Rencontre avec Pierre Miramont, le Skues français

Pierre Miramont

Pierre Miramont est l'un des derniers grands personnages de la pêche à la mouche. Auteur de deux livres parmi les plus intéressants parus lors des dernières décennies, il a influencé un grand nombre de pêcheurs et de monteurs de mouches. Le rencontrer est toujours un événement troublant, passer une heure ou deux chez lui, dans son monde si particulier ou tout semble dédié à ce que fût sa vie, génère une atmosphère unique. Si vous êtes pêcheur, rapidement vos certitudes vacillent et de nouvelles inspirations se font jour. Ces sensations sont nettement amplifiées si vous montez vous même vos mouches... C'est accompagné de mon jeune ami Pierre Souyri, proche du vieux maître depuis quelque temps déjà que nous avons retrouvé Monsieur Miramont (88 ans bientôt... et toujours capable de monter un léger imago en 24 au bout des doigts!!! cela mérite d'être mentionné !). Avec ferveur et gentillesse, celui-ci s'est prêté au jeu de l'interview, en exclusivité pour Truites & Cie et nous l'en remercions. 

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Bonjour Monsieur Miramont, pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances vous avez débuté la pêche à la mouche?

"Alors.... j'ai débuté très jeune, je devais avoir 6 ou 7 ans avec mes oncles dans le Gatinais à côté de Milly-la-Fôret sur une rivière qui s'appelait l'Ecole où il y avait beaucoup de brochets. Il y avait des truites aussi car l'eau y était très pure... Mes oncles me faisaient voir les gobages, les ronds sur la surface ... et chaque fois ils me disaient "t'as vu le rond?... et bien dessous il y a une truite! C'est elle qui a fait ce rond...". Après j'ai fait une petite canne...enfin j'ai fait, c'est sûrement mes oncles qui me l'avaient faite plutôt ! Avec du catgut et des mouches qu'eux m' avaient mis là... et on a pris une truite et c'est moi qui tenais la canne,... officiellement c'est moi qui tenais la canne (sourire). La première ça a été comme ça.

Après, les vraies pêches, pour de bon, c'était avant le service militaire. J'étais à Cahors, j'allais pêcher une petite rivière qui était le Vers. J'y allais à vélo, avec le vélo de ma mère, il fallait pédaler dans les descentes et il y avait 15km à faire de Cahors à Vers, et je montais à la Carderie sur le Vers. Il y avait des truites... et là j'ai commencé à me douter qu 'il y avait une vie...une vie autre que la vie terrestre, il y avait une vie DANS l'eau.

Il y avait des ponts, qui étaient faits avec des solives de chemin de fer et entre les barres de bois on voyait l'eau dessous. Et là je regardais et je voyais au dessous de moi toujours 2 ou 3 truites qui nageaient entre 2 eaux, je ne les ai jamais oubliées, c'était magnifique à voir. C'est là que j'ai commencé à prendre mes premières truites à la mouche pour de bon. Un jour je me suis trouvé derrière les Cascadelles, à 5 km en amont de Vers, c'est un endroit où il y a un massif de cascades qui tombent dans le Vers. Je pêchais au lancer, et j'attrapais rien du tout sauf quelques branches... et là, j'ai vu moucher devant moi !...il y avait un courant très étroit qui passait dans une forme de rigole, de canelle, c'était étroit comme tout ! ...et ça mouchait là dedans ! J'étais stupéfait ! Il y avait 5 ou 6 truites qui mouchaient !!

Alors j'ai monté ma première canne à mouche avec une pompe à vélo pour faire la poignée...la canne c'était un scion en bambou emmanché d'une seule pièce et j'avais ligaturé de la soie depuis la pompe tout le long de la canne, j'avais 6 ou 7 mètres de soie... Et puis après j'avais fait venir de Manufrance, des bas de ligne et tout ça... j'avais aussi fait quelques mouches déjà parce que je m'étais rendu compte que les mouches qu'on me vendait elles étaient trop chères pour mon porte monnaie...et en plus de ça elles ne me convenaient pas. Déjà je voyais que ce n'était pas ça qu'il fallait ! Donc avec le peu que j'avais lu dans le Chasseur Français ou des petites revues comme ça qui étaient à la portée de ma bourse j'avais fait quelques mouches et j'y suis revenu. Et là, j'avais fait 5 truites de file dans cette canelle ! Alors là j'étais parti hein ! Là je ne connaissais que la mouche !!! (rires)...".

Je suis ensuite monté plus haut, au pont de Guillot. Il y avait un moulin et le fermier ne voulait pas qu'on y pêche. Alors en plein soleil, les gens n'y allaient pas parce que ça ne valait rien, ils pêchaient au ver ou au lancer.

Alors moi j'ai pas fait de bruit, j'y suis allé et j'ai piqué les truites du moulin... j'en ai fait 7 des truites du moulin!! Je m'en rappelle! Et des belles truites hein! Des truites du Vers...une truite de 35cm y était remarquable! Et bonnes comme tout, parce que là c'était la rivière pure par excellence...et après voilà, ça c'est mon premier souvenir de vraie pêche à la mouche. Et après il y eu la vie...

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Au cours de toutes ces années passées au bord de l'eau, avez-vous constaté des évolutions écologiques et comment les avez-vous apprehendées?

"La rivière est un milieu vivant... et donc sensible, qui reçoit le positif comme le négatif. Je vois qu'il y a des années avec plus d'éphémères que d'autres...maintenant pour être honnête, il y a des années ou j'ai été plus à la pêche que d'autres, alors c'est difficile d'être parfaitement intègre dans ce domaine. Il me semble que pour la qualité des eaux, ce sont les écrevisses qui nous la donnent. Là où les écrevisses sauvages (la vraie écrevisse française) résiste c'est que l'eau n'a pas varié. Pour le reste, la pêche elle est ce que les pêcheurs en font...là où il y a beaucoup de prédation, la truite se refait mais les gènes ne sont pas les mêmes. Il faut des rivières qui ne sont pas trop visitées pour dire qu'on conserve la vraie souche, pure, d'antan."

Que pensez-vous du thème actuel, à propos du réchauffement climatique?

"Quand on étudie l'histoire ancienne... et l'histoire c'est du présent qui se renouvelle...il y eu comme ça des coups de chaleur et des coups de froid dans le passé. Il y a des gens qui parleront de ça beaucoup mieux que moi, je ne suis pas compétent en la matière. Pour le moment il y a des pics de chaleur, oui... J'ai lu pas mal d'ouvrages sérieux sur la cosmogonie, et si je devais croire les oracles il semblerait que d'après des études astronomiques très sérieuses nous soyons à la fin d'un cycle... mais je n'ai pas les compétences pour développer davantage sur ce sujet. Oui le réchauffement on le sent, on le subit, mais pour revenir à la pêche, tant que les poissons ont de l'eau sous le ventre la pêche doit être ouverte mais sitôt que l'eau devient très fine et très basse on devrait fermer la pêche pour sauvegarder le poisson."

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M. Miramont, vous êtes un personnage culte dans le monde du montage de mouches, quelle est votre vision, votre philosophie à ce sujet?

"Alors je pense que beaucoup de gens font leurs mouches et je leur dis bravo car c'est une part de rêve qu'ils recherchent au bout d'un étau, et de ce point de vue là c'est très valable.

Avant on était davantage avec le regard du peintre. C'est à dire qu'on était des paysagistes, on était des impressionnistes, on était des pointillistes...et ce qu'on voyait rouge on n'allait pas le reproduire bleu, et on essayait de faire comme ça... c'est un peu ma façon de voir mais j'ai quand même évolué et je pense que le montage des mouches est beaucoup plus finaud qu'on ne le croit et que les truites réagissent à des "symptômes", à des réflexes conditionnés qui nous échappent. Pour parler crûement je pense qu'elles sont sensibles aux ultra-violets et aux longueurs d'ondes. Et qu'elles "sentent" les mouches par rapport à la couleur qu'elles dégagent et par rapport à la "chaleur" des couleurs qu'elles dégagent... Et j'ai pû en faire la démonstration car je ne cherche pas le rendement, je cherche à comprendre... Je vois qu'il y a certaines couleurs, à un degré près (car je connais très, très bien la couleur, j'ai eu de bons professeurs aux Beaux- Arts, je ne suis pas nul la dedans !) de violet dans un "rouge" on arrive facilement à un magenta qui n'est pas du tout "le truc", mais qui se rapproche de certains imagos d'ecdyonurus ou même de march brown. Les truites sont sensibles à ça... J'aimerais bien que tous les pêcheurs fassent leurs mouches.. même si elles sont moches... ils ont fait leurs mouches !!".

Tiens ça va plaire à beaucoup ça !!! (Rires)

"Moi, pour le montage des mouches, je suis très strict dans le respect de la nature. C'est à dire que les éphémères sont des hémimétaboles qui ont plusieurs "successions" en tant que nymphes et qui ont deux formes aériennes en tant qu'adultes : elles ont le subimago et l'imago, tout le monde connaît ça.

Sauf que ce qu'on ne dit pas assez par exemple, c'est que l'impression rétinienne du subimago en vol ressemble à du papier à cigarette coloré. Et moi je me suis tout le temps attaché à essayer de reproduire cette impression... alors ce sera toujours une reproduction, une caricature... mais une caricature n'est pas une insulte, c'est au contraire un compliment en peinture parce qu’en quatre coups de crayon on reconnaît "l'objet" !!

Plus l'insecte va vers la mort, plus le corps"noircit" et pendant longtemps, je montais mes mouches au bord de l'eau selon "l'état" des insectes rencontrés.

Pour conclure sur cette question je dirais que je suis partisan de la mouche qui ressemble "à quelque chose", mais je ne peux pas nier que des mouches qui ne ressemblent à rien n'aient jamais pris de truites... par conséquent : laissez moi mon rêve...et je vous laisse le vôtre...".

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La question qui suit est un complément de la précédente en fait car de mon point de vue vous êtes un styliste dans l'art de monter des mouches... vous considérez vous comme tel ?... Comme quelqu'un qui a cassé les codes?

"Disons que moi je m'attache aux racines, le plaisir de la pêche nous venant des anciens, j'essaye de respecter leur style et leurs adages... avec un filet on peut prendre des truites... et manger des truites, si c'est ça que l'on veut, mais on ne va pas bien loin !

Au niveau "confection", on fait des choses très belles, mais il faut voir les mouches qui sont le plus à même d'être acceptées par le poisson et ça ça dépasse le cadre de la simple (aussi belle soit-elle) "confection"... Respectez la nature et la nature vous le rend! J'ai fait une mouche qui ressemblait à un Sherry Spinner parce quand je la mettais sur une glace de poche en plein soleil avec la mouche posée dessus et que je mettais l'insecte "vrai" à coté, la réfraction dans la glace était la même... donc dans ma petite tête j'ai pensé qu'il en était de même pour la truite ! Et avec ça il m'est arrivé, une fois, sur le Tarnon (c'est loin ça !!!) de prendre 63 truites de file avec la même mouche sans la sortir du bas de ligne! ... ça veut dire que la mouche était bien prise pour "quelque chose" et non pas pour une fioriture! ...Maintenant, si cela vous fait plaisir de le faire avec des plumes bleues et tout ce qui s'en suit cela vous regarde... j'ai énormément étudié une nymphe, celle d'ignita, qui saigne lorsqu'elle éclot, c'est une nymphe qui fait 8mm avec les cerques, elle est petite, je faisais ça au bout des doigts sur des hameçons de 16... 18.

Pour me faciliter la tâche, un pêcheur très connu dont je tairais le nom m'avait envoyé des plumes d'ibis (NDLR : pour figurer ce saignement, Pierre Miramont utilisait une plumette située sur la tête d'un pic-vert mâle) en me disant : "Tu mettras une barre de plumes d'ibis, comme ça tu t'emmerderas moins et tu auras le même résultat..."...Oui, mais pas dans ma tête."

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A travers votre oeuvre, on devine une faiblesse toute particulière pour la mouche noyée, pouvez-vous nous en dire plus ?

"Oui, j'adore la mouche noyée. Le poisson voit les mouches et les larves qui sont sa nourriture journalière et annuelle... il n'y a pas que les éphémères : il y a tout ce qui vit dans l'eau ! Tout cela fait partie du biotope et de la biocénose du poisson et donc il est habitué à manger sous l'eau. Les larves d'éphémères circulent sous l'eau et sont facilement appréhendées par tous les poissons et même par d'autres larves. Et lorsqu'elles sont écloses et adultes elle deviennent des "mouches" qui font le plaisir des pêcheurs à la mouche (NDLR : mouche sèche)... j'aime énormément la mouche noyée qui est beaucoup plus difficile que la pêche à la mouche sèche car là on ne voit rien et à la moindre faute le poisson fait demi-tour. Pour celui qui aime le rapport, c'est la pêche qui rapporte le plus... Mais à condition d'être dans de bonnes mains ! Parce que vous pouvez être capot au milieu de beaucoup de truites dans la pêche en noyée.

Le pêcheur au fouet c'est un homme qui ne devrait jamais râler parce qu'il devrait être heureux : il a les pieds dans l'eau donc il peut pêcher à la mouche noyée... il a la tête au soleil et il peut pêcher en mouche sèche. Il est toujours en prise directe avec l'eau et donc il faut qu'il comprenne bien que l'un ne va pas sans l'autre. Il pourra pêcher en mouche noyée les deux tiers de la journée alors que parfois une heure en sèche sera l'unique consolation qu'il aura de la journée. Il faut qu'il arrive à réfléchir...: ce qui n'est pas évident !...qu'il apprenne à voir ...ce qui est encore beaucoup plus dur car les gens croient voir mais ne font en fait que percevoir...ils ne voient pas réellement. Rien au bord de la rivière ne doit vous échapper, rien, rien, rien... la moindre vague, qui n'est pas à sa place elle a une origine... trouvez l'origine et je vous dirais qui l'a faite !!! (Rires)

C'est souvent à ce moment là que la pêche à la mouche noyée prend tout son sens : les poissons sont entre deux eaux, ils chassent, ils ne viennent pas en surface...il peut y avoir des mouches en surface, ils les ignorent souvent. La plus belle de toutes les pêches (NDLR : en noyée), qui est pour moi la seule valable, c'est celle qui se pratique en remontant, très difficile à faire, on pêche court, mais là : une touche ...une truite !!!

Les mouches sont aussi fines à faire, bien que plus grosses, qu'en sèche. C'est la qualité de la plume qui fait la qualité de la mouche. On prend des truites en mouche noyée avec des plumes molles, ça arrive... mais on en prend davantage avec des mouches avec des plumes raides montées à l'espagnole. La mouche noyée montée avec des fibres de plumes de coq limousins, "bien prises", "bien traitées" est sans égale et elle permet de pêcher toute la journée intelligemment...Et on pêche pas vite hein, faut pas croire. Un bon pêcheur peut pêcher 100 mètres de rivière et refaire jusqu'à trois fois le parcours dans la même journée et avoir des touches même au troisième passage...on passe tout le temps à côté d'un poisson qu'on a manqué."

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Vous êtes un expert en plumes de coq notamment, comment choisir un bon hackle ?

"Des plumes, j'en ai encore 700 ou 800 000 ici sur place... il y a de tout. Tout à l'heure je vous ai dis que je partais de "l'impression rétinienne": les subimagos nécessitent des plumes molles, c'est un fait. Faire une mouche qui se veut être un imago d'ecdyonurus, d'un cloeon ou d'un épéorus avec une plume molle c'est absolument ridicule! Il faut de la bonne plume, ça c'est sur...et la bonne plume n'est pas courante. Elle tient sur des coqs de pêche lorsqu'ils sont assez vieux et plumés de préférence en automne... on peut avoir des plumes qui tournent au gris-doré. Si on plume, sur une plumée d'automne en gris-franc la plume va tourner en gris-doré si on la laisse au soleil dans une pochette en plastique...ça c'est une astuce !!! Je préfère une bonne plume retaillée... et j'irais même plus loin une bonne plume bien teinte, qu'une mauvaise plume naturelle."

J'observe que vous retaillez presque toutes vos mouches quand même?

"Non...mais j'aime bien pour les imitations d’imagos parce que comme ça elles prennent la lumière jusqu'en haut des ailes...quand c'est trop fin ça ne me va pas. Le fait de couper, ça casse les angles et ça permet de mieux faire passer la lumière. On peut avoir aussi des plumes de pelles, qui sont très bonnes...pas que sur les grandes pelles !! Mais vous pouvez avoir des plumes de pelles qui sont courtes, qui ont des fibres courtes qui sont raides... le principal c'est de savoir bien la monter. Tout est là."

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Pierre Miramont
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Quelles furent les rivières que vous avez préféré fréquenter et pourquoi?

"Pour la vraie pêche à la mouche comme l'entendaient Charles Ritz et Tony Burnand (avec qui j'ai pêché), comme Joel Combrets et tout ça, qui étaient de grands pêcheurs à la mouche, j'aimais bien la "grande rivière" parce qu’elle a tous les faciès. Pour apprendre les faciès, rien de tel que Léon Foch. "Avec Dame truite", quand vous avez lu ça, vous connaissez les rivières pour le restant de vos jours...et même certainement la pèche aussi. Foch connaissait bien les rivières et j'ai pêché avec lui aussi. C'était des rivières qui étaient plus étroites avec beaucoup de rochers dedans... et convenaient mieux à mon style de mentalité. J'ai beaucoup aimé le Ger, ... le Job - qui était très difficile à pêcher - , j'ai pêché aussi le Garbet qui était assez difficile aussi... , l'Alet qui n'est pas des plus faciles... mais qui sont déjà au point de vue mouche plus faciles. Les rivières du Massif Central sont beaucoup plus difficiles à pêcher à la mouche que les rivières des Pyrénées, là il n'est pas question de faire de la technique, il est question de poser sa mouche juste du premier coup et au bon endroit !"

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Garbet
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Le Garbet en Ariège, cité par P.Miramont
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Parmi tous vos souvenirs, pourriez vous pour Truites & Cie nous faire revivre l'un d'entre eux qui vous aurait particulièrement touché ?

"Et bien l'un d'entre eux, c'est le jour où j'ai fait cette remarque à propos de l'Oligoneuriella Rhenana. J'étais en dessous du pont d’Héchettes, sur la Neste...le gouffre est profond et il est long. Il était 11h du soir, il faisait nuit...J'avais un beau ciel au dessus de moi, mais je ne voyais plus la berge. Et là, je m'attardais avec le reflet à ramasser des femelles qui étaient en train de pondre. Et c'est comme ça que j'ai pu me rendre compte que c'était vraiment tout l'abdomen qui était en réalité un paquet d'oeufs orange...

Ce sont des mouches du mois d'août, du coup du soir de la deuxième quinzaine du mois d'août et même parfois un peu septembre... Ce sont des grosses mouches qui, contrairement à ce qu'on a tout le temps lu..et je dis bien LU,...et par conséquent écrit, n'ont pas que la pointe de l'abdomen orange. Quand on le regarde de prés, c'est tout l'habitacle, tout le ventre qui devient le sanctuaire des oeufs...orange ! Et ces oeufs, elles les pondent exactement comme la Polymitarcis Virgo, la manne que l'on voit au mois de juillet sous les lampadaires là où il y a encore des grandes rivières, on les voit voler le soir....la Manne on l'appelle. Le vieux nom c'était la Polymitarcis Virgo, je crois que son nom actuel est l'Ephoron Virgo...

Je vous ferais voir des études que j'ai fait dessus ; j'ai fait analyser le paquet d'oeufs...Les oeufs sont englués dans une "huile" qui est très fluide. J'ai fait analyser cette huile par un copain chercheur à l'hôpital. Il résulte que cette huile a les mêmes propriétés que les ions en électronique, c'est à dire que les oeufs se repoussent les uns les autres, l'huile "repousse" un oeuf par rapport à un autre. Partant de ce principe: UN oeuf ne colonise qu'UN caillou donc il y a répartition de l'espèce dans l'espace.

Par la suite, moi j'ai arrêté d'y pêcher car j'habitais trop loin, mais j'ai fait quelques mouches pour des amis pêcheurs qui eux fréquentaient assidûment cette rivière et alors là le rendement était du simple au double !!...Facile !"

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Vous avez beaucoup écrit sur la pêche à la nymphe, la pêche à la nymphe telle que la concevait Skues et telle que je la conçois d'ailleurs moi-même, mais vous savez que maintenant dans l'esprit des pêcheurs quand ils parlent de la pêche à la nymphe ils ne parlent pas du tout de la même chose... vous le savez ?

"Oui... c'est pour ça que j'ai abandonné la pêche... Parce que j'ai rencontré des branquignols qui ne savaient même plus ce qu'était un éphémère... ils ne savaient même pas qu'il pouvait y avoir une pêche "à la mouche" !!!"

De votre point de vue, ce n'est pas une évolution...mais un dévoiement alors?

"C'est clairement un dévoiement" (NDLR: no comment)

Si vous aviez un message à délivrer aux nouveaux arrivants dans le monde de la pêche à la mouche, quel serait-il?

"Tout évolue... l'être humain aussi...pas tout le temps en bien. Et la pêche aussi ...pas tout le temps en bien !

La pêche somme toute, c'est le plaisir du poisson (Rires), le pêcheur n'est là que pour le lui procurer. Partant de là, ça dépend de la mentalité de celui qui tient la canne... On peut aller au bord de l'eau pour prendre du poisson; il vaut mieux à ce moment là aller chez le poissonnier car c'est beaucoup plus sur et beaucoup moins cher ! On peut aller au bord de l'eau pour trouver le calme, les rêves et tout ça et là je dis bravo. Comme le corps humain est majoritairement composé d'eau, on n'est pas étranger à ce domaine...si c'est pour ce plaisir et bien tant mieux! Je reconnais que nous nous avons connu une époque qui par rapport à maintenant était bien supérieure. Il y avait du poisson, il y avait moins de pêcheurs...et les pêcheurs qu'il y avait étaient des pêcheurs qui savaient pêcher, tandis que maintenant on tombe sur des groupes qui pataugent, qui n'ont pas compris, qui gueulent... qui n'ont pas compris que la pêche, c'est comme l'amour, c'est comme la politique ... pour bien la faire cela se fait dans le déduit."

Et pour conclure donc : "Primum Non Nocere"

 

Avec l'aimable participation de Pierre Souyri

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Infos utiles : 

Pierre Miramont est auteur de 2 livres :

  • "La pêche aux nymphes, mouches et plumes" paru en 1984 aux éditions Ouest France.
  • "L'éphémère et la truite" paru en 2002 aux éditions Gerfaut.
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A propos de l'auteur

Christian fait partie de ce que l'on pourrait appeler les "pêcheurs-naturalistes ". A une époque où le culte du nombre et de la taille des poissons…