La jolie brune

grosse truite

J’ai toujours une affection particulière pour les leurres durs. Certes, cette pêche peut paraître quelque peu old school face à la déferlante de leurres souples qui survient actuellement. Mais j’avoue éprouver un grand plaisir à utiliser des poissons nageurs, outils d’une grande technicité et issus d’un développement souvent complexe. Et aujourd’hui je sais que je vais pouvoir nouer au bout de ma ligne une petite nouveauté prometteuse qui se prête particulièrement bien aux conditions actuelles...

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L’eau est basse, claire, le soleil généreux et le vent presque inexistant. Il fait bon être au bord de l’eau et apprécier ces instants de quiétude. Instants d’autant plus estimables qu’aucun signe d’activité ne s’est manifesté durant les deux premières heures de prospection. Alors, j’ai troqué le petit dernier, coulant lentement, contre un poisson nageur « coulant rapide ». Un des modèles qui m’a rapporté de nombreux poissons depuis l’ouverture. Souvent, dans les moments de doute, le pêcheur se raccroche à ses valeurs-sûres aux dépends des nouveautés.

A la fin d’un rapide et alors que le leurre décrit un arc de cercle en s’appuyant sur le courant, une ombre décolle du fond. Mais, poussé par l’écoulement, le leurre s’éloigne trop vite d’elle. L’obscure silhouette retourne d’où elle est venue, entre deux blocs rocheux. L’entrevue ayant été très furtive, il est difficile d’estimer la taille de l’indécise. Mais je sais désormais ou elle se trouve précisément. A moi de soigner la dérive pour essayer de l’approcher au plus près et lui déposer le leurre dans la gueule, tel un présent quelle ne pourrait refuser. Lors de ce deuxième passage, le poisson nageur évolue au plus près du poste de la truite convoitée. Mais celle-ci n’attaque toujours pas. Elle prend en chasse le leurre et nage la gueule collée à ce dernier sans jamais l’engamer. Maintenant je la vois distinctement : le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est de fort belle taille.

Comment essayer de décider un poisson suiveur ? Plusieurs options s’offrent au pêcheur :

  • Continuer la récupération. Parfois, un poisson peut se décider à attaquer près de la rive, dans les derniers décimètres de récupération, juste avant que ce qu’il considère être une proie ne trouve refuge à l’intérieur de la berge et qu’elle soit donc hors d’atteinte. On peut considérer que le prédateur se dit « c’est maintenant ou jamais. »
  • Modifier son animation. Par exemple passer d’une récupération linéaire à du twitching pour tenter de provoquer l’intéressé.
  • Faire une pause dans la récupération. Alors le poursuivant, entraîné par son n’élan, n’a plus qu’à ouvrir la gueule pour aspirer le leurre. La tentation de la facilité en somme.
  • Se dire que ce n’est pas le bon leurre et en changer avant que le poisson ne découvre le subterfuge.

Plusieurs animations sont tentées lors de la dizaine de mètres qui nous sépare mais rien n’y fait, la truite reste la gueule clouée. Je ne peux pas bien me soustraire à son regard. Si je persiste de la sorte, le poisson va me voir et il se sauvera irrémédiablement. Alors je fais une pause en gardant la ligne légèrement tendue. Le heavy sinking coule en ondulant… mais sans déclencher l’attaque tant souhaitée. J’ai donc échoué dans ma tentative. Mais tout n’est pas perdu. La belle regagne sa zone de tenue sans m’avoir vu. Je vais donc pouvoir la tenter à nouveau. Et ce poisson, c’est mon petit dernier qu’il veut, j’en suis désormais convaincu.

J’atteins la zone de tenue de l’indécise avec le fameux petit dernier, un poisson nageur qu’un crafter voisin m’a généreusement confié. Il s’agit du R-Craft 55 de Mr Craft. Le scénario se répète à l’identique : la truite suit le leurre sans le prendre. Pourtant, celui-ci est bien différent du précédent. Il décrit un rolling très prononcé et ses hauts flancs envoient de beaux éclats lumineux lors des twitch. Mais rien n’y fait. Je tente alors ma dernière chance en stoppant la récupération. Par rapport au HW employé précédemment, le R-Craft se met à couler lentement. La poursuivante l’engloutit en une fraction de seconde après le début de la pause. Est-ce dû à la différence de densité ? Est-ce la conséquence d’un détail de couleur ou de design ? Difficile à dire. En tout cas, c’est le R-Craft 55 qu’elle a choisi.

Le combat est assez rapide. En règle générale, j’ai remarqué que plus le pêcheur voulait brider une truite en étant directif avec elle, plus celle-ci avait une défense violente. A l’inverse, si l’instigateur dirigeait les ébats délicatement, cette dernière avait tendance à se laisser faire (je ne ferai pas, dans cet article, d’allusions grivoises). Malgré deux jolis rush le poisson rejoint l’épuisette, dans laquelle il ne contient que difficilement.

La fario me laisse admirer sa robe et ses proportions généreuses le temps de quelques photos. Une petite pensée envers mon crafter préféré et elle regagne sa liberté. Bisous Max ;)

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grosse truite
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pêche grosse truite

A propos de l'auteur

Comme ses aïeux, Pierre pêche depuis tout petit. A ses débuts, suivant la tradition locale pyrénéenne, il procède au toc. Mais dès le premier contact avec un lancer, il…