ligne avec un petit quart d'heure de battement, à 17h15, sous l'orage, alors que les organisateurs étaient en train de plier le décor. Précédemment, lors de la montée le long des pistes de la station de ski de Saint Lary, le téléphone de Pierre avait enfin capté suffisamment de réseau pour que les différentes photos de prises soient envoyées automatiquement par l'application. Les notifications de validation de prises se succèdent.

La télécabine du Portet en vue, les deux participants ont pu prendre connaissance du classement provisoire et du dénouement au sujet de la sanction promise : l'équipe n'est pas disqualifiée mais elle a un carton jaune et atteint finalement le podium à la troisième place…

A bientôt pour la conclusion !

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A propos de l'auteur

Comme ses aïeux, Pierre pêche depuis tout petit. A ses débuts, suivant la tradition locale pyrénéenne, il procède au toc. Mais dès le premier contact avec un lancer, il…
Simon est né dans le département du Gers et a découvert la pêche à l'âge de 10 ans. Bien qu'initialement éloigné des rivières pyrénéennes qui lui sont chères…