Truite de mer dans l’Aisne… à 450 km de la mer !

pêche truite de mer

En juillet 2017, un jeune pêcheur, Thomas Duquenoy, a capturé une Truite de mer de 78 cm dans le département de l'Aisne, sur l'un des bras de la Vieille Oise. Il s’agit là de la donnée la plus amont et la première donnée de présence dans le département depuis le début des suivis (au niveau du barrage de Poses en 2008), rien que ça ! Le 21 avril 2018 était la Journée Mondiale des Poissons Migrateurs, l’occasion parfaite pour mettre en avant cette nouvelle halieutique et reparler des enjeux concernant les salmonidés migrateurs.

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Laissons tout d’abord la parole à Thomas pour nous raconter sa prise :

« C'était le 4 juillet.  Je suis arrivé à 8h15 dans un des bras de la rivière de l'Oise. Ma mère venait de nous déposer, mon frère et moi. Je suis arrivé sur le poste et j'ai sorti un petit One Up shad. J’ai lancé sous un arbre et j'ai cru que j'étais bloqué dans une branche mais d'un coup, c'est parti ! J’ai vu que c'était un poisson mais je ne savais pas quelle espèce c'était. Le combat dura assez longtemps, mon frère réussit à mettre le poisson dans l'épuisette … on a pris quelques photos puis remis le poisson. on pensait que c'était un saumon mais après quelques recherches, on a compris que c'était une truite de mer ».

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pêche truite de mer
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Au-delà de ses mensurations hors normes, cette prise est originale de par son lieu de capture. En effet, voici les chiffres édifiants qui attestent de son périple : 450 km parcourus depuis la mer et 11 obstacles franchis lors de sa migration !

 

Le​​ contexte sur le bassin de la Seine : 

La Truite de mer est l’une des sept espèces de poissons migrateurs du bassin de la Seine. Après un ou deux ans de grossissement en eau salée (mer du Nord ou Manche), les adultes reviendront dans leurs rivières natales, pour s’y reproduire dès le début de l’hiver. Les poissons migrateurs constituent un patrimoine écologique, économique et culturel remarquable. Ils fréquentaient, avant l’ère industrielle, sans difficulté majeure, l’ensemble du bassin de la Seine. Cependant, l’aménagement des cours d’eau (barrages, écluses, moulins, seuils, etc.) a rendu bien plus complexe leurs déplacements et ont contribué à leur raréfaction, voire disparition. On dénombre aujourd'hui 56 ouvrages majeurs identifiés et empêchant actuellement l’accès aux zones les plus propices à la reproduction des Salmonidés sur l’Oise et ses affluents ; 150 truites de mer en migration, dénombrées annuellement, en moyenne sur l’aval de la Seine. Ce nombre pourrait être bien plus important si les zones de reproduction étaient accessibles.

Des évolutions réglementaires récentes ont permis d’améliorer la continuité écologique sur la Seine, la partie navigable de l’Oise et la rivière Aisne, notamment le classement des cours d'eau au titre de l’article L214-17 du code de l’environnement. Cet article induit l’établissement de deux listes de cours d’eau sur les bassins :

  • La liste 1 est celle des cours d’eau à préserver (tout nouvel ouvrage à la continuité écologique ne peut être autorisé) ;
  • La liste 2 est celle des cours d’eau à restaurer. Sur ces cours d’eau, il y a obligation de mise en conformité des ouvrages (transport des sédiments + circulation piscicole).

 

La continuité écologique, le nerf de la guerre pour la Fédé 02. Romain Marlot, son technicien, nous décrit la situation et les enjeux :

« Sur les portions aujourd’hui accessibles aux poissons migrateurs, peu de zones possèdent les caractéristiques spécifiques des zones de reproduction de ces espèces. Les zones les plus intéressantes sont situées plus à l’amont, dans le département de l’Aisne et des Ardennes, principalement en Thiérache. Or, ces habitats sont pour l’instant inaccessibles pour les poissons migrateurs, à causes d’ouvrages plus ou moins importants présents sur la Vieille Oise ou ses affluents.  Un important travail reste à mener pour les rendre accessibles. A l’heure où les projets de restauration de la continuité écologique sont de plus en plus controversés (notamment grâce au travail de désinformation de lobbyistes pro-moulin), cela passe par des actions de sensibilisation et de concertation territoriale avec les élus, partenaires techniques tel l’association migrateur SEINORMIGR, l’Agence de l’Eau Seine-Normandie ou l’Agence Française pour la Biodiversité et les propriétaires d’ouvrages. Suivant les opportunités, la Fédération de l’Aisne pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique est l’une des structures qui pourra se porter maître d’ouvrage ou jouer un rôle de conseil pour l’aménagement des obstacles : dérasement, mise en place de passes à poissons ou encore bras de contournement. Ce travail de restauration de la continuité écologique n’aura de sens que si la fonctionnalité des zones de reproduction potentielles est préservée : limitation de l’intensification agricole, poursuite des efforts menés sur l’assainissement, lutte contre les pollutions industrielles, etc. Les pêcheurs sont également sollicités. Toute capture accidentelle ou observation de poissons migrateurs est précieuse et doit nous être remontée. Pour rappel, la pêche de la Truite de mer et du Saumon est interdite dans le département de l’Aisne. Mais qui sait, peut-être que dans quelques années le département de l’Aisne sera un haut lieu de la pêche des Salmonidés migrateurs. Soyons optimistes et rêveurs ! »

A suivre !

A propos de l'auteur

Simon est né dans le département du Gers et a découvert la pêche à l'âge de 10 ans. Bien qu'initialement éloigné des rivières pyrénéennes qui lui sont chères…