Connaître, comprendre et gérer n°3 : le Bassin Versant (1/2)

bassin versant

Qu’est-ce qu’un bassin versant, Qu’est-ce qu’un cours d’eau ? Comment fonctionne-t-il ? Comment le caractériser ? Après un article sur les organismes gestionnaires de l’eau en France (voir ici) relativement indigeste même pour ses auteurs, nous revenons dans une partie plus didactique de notre série « Connaître, comprendre et gérer ».

Comme nous avons déjà pu l’évoquer, les gestionnaires commencent à prendre conscience de la nécessité d’utiliser un langage commun avec leurs interlocuteurs.

Commençons donc par le commencement : les concepts et caractéristiques qui permettent de définir un cours d’eau et le fonctionnement de son bassin versant. Cet article est divisé en deux parties. Dans la première, nous aborderons le bassin versant et les caractéristiques utilisées pour la description des cours d’eau. La seconde partie sera consacrée à leur mobilité. Vous trouverez à la fin de l’article un glossaire des termes spécifiques employés numérotés.

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Le bassin versant

Lors du premier article de cette série, nous nous sommes intéressés au cycle de l’eau et à la diversité des milieux aquatiques. La notion de bassin versant a été brièvement abordée.

Nous pouvons définir le bassin versant d’un cours d’eau comme l’entité géographique sur laquelle toute l’eau qui ruisselle ou s'infiltre finit au même endroit. Le schéma illustre le bassin versant d’une manière très simple pour les eaux de ruissellement, en rouge.

Il ne faut cependant pas occulter le fait que des spécificités géologiques locales, comme les systèmes karstiques [1] par exemple, peuvent induire des écoulements souterrains après infiltration bien au-delà de la zone que l’on imagine être le bassin versant au premier abord.

La partie gauche du schéma présente une infiltration d’eau dans le bassin versant délimité en rouge, qui va pourtant ressortir, via des écoulements souterrains, sur un autre bassin versant.

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Illustration schématique d’un bassin versant. (Crédit N.Meynard)
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Ainsi, le bassin versant se définit à la fois par la zone d’écoulement des eaux de surface mais également par celle des eaux souterraines, bien plus complexe à délimiter. La prise en compte de l’ensemble du bassin versant lorsque l’on parle d’un cours d’eau permet d’appréhender l’ensemble des éléments qui caractérisent le cours d’eau. Cela permet de comprendre le paysage, la présence de telle ou telle espèce végétale ou animale, de comprendre les crues, les étiages [2] , la composition physico-chimique de l’eau, ses variations de température, etc.

De fait, en drainant l’eau du bassin versant, les cours d’eau deviennent le réceptacle de tout ce qui s’y trouve. Cela est donc également valable pour les pollutions, transportées depuis les sols du bassin versant, vers le cours d’eau ou la nappe qui en paient un lourd tribut (ce sujet fera l’objet d’un prochain article). Cependant, tous les bassins ne sont pas impactés de la même manière, de par leur taille d’une part, mais surtout en raison d’une occupation des sols très variable : un bassin montagneux fortement boisé drainera des polluants différents et potentiellement moins nombreux qu’un bassin situé en plaine agricole ou composé de grandes zones industrielles et/ou urbanisées.

Un grand bassin comme celui du Rhône est la somme des sous-bassins de la Saône, du Doubs, de l’Isère, de la Durance, de l’Ardèche, entre autres, eux-mêmes composés d’une multitude de bassins plus petits. On comprend bien ainsi que les problématiques rencontrées sur un cours d’eau comme le Rhône sont intimement liées à celles rencontrées sur l’ensemble de son bassin et qu’une pollution sur la Drôme ou l’un de ses affluents n’impacte pas seulement le lieu de la pollution.

Ce constat incite de plus en plus de gestionnaires à étendre leur champ de compétences à des échelles géographiques plus cohérentes, en travaillant sur de grands bassins versants, plutôt que sur des tronçons de cours d’eau. Cette cohérence territoriale est aujourd’hui encouragée par le législateur notamment dans le cadre de la compétence GEMAPI ou de la labellisation EPAGE (voir l’article précédent).

Vous l’aurez compris, les bassins versants ne sont pas tous les mêmes, et par extension les cours d’eau non plus. On peut cependant noter des similarités entre certains cours d’eau, qui peuvent permettre de les classer par catégories et/ou de les caractériser. Une caractérisation permet de mieux comprendre leurs fonctionnements et dysfonctionnements et c’est à cela que se sont attachés de nombreux scientifiques et gestionnaires depuis des décennies.

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Valserine
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La Valserine, un bassin versant à dominante forestière (Crédit Q.Ducreux)
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La description des cours d’eau

Pour décrire les cours d’eau et la répartition des espèces, les gestionnaires utilisent des caractéristiques bien précises. Historiquement, différentes méthodes de caractérisation des cours d’eau se sont succédées voire cumulées, afin d’optimiser la compréhension et d’affiner les mesures appliquées tant en termes de restauration des milieux que de gestion piscicole.

Beaucoup connaissent la classification en deux catégories piscicoles, reliquat d’une gestion initialement fario-centrée, binairement basée sur la présence ou non de la Truite commune. Elle occulte bon nombre de notions fondamentales qui ont été par la suite intégrées à d’autres méthodes de classification décrites plus loin. Cette zonation n'en reste pas moins d’actualité et régit la pratique de la pêche via des aspects réglementaires. Elle n’a cependant pas la finesse scientifique nécessaire pour permettre une lecture qualitative d’un cours d’eau.

Différentes méthodes de classification existent donc, la plus simple étant la distinction entre l’amont et l’aval. Plusieurs références scientifiques plus précises servent de base aux gestionnaires et scientifiques pour travailler sur les cours d’eau de manière plus fine.

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Tarn
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Tarn amont, à gauche, et Tarn aval, à droite (Crédit N.Meynard)
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Les cours d’eau peuvent se voir attribuer un “rang” selon la méthode de Strahler, décrite en 1945. Celle-ci consiste à donner à chaque tronçon de cours d’eau un rang en fonction de la complexité du réseau hydrographique à un endroit donné.

Très simple à mettre en œuvre, le calcul du rang de Strahler se définit comme ceci : le tronçon issu de la source a pour rang 1. Ensuite, deux tronçons de même rang qui confluent donnent un tronçon de rang supérieur, alors qu’un tronçon qui reçoit un tronçon de rang inférieur conserve le même rang. Une simple illustration permet de comprendre cette méthode :

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Strahler
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Illustration de la méthode de Strahler (Crédit N.Meynard)
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Il est intéressant de noter que de manière générale, les rangs 1 à 3 constituent la majorité des linéaires de cours d’eau. Comme cela a déjà été abordé dans le premier article de la série, la pente permet l’écoulement de l’eau depuis la source jusqu’à une confluence avec un autre cours d’eau, ou un estuaire dans le cas des fleuves.

Dans le détail, la description d’un cours d’eau par la caractéristique que constitue la pente, permet de le découper en différentes zones :

Le crénon constitue la partie la plus amont d’un cours d’eau, située donc dans la zone de source. Il se caractérise donc généralement par une température basse, un faible débit, une forte oxygénation due à un fort courant (lié à la pente), une présence importante de matières minérales (blocs, rochers) et une quasi-absence de matière organique (le peu étant constitué d’élément très grossiers). Son tracé est relativement rectiligne et il se retrouve généralement dans les zones d’altitude

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Sainette
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Source de la Sainette, un bel exemple de crénon (Crédit Q.Ducreux)
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Le rhithron est défini par la partie supérieure à intermédiaire du cours d’eau, où la pente est plus faible que dans le crénon mais reste de nature à rendre le milieu courant. La matière organique grossière y est abondante, ainsi que la matière minérale (graviers, galets). Son tracé est sinueux et correspond généralement aux zones de piémont.

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Ain
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La moyenne Rivière d’Ain, l’exemple parfait du rhithron (Crédit N.Meynard)
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Le potamon est la zone aval des cours d’eau, plus calme, plus chaude, généralement avec un débit et une profondeur plus importants que dans les zones précédentes. La matière organique, abondante, y est plus fine et la proportion de matière minérale diminue, ainsi que sa taille (sables, limons). Son tracé est relativement complexe et correspond aux zones de plaine, jusqu’à l’embouchure.

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La Moselle en aval de Nancy, exemple de potamon (Crédit FDAAPPMA54)
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Marcel Huet formule, en 1949, la règle des pentes, selon laquelle les rivières qui présentent des largeurs, profondeurs et pentes du même ordre de grandeur, présentent des caractères biologiques similaires. Le postulat est qu’il en va de même pour les populations [3] piscicoles.

Il décrit ainsi quatre zones piscicoles caractérisées chacune par des classes de pente, de largeur et de profondeur et représentées par une espèce piscicole. Ce sont les fameuses zones à truites, à ombres, à barbeaux et à brèmes.

Cette méthode décrit le peuplement [4] de poissons que l’on est supposé trouver sur un cours d’eau ou une portion de cours d’eau qui ne serait pas perturbé. Selon cette classification, à mesure que l’on descend le cours d’eau, la pente diminue, le lit s’élargit et la profondeur augmente.

Cette classification parle à beaucoup de pêcheurs car elle est assez logique et il est facile de se représenter les différentes successions de zones. Cependant, sans être totalement fausse, cette zonation est relativement simpliste. C’est notamment le choix d’une seule espèce par zone qui la rend finalement assez peu utile lorsque l’on veut faire une description d’un tronçon de cours d’eau. En réalité, la succession entre les différentes zones se fait le long d’un gradient progressif et il est tout à fait possible, par exemple, de trouver de la truite en zone à ombres, voire en zone à barbeaux. La présence de l’espèce ne suffit donc pas à caractériser le cours d’eau. Huet avait cependant introduit un aspect important, l’influence des caractéristiques physiques d’un cours d’eau sur son peuplement.

L’étude de la globalité des espèces présentes et tout particulièrement les groupements de macro-invertébrés [5] est ajoutée par J. Ilies et L. Botosaneanu, en 1963, aux critères de zonation de Huet. Ils déclinent les notions de crénon, rhithron et potamon précédemment citées en zones plus petites sur la base du vocabulaire topographique [6] . Chaque confluence d’un même rang de Strahler (voir partie dédiée plus haut) fait passer le cours d’eau d’une zone à l’autre.

Ainsi, le crénon est divisé en :

  • Crénon: la zone de source;
  • Hypocrénon: le ruisseau.

Le rhithron est divisé en :

  • Epirhithron : la rivière amont;
  • Metarhithron : la rivière médiane;
  • Hyporhithron : la rivière aval.

Le potamon est divisé en :

  • Epipotamon : le fleuve amont;
  • Metapotamon : le fleuve médian;
  • Hypopotamon : le fleuve aval.

Ainsi, cette méthode propose huit zones aux caractéristiques de morphologies, de débits et de cortèges [7] faunistiques différents. Cette typologie sera reprise par Jean Verneaux qui y ajoutera, en 1973, des critères chimiques.

Verneaux se base donc sur les travaux précédents et s’attache à définir une typologie basée sur les espèces faunistiques (dite “biotypologie”) et applicable à un maximum de rivières. Pour cela, il multiplie les stations d’échantillonnage de poissons et d’invertébrés, plusieurs centaines, afin que ses observations soient statistiquement valables.

Il débouche ainsi à la définition de dix zones appelées biocénotypes [8], numérotés de B0 à B9. Dans la définition de ces biocénotypes il va plus loin que ses prédécesseurs en partant du principe que les pentes et la morphologie d’un cours d’eau ne suffisent pas pour les caractériser. Il ajoute des facteurs comme la température et la dureté [9] de l’eau. Il prend ainsi en compte trois variables qui permettent de déterminer le Niveau Typologique Théorique (NTT) d’un cours d’eau:

  • la variable thermique, dont le rôle est essentiel dans le développement de la vie aquatique et sa répartition;
  • la variable trophique, qui est la capacité nutritive du milieu, calculé grâce à la dureté de l’eau et la distance à la source;
  • la variable hydrodynamique, l’énergie développée par le cours d’eau en fonction de ses caractéristiques physiques (pente, largeur, profondeur, etc).

À chaque biocénotype correspond un peuplement aux exigences écologiques proches et présent pour chaque biocénotype dans des abondances définies. Ainsi, il est possible, en comparant ce NTT aux données d’inventaires piscicoles et d’invertébrés sur un tronçon de cours d’eau, de voir si les populations présentes sont éloignées du niveau de référence auquel on pourrait s’attendre sur le tronçon de cours d’eau.

Cet éloignement, en fonction des exigences écologiques des espèces manquantes, supplémentaires ou dans des niveaux d’abondance anormaux, peut traduire un dysfonctionnement du cours d’eau et renseigner sur les causes de ce dysfonctionnement.

Par exemple, le graphique ci-dessous présente les résultats d’inventaire piscicole menés sur le Combet (source FDAAPPM01, 2014). Le NTT correspond sur ce tronçon à un B2. Les espèces piscicoles théoriquement présentes pour ce niveau typologique apparaissent en bleu. On constate que devraient être seuls présents : le chabot, la truite et le vairon de façon anecdotique. Or, les résultats d’inventaire montrent une absence de chabot et de vairon, une présence de truite supérieure à ce qu’il est attendu et la présence de deux espèces théoriquement absentes, la carpe commune (CCO) et le rotengle.

Après analyse des données et du contexte, la fédération a pu conclure sur les raisons de cet écart au niveau théorique: le Combet prend sa source dans le lac de Sylan, qui apporte de la matière organique et favorise la croissance des truites. De plus, une température de l’eau plus élevée que celle attendue sur un B2 favorise le grossissement des truites. L’absence du Chabot est quant à elle expliquée par la présence d’obstacles infranchissables ne lui ayant pas permis de coloniser la partie amont du cours d’eau. Enfin la présence de la carpe et du rotengle s’expliquent par une connexion avec le plan d’eau situé en amont.

De la même manière, cette analyse peut-être appliquée sur d’autres cours d’eau afin de mettre en évidence, tantôt un déficit d’habitat pour la faune aquatique, tantôt une pollution, etc. Cette comparaison du peuplement réel par rapport au peuplement théorique est applicable de la même manière pour les macro-invertébrés.

 

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peuplement Combet
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Comparaison du peuplement observé et du peuplement théorique sur le Combet (Crédit N.Meynard, d’après FDAAPPMA01)
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La biotypologie de Verneaux est aujourd’hui l’une des plus utilisée et reconnue. De nombreux protocoles s’en sont inspirés et elle est un socle dans la formation de nombreux hydrobiologistes français.

Néanmoins, elle est aussi sujette à controverses, certains lui reprochant d’être trop adaptée aux cours d’eau Franc-Comtois et pas toujours applicable au reste de la métropole. D’autres considèrent que les compositions des peuplements décrits par Verneaux étaient sans doute déjà profondément impactés et que la référence de l’époque n’était finalement pas celle de cours d’eau exempts de pressions.

De plus, les milieux et peuplements, ainsi que les techniques et le nombre d’échantillonnages ayant évolué depuis les années 70, la question se pose pour certains de la pertinence de conserver des indicateurs et références vieux de 50 ans. Le débat existe et de nouvelles méthodes de classification sont étudiées, de nouvelles références recherchées, etc..

Le graphique ci-dessous illustre de manière théorique la répartition des espèces d’invertébrés benthiques [10] le long d’un cours d’eau en fonction de leurs exigences écologiques (en italique sur le schéma). Une correspondance est faite avec les biocénotypes de Verneaux.

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Verneaux
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Graphique inspiré de supports de cours de Valérie Verneaux, d’après des travaux de Jean Verneaux et de différents articles. (Crédit V.Verneaux, N.Meynard)
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En 1980, Robin L. Vannote définit le River Continuum Concept. Il s’appuie sur divers travaux antérieurs et son concept repose sur le principe qu’un cours d’eau est un écosystème ouvert, et interconnecté à d’autres milieux comme la ripisylve [11], et que ce milieu d’eau courante se transforme de façon continue d’amont en aval.

Il précise aussi que les modifications du milieu (morphologiques, thermiques, etc.) engendrent des modifications sur les ressources alimentaires disponibles pour les macro-invertébrés aquatiques. Ces modifications de ressources expliquent, selon Vannote, la répartition des invertébrés en fonction de leurs stratégies pour exploiter la ressource alimentaire.

Pour observer la répartition des invertébrés, il les classe en quatre grandes catégories : les broyeurs, les collecteurs, les brouteurs et les prédateurs.

  • Les broyeurs déchiquettent la matière organique grossière comme les feuilles. Ils sont constitués de groupes d’espèces comme les éphéméroptères, les plécoptères ou les amphipodes.
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Larve d'éphéméroptère (Crédit N.Meynard)
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Larve d'éphéméroptère (Crédit N.Meynard)
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  • Les collecteurs se nourrissent de matière organique beaucoup plus fine (de l’ordre de quelques micromètres) en suspension dans l’eau ou les sédiments. Ils sont constitués de groupes comme des diptères ou les vers plats.
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Larve de chironome, un diptère (Crédit N.Meynard)
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Larve de chironome, un diptère (Crédit N.Meynard)
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  • Les brouteurs consomment principalement des algues microscopiques et des micro-organismes qui se développent sur des éléments plus grossiers du cours d’eau comme les rochers ou le bois immergé. On compte parmi eux des gastéropodes et des trichoptères, par exemples.
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Larve de trichoptère et son fourreau (Crédit N.Meynard)
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Larve de trichoptère et son fourreau (Crédit N.Meynard)
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  • Les prédateurs quant à eux se nourrissent des autres animaux présents parmi les invertébrés du cours d’eau mais sont aussi capables, pour certains d’entre eux comme les libellules, de dévorer des vertébrés comme les alevins de poissons. On trouve parmi les prédateurs les odonates et de nombreux coléoptères.
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Coléoptère aquatique (Crédit N.Meynard)
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Coléoptère aquatique (Crédit N.Meynard)
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De l’amont vers l’aval, la matière organique disponible pour les invertébrés, sa forme et sa quantité évoluent. Ainsi la composition du cortège d’invertébrés évolue également avec des proportions différentes en fonction des quatre catégories citées.

Sur la partie amont, la matière organique grossière est abondante, les broyeurs et collecteurs sont fortement représentés.

Les brouteurs augmentent ensuite progressivement , comme les collecteurs, tandis que les broyeurs vont diminuer avec la diminution de la taille des fragments de matières organiques, jusqu’à disparaître.

Sur les parties les plus aval des cours d’eau, la taille de la matière organique est tellement fine que les collecteurs forment le groupe le plus largement abondant (les eaux souvent plus troubles, synonymes de matière organique en suspension et les fonds vaseux illustrent très bien ce phénomène).

En ce qui concerne les prédateurs, leur proportion reste presque constante tout au long du profil longitudinal, seules les espèces qui composent le groupe des prédateurs varient, en fonction des proies présentes.

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Graphique présentant la répartition des groupes d’invertébrés de l’amont vers l’aval (Crédit Q.Ducreux, d’après R.L.Vannote).
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Graphique présentant la répartition des groupes d’invertébrés de l’amont vers l’aval (Crédit Q.Ducreux, d’après R.L.Vannote).
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Vannote a ainsi créé un modèle représentant la proportion de chaque groupe d’invertébrés tout au long du cours d’eau. L’observation de variations anormales de la proportion des différents groupes d’invertébrés par rapport au modèle théorique de Vannote est alors utilisée pour décrire certaines perturbations que peut subir le milieu naturel.

Le tableau ci-dessous met en relation les différents éléments présentés précédemment, il est consultable sur les supports de l’Office Français de la Biodiversité :

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Synthèse des différentes méthodes de caractérisation des cours d’eau (Crédit C.Couvert, OFB).
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Synthèse des différentes méthodes de caractérisation des cours d’eau (Crédit C.Couvert, OFB)
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Bien souvent, les gestionnaires ne se contentent pas d’une seule méthode pour étudier les cours d’eau mais croisent plusieurs de celles-ci pour affiner au mieux les connaissances et proposer des actions adaptées.

C’est le cas notamment pour les gestionnaires de la pêche associative dans le cadre du Plan Départemental pour la Protection des milieux aquatiques et la Gestion des ressources piscicoles (PDPG), visant à identifier les problèmes et à proposer des solutions en termes de gestion des milieux aquatiques pour favoriser le développement naturel des peuplements piscicoles.

Pour les Fédération et AAPPMA, il est important d’utiliser une unité de gestion cohérente vis-à-vis des populations piscicoles et correspondant au terrain, dans le cadre du PDPG. Cette entité géographique est le “contexte”.

Découlant de la notion de bassin versant et d’analyses faites sur les méthodes présentées précédemment, le PDPG définit trois types de contextes : salmonicole (salmonidés dominants), cyprinicole (cyprinidés dominants) et intermédiaire (avec des espèces appartenant aux deux catégories précédentes).

Chacun de ces contextes est représenté par une espèce ou un cortège d’espèces repère(s). L’espèce repère se rapproche de la notion d’espèce « parapluie » dans la mesure où le bon accomplissement de son cycle biologique [12] indique que les autres espèces présentes dans le contexte sont dans le même cas.

Le choix des espèces repères se fait donc d’une part sur leur sensibilité aux dégradations subies par leur milieu de vie mais aussi sur les connaissances existantes sur leur biologie et leur écologie.

Les espèces repères des trois types de contextes sont les suivantes :

  • Contexte salmonicole : Truite commune, sous sa forme écologique dite Truite fario (Salmo trutta).
  • Contexte intermédiaire : en fonction des spécificités du contexte, le choix se porte soit sur l’association Truite commune/brochet, soit un cortège de cyprinidés d’eau vive présent sur le bassin.
  • Contexte cyprinicole : Brochet (Esox lucius).

Outre l’espèce repère, le PDPG peut utiliser des espèces cibles venant forcer la prise en compte d’enjeux complémentaires (poissons migrateurs, espèces patrimoniales [13], espèces vulnérables, spécificités régionales…).

Ensuite, une analyse des données est faite afin de déterminer le degré de dégradation ou de conformité de chaque contexte vis-à-vis de son état théorique et des actions à mener sont proposées.

Conclusion

La description d’un cours d’eau nécessite une étude approfondie de toutes les caractéristiques qui le composent : biologie, morphologie, hydrologie, étude des sols et des usages sur le bassin versant, etc.

Seule une bonne connaissance du cours d’eau et de son bassin versant permet de proposer et mettre en place une gestion adaptée et ambitieuse.

Après cette vue générale du cours d’eau et de la manière avec laquelle les gestionnaires l’abordent, la seconde partie de cet article sera consacrée à sa mobilité, afin de comprendre comment évolue ce milieu vivant.

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Glossaire

1. Karstique : se dit d’un système caractérisé par la prédominance des drainages souterrains liés à la dissolution du socle rocheux calcaire par les eaux de ruissellement.

2. Étiage : caractérise le niveau de basses eaux d’un cours d’eau;

3. Population : groupe d’individus de la même espèce.

4. Peuplement : ensemble des espèces présentes sur un milieu (ex: peuplement piscicole d’un cours d’eau ⇒ ensemble des espèces de poissons présentes).

5. Macro-invertébré : invertébré visible à l’œil nu.

6. Topographique : relatif au relief.

7. Cortège : ensemble d’espèces ayant des exigences écologiques ou biologiques communes.

8. Biocénotype : cours d’eau ou tronçon de cours d’eau de référence, homogène en termes de peuplements piscicole et de macro-invertébrés, de caractéristiques physiques (thermie, topographie…), chimiques, trophiques et hydrologiques.

9. Dureté de l’eau : concentration des ions calcium et magnésium dans l’eau.

10. Invertébré benthique : se dit d’un organisme qui vit au fond de l’eau.

11. Ripisylve : cordon de végétation, généralement arborée, qui borde un cours d’eau.

12. Cycle biologique : intégralité des stades par lesquels passe un individu de sa naissance à sa mort. Il constitue l’ensemble des étapes nécessaires à la survie d’une espèce.

13. Patrimoniale : se dit d’une espèce qui, pour des raisons écologiques, scientifiques ou culturelles, est considérée comme particulièrement importante. Ces espèces sont généralement assez rares ou menacées. Cette notion ne peut s’affranchir d’une certaine subjectivité.

BIBLIOGRAPHIE/LIENS VERS LES DOCS RESSOURCES OFB

https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/RecueilHydro_15-typologies_2018v6.pdf

http://www.hydrobioloblog.fr/2014/08/histoire-de-la-typologie-des-cours-deau.html 

http://www.lagrandepoubelle.com/wikibis/ecologie/concept_de_continuum_fluvial.php

Cours d'eau de Franche-Comté (massif du Jura) : Recherches écologiques sur le réseau hydrographique du Doubs : Essai de biotypologie, Jean Verneaux, 1973

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Cycle de l'eau et diversité des milieux

Les organismes gestionnaires

A propos de l'auteur

Né dans le département de l’Ain, Quentin a commencé comme beaucoup à pêcher les vairons en compagnie de son grand-père et de son père. Les vacances en caravane au Vigan…
Nicolas a grandi en Aveyron et vit aujourd'hui en Lorraine. C'est dans les torrents pyrénéens ariégeois qu'il a appris la pêche de la truite avec son…