Ne soyez pas bait, pêchez en casting !

pêche casting

Plaidoyer pour la pêche de la truite en eaux vives avec un moulinet à tambour tournant.

Les pêches bait finesses* sont en plein développement. Comme la grande majorité des innovations qui émergent dans notre loisir, cette technique a vu le jour au Japon. Elle a été développée dans le but de convaincre des black-bass devenus très méfiants suite à une pression de pêche particulièrement intense. Grace à l’utilisation d’un moulinet baitcasting* adapté, ce procédé permet de déposer discrètement de petits leurres à proximité ou au cœur des « covers* », zones de tenues préférées des diables verts. Très rapidement, certains pêcheurs bien inspirés se convertirent au bait finesse pour la recherche des salmonidés. Mais l'usage de moulinets à tambour tournant pour pêcher la truite n'est pas un phénomène si récent. Le seul obstacle à la diffusion massive de ce type de dispositif était leur faible capacité à lancer des leurres très légers. Mais dans ce domaine de la pêche finesse, les moulins casting ont accompli de tels progrès ces dernières années qu'il est désormais aisé de propulser n'importe quel leurre à truite… et d’un simple changement de moulinet, de profiter des réels avantages de l’emploi d’un tambour tournant dans la pêche des salmonidés en eaux vives.

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Un confort de pêche inégalé

Lors de la première prise en main d’un ensemble bait finesse, le pêcheur est frappé par la légèreté du matériel. Le poids de l’association canne plus moulinet s’élève au maximum à 240 gr pour les cannes les plus puissantes. Pour une 2-10 grammes, modèle très apprécié par les amateurs de mouchetées, il est facilement envisageable de tomber entre 200 et 220 grammes de poids total, soit, à peu de chose près, l’équivalent d’un bon moulinet spinning seul ! Et oui, à puissance égale un ensemble baitcasting est plus léger qu’un ensemble spinning. Le gain de poids entre un moulinet à tambour fixe et un moulinet à tambour tournant est très appréciable (de 30 à 70g sur les modèles adaptés à la recherche de la truite). Aussi, les anneaux de départ sont bien plus petits sur une canne casting et donc moins lourds. De cet allègement du matériel découle naturellement un accroissement de la vivacité et de l’aisance.

L’ergonomie est plus agréable. Le moulinet est compact, il se niche au cœur de la main et n’est pas décalé sous la canne. Cela confère au moins deux avantages en action de pêche : d’une part, la détection des touches est meilleure, la ligne étant plus proche du blank, celui-ci retransmet mieux ce qui se passe au bout ; d’autre part, cela accentue la sensation de légèreté et l’usage est moins fatiguant, plus naturel. Le confort de pêche s’en trouve nettement amélioré. Avec l’habitude, la canne devient le prolongement du bras et l’action de lancer s’effectue sans réfléchir à la gestuelle.

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Un moulinet bait finesse a une petite taille, il tient facilement dans la main.
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Un lancer qui décuple l'efficacité de la prospection

Le moulinet à tambour tournant permet de maîtriser son leurre avant même qu’il ne soit dans l’eau. Le pouce, qui n’a d’utilité chez le pêcheur spinning que celle de faire du stop, tient un rôle primordial en casting car il contrôle le dévidage de la ligne lors des lancés et permet d’amortir l’entrée dans l’élément liquide en appuyant progressivement sur la bobine (qui, avec un tambour fixe, n’a jamais fait fuir une belle fario à cause du « plouf » de son leurre lorsqu’il tombe dans l’eau). Les posés sont donc réalisés en douceur, dans une grande discrétion. Cette pression sur la réserve de fil intervient aussi de façon salutaire lorsque le lancé est un peu trop appuyé. Le tas de ronces qui baigne sur la rive d’en face est ainsi évité. Son joujou préféré est sauvé et la berge est pêchée au plus juste. La tension constante de la ligne dans les airs permet logiquement au leurre d’être opérant dès qu’il touche l’eau. Cela est impossible en spinning. Même si le pick-up est fermé manuellement quand l’artifice rejoint l’écoulement, il y a toujours un temps de retard. Le leurre aura un peu dérivé dans le courant avant que le pêcheur ne reprenne contact avec lui. C’est préjudiciable sur les postes aux périmètres très réduits qui sont monnaie courante en rivière de montagne.

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La précision des lancés est incomparable. Que celui qui croit réussir à poser son leurre où il veut en spinning se mette au casting. Il comprendra ce que « précision chirurgicale » veut dire. Une fois la technique maitrisée le pratiquant en bait finesse peut vraiment pêcher les postes les plus scabreux de manière méticuleuse, aux abords et même dans les obstacles. D’ailleurs, il est bien plus simple de réaliser une trajectoire basse en casting qu’en spinning. C’est très utile pour passer par exemple sous des branches surplombant la rivière. Bien entendu, lorsque le leurre passe là où les autres trépassent, la récompense est souvent au bout.

L’exécution du geste de lancé est hyper rapide. Le pratiquant n’a pas besoin d’ouvrir et de fermer le pick-up… car il n’y a pas de pick-up en casting ! En spinning il faut tout d’abord repousser cette encombrante anse de panier en faisant intervenir la main opposée à celle qui tient le moulinet, puis se saisir du fil avec son index et enfin se servir de la canne pour propulser le leurre. Un procédé qui nécessite l’emploi de ses deux mains et qui se décompose en différentes étapes se succédant dans le temps. Cette action se révèle longue et laborieuse une fois habitué au tambour tournant.

En casting la main gauche (pour un droitier) ne sert qu’à faire tourner la manivelle pour récupérer la ligne. En fait, il suffit d’appuyer sur le bouton situé à proximité immédiate de la base du pouce pour que la bobine soit mécaniquement débloquée. Une simple pression réalisée par la main qui effectue le lancer. C’est l’extrémité de ce même doigt qui maintient la bobine avant qu’elle ne soit définitivement libérée et que la ligne ne s’échappe à la fin du geste, lorsque le pêcheur ôte son pouce. La compacité du matériel est telle que j’oserai dire que le lancer s’effectue avec un seul doigt. En découle une grande vitesse d’exécution car le pratiquant presse le bouton alors même que la canne a déjà débuté son mouvement de balancier dans le but d’expédier le leurre. Contrairement au spinning, il y a ici dans l’accomplissement du geste une simultanéité de certaines actions, et celles qui se déroulent successivement dans le temps le font de façon très fluide et très prompte. Le pêcheur en bait finesse lance plus vite que son ombre.

Sur le terrain cela peut se traduire ainsi : dès que le leurre sort de l’eau il est renvoyé sans délai sur le poste suivant d’un circle cast*. Le leurre aura quitté l’élément liquide une ou deux secondes tout au plus. Il pénètre à nouveau l’onde, traverse le coup puis en sort. Le pêcheur peut alors choisir de le ramener rapidement pour relancer sur le poste suivant. C’est une sorte de power fishing* des bassers* appliqué à la truite (encore une référence au black-bass, que les truiteux* croulants intellectuellement et repliés sur eux-mêmes s'ouvrent un peu aux autres pêches, ils progresseront dans la leur). L’emploi d’un casting permet donc, si vous le souhaitez, une plus grande fréquence de lancés. La prospection est donc bien plus rapide avec un tambour tournant qu’avec un tambour fixe. De ce fait, le pêcheur en casting bat plus de terrain que son homologue en spinning. Il peut ainsi multiplier ses chances de rencontrer un poisson actif ou mettre à profit le temps gagné pour découvrir de nouveaux spots (ou faire autre chose, il n’y a pas que la pêche dans la vie).

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Poisson pris en « power fishing » lors de la pause déjeuner : en bait finesse il est possible de pêcher vite mais bien !
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Un débrayage facilité

Autre fonctionnalité bien plus aisée en casting : le débrayage. Certains d’entre vous ont compris l’utilité de pouvoir relâcher du fil (l’utilité de relâcher vos prises, surtout les grosses, vous l’aviez déjà compris, je ne vais pas m’étendre dessus). En effet, en certaines circonstances, le fait de laisser filer la ligne durant quelques secondes (et pas seulement de « rendre la main » sur quelques centimètres) est déterminant pour atteindre certains spots éloignés et/ou profonds (par exemple une soudaine cassure au milieu du chenal d’écoulement). Mais il faut aussi pouvoir ferrer à tout moment. En spinning, le laps de temps nécessaire à la fermeture du pick-up puis à la récupération de la ligne détendue est généralement fatal. La touche est manquée. Alors, pour remédier à ce manque de réactivité de nombreux pêcheurs prospectent pick-up fermé, avec l’anti-retour désactivé et tournent la manivelle à l’envers : ils débrayent. Cette façon de procéder n’est pas vraiment agréable mais elle permet d’être plus réactif et d’avoir moins de mou dans la bannière.

Pourtant, il y a plus efficace : utiliser un moulinet casting bien sûr ! Ici, nul besoin de débrayer en tournant la manivelle, il suffit d’appuyer sur le bien nommé bouton de… débrayage ! Vous savez, celui qui est situé à proximité immédiate de votre pouce (nous en avons parlé au-dessus). Une fois enclenché, la bobine se vide. Il suffit juste d’amorcer une esquisse de rotation de la manivelle pour immédiatement stopper le dévidage et reprendre contact avec le leurre. Tout cela en une fraction de seconde. Il n’y a pas plus simple et plus rapide. Et comble de la minutie, il existe même un mécanisme qui permet de régler la vitesse de dévidage de la bobine : le frein de friction. Vous pouvez lui faire confiance si vous souhaitez que votre bobine ne s’emballe pas trop ou si vous voulez garder un très léger contact avec le leurre lors de sa dévalaison. Sinon, votre pouce, encore lui, peut s’y substituer.

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Une gestion des combats optimale

L’architecture propre aux moulinets à tambour tournant permet un surcroît de puissance par rapport aux tambours fixes. En effet, contrairement aux modèles spinning, il n’y a pas d’angle droit entre la ligne et la bobine, donc pas de point de dispersion de la force mise en action pour rembobiner. Pour simplifier, un moulinet casting est un treuil. La réserve de couple semble inépuisable. Le pêcheur peut ainsi mieux maîtriser les combats avec de beaux poissons et les abréger s’il le souhaite. Pour la capture, le risque de mortalité dû à l’épuisement est diminué. Le fait aussi de ramener de grosses branches devient beaucoup moins contraignant, presque agréable.

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Une belle carpe prise en plein jus et sortie en moins d’une minute, c’est tout à fait faisable en casting !
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Il est également possible d’employer de grosses lignes avec de petits leurres. Contrairement au spinning, le baitcasting tolère très bien l’emploi d’importants diamètres sans que cela n’ait de véritables conséquences sur les capacités de lancer. Vous devez connaitre quelques profonds pools parsemés de blocs rocheux particulièrement coupants. Les belles farios qui y vivent savent très bien se servir de ces obstacles pour s’échapper en sectionnant la ligne. Y pêcher en tresse ou en nylon c’est prendre un trop grand risque de laisser agoniser une truite avec un leurre qui lui clôt la gueule... Il faut donc employer un corps de ligne résistant à l’abrasion, donc un fluorocarbone de 10-12 livres (26-28 centièmes environ). Avez-vous déjà essayé de lancer un leurre de 3-4 grammes avec un moulinet spinning et une ligne en fuoro de 28 centièmes ? C’est presque impossible. En casting, on s’en sort très bien, c’est fait pour ! Et les grosses mouchetées qui hantaient ces lieux dangereusement saillants peuvent enfin rejoindre votre épuisette.

Ce plaidoyer pour la pêche de la truite en eaux vives avec un moulinet à tambour tournant a énuméré quantité d’arguments qui représentent autant d’avantages indéniables. Je suis persuadé de pratiquer plus efficacement et de toucher plus de truites depuis que je pêche en bait finesse. Commodité, vivacité, aisance, agilité, facilité… tous ces aspects sont transcendés en casting. Au bout du compte, c’est le plaisir qui est plus intense. Essayez pour vous faire une idée, vous risqueriez d’être étonné.

 

Texte et photos de l'auteur, poissons pris sur le domaine public français

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LEXIQUE

Bait Finesse : Technique de pêche conciliant le matériel baitcasting et la pêche légère, appelée aussi finesse (la limite basse est ici autour de 2 grammes). Les spécialistes parlent de Bait Finesse System (BFS). Cette approche appliquée aux salmonidés a un nom, le Mountain Stream Bait Finesse.

D’ailleurs, si cette technique a été étudiée et qualifiée, cela tendrait à démontrer que nous ne sommes pas face à un concept totalement absurde dont la pratique s’effectuerait par une poignée de fêlés. La firme suédoise Abu Garcia proposa dès l’après guerre des moulinets baitcastings adaptés à la recherche de la truite. Ces exemplaires sont actuellement très recherchés des collectionneurs et notamment des Japonais qui pêchent toujours avec.

Moulinet baitcasting : Moulinet « à l’envers » pour ceux qui pensent pêcher « à l’endroit ». Moulinet « à l’endroit » pour ceux qui ne pensent pas pêcher « à l’envers ». Sur un baitcasting, le tambour tourne (comme dans une machine à laver le linge). En tournant, il récupère la ligne. Ce moulinet se place sur la canne.
Sur un spinning, le tambour est fixe. C’est le pick-up, appelé aussi anse de panier, (plus précisément le galet de pick-up ou guide fil) qui, entrainé par le rotor, enroule la ligne autour de la bobine. Ce moulinet se place sous la canne.

Cover : Couverture végétale... ou de toute autre sorte. Dans des eaux chaudes, on y trouve souvent des perches, black-bass, brochets... Dans des eaux froides, il se peut qu’il y est autre chose (une chose avec une adipeuse).

Circle cast : Littéralement « lancé en cercle ». Si Zorro signe d’un Z à la pointe de son épée, le pêcheur peut décrire un C avec le scion de sa canne pour propulser son leurre. Le leurre sort de l’eau et arrive en direction de l’anneau de pointe à 3H00. Il le contourne en décrivant un arc de cercle (il remonte le cadran et passe par 2H00, 1H00, 12H00, 9H00, 6h00) jusqu’à 4H00 où il repart alors en direction de la rivière, le pêcheur ayant libéré le tambour de son moulinet. La boucle est bouclée en une petite rotation du poignet, sans aucun temps d’arrêt.

Power fishing : Méthode de pêche qui vise à atteindre une fréquence de lancés maximale. Pour ce faire, le temps d’exécution des lancés doit être raccourci au possible. L’idée derrière ce concept est que le leurre aura plus de chances de croiser un poisson actif s’il parcourt plus de terrain et s’il passe plus de temps dans l’eau (et non dans l’air).

Basser : Pêcheurs de black-bass. Le groupe « poisson » n’est pas seulement représenté par la truite. Il y a aussi d’autres espèces. Le black-bass en fait partie.

Truiteux : Individu s’épanouissant lorsqu’il patauge dans les eaux fraîches et oxygénées. Il emploie de la ferraille, du plastique, des insectes, des petits poissons et des imitations à base de plumes ou de poils. Il est content de prendre l’eau (par opposition à prendre l’air). Parfois il sort une jolie truite. Il est alors très content.

A propos de l'auteur

Comme ses aïeux, Pierre pêche depuis tout petit. A ses débuts, suivant la tradition locale pyrénéenne, il procède au toc. Mais dès le premier contact avec un lancer, il…