Mouche sèche : bien construire la pointe

Lionel Ainard

Au fil des sorties, le moucheur s’enrichit d’observations et d’expériences. Il acquiert continuellement un vécu dont il se sert lors des séances suivantes au bord de l’eau. En prenant un peu de recul, il apparaît rapidement à nos yeux que les succès ne tiennent souvent qu’à peu de choses... le moindre détail omis involontairement dans le feu de l’action, peut anéantir toute chance de réussite. Passer à côté de sa pêche ou parvenir à tromper la méfiance de plusieurs belles truites ne tient parfois qu’à un fil... ou qu'à une pointe !

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L'importance de la pointe

On évoque souvent son changement lorsqu'elle est détériorée par le frottement sur les rochers ou lorsque sa longueur se trouve trop réduite après de multiples changements de mouche... pourtant, de nombreux moucheurs semblent ignorer la réelle contribution de la pointe à l’efficacité de leur pêche. Cette section terminale qui vous relie à l’artificielle et au poisson, a des répercutions notables sur la pertinence de votre prospection. De la discrétion du poser jusqu’à la qualité de votre dérive, la pointe influence toute votre action de pêche. De nombreux refus ou casses inexpliqués sont souvent la conséquence d’un choix de pointe impropre !

Opter pour une pointe adaptée à la situation de l’instant est tout aussi important que choisir l’artificielle en accord avec la réalité écologique du moment. Pour bien choisir la longueur et le diamètre de la pointe, il faut trouver le meilleur compromis en fonction des différents paramètres rencontrés en action de pêche. Voyons comment les déterminer !

NB : nous avons déjà abordé la construction de la pointe dans le cas de la nymphe au fil (ici), nous resterons donc ici dans le cadre de la pêche en mouche sèche. 

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La bonne longueur

La longueur de la pointe lorsqu'on pêche en sèche dépend essentiellement de la longueur de la dérive de la mouche :

  • Si la prospection fait appel à des dérives courtes (quelques dizaines de centimètres tout au plus) et des posés ultra-précis comme on le rencontre couramment en eau rapide, une pointe trop longue ne permettra pas de déposer sa mouche dans quelques centimètres carrés... mais attention, trop courte, la pointe favorisera un dragage rapide... Elle mesure le plus souvent entre 80cm et 1m50 dans ce contexte. En ruisseaux et torrents, la densité de la ripisylve influera elle aussi la longueur de pointe : en effet fouetter entre les branches ne favorise pas les longues pointes...
  • A l’inverse, en présence de longues coulées baignées de courants uniformes comme en produisent les grandes rivières, une longue pointe améliorera sensiblement la fluidité de la dérive et compensera les micros courants parasites. Le poser de votre artificielle sur la pellicule de surface en sera plus doux. Pour ce qui est la légère perte de précision qui découle de l'allongement, vous pourrez la réduire en vous appliquant d'autant plus. Une longueur de 2 à 3m de pointe peut alors être envisagée.
  • comme critère secondaire de choix, nous pourrions également évoquer la longueur de la canne utilisée, notamment pour la pêche en petits milieux : dans l'école pyrénéenne de la pêche en eaux rapides, on utilise généralement une canne longue (10' ou plus), une soie naturelle fine et un bas de ligne court (une longueur de canne max). Dans ce cas, une pointe courte peut être envisagée, le dragage étant limité par la tenue de canne qui soustrait un maximum le bas de ligne à la surface. Au contraire, dans l'approche canne courte (entre 7 et 9')/soie standard/bas de ligne long (2 longueurs de canne environ), la pointe peut être allongée. Elle participe alors à limiter le dragage, conjointement aux posés particuliers (posé courbe ou paquet par exemple) mis en oeuvre dans cette approche.
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pêche sèche
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Eaux rapides, pêche précise et dérives courtes = pointes relativement courtes
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pêche sèche grande rivière
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Pêche de plat et dérives longues = pointes relativement longues
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Le bon diamètre

Tout autant que la longueur, le diamètre de la pointe que vous choisirez aura des répercussions sur le résultat de votre action de pêche. Si vous produisez une excellente dérive avec une artificielle adaptée mais que le diamètre de votre pointe est inadapté, vous courez à l’échec par perte du poisson ou refus. Le diamètre de la pointe devra tenir compte de nombreux paramètres :

  • Il devra être en harmonie avec la taille de la mouche : une artificielle de petite taille sur h18 ou 20 nouée à l'extrémité d'une pointe trop grosse  en 16/100 sera inopérante, tout comme une trop grosse mouche sur une pointe trop fine entraînera automatiquement le vrillage du nylon. Il est généralement admis qu'une mouche sur h14 ou plus gros nécessite une pointe de 14/100 au moins. A partir de la taille 16 et plus petit, on peut descendre en 12/100 et moins.
  • Le contexte hydrologique : dans de forts débits ou quand l’eau est mâchée, il est possible d’augmenter le diamètre de sa pointe sans pour autant desservir ses chances de réussite. Au contraire, dans les minces filets d'eau estivaux en présence de truites aux aguets, vous serez parfois contraints de descendre en 10/100 voire moins.
  • L’environnement dans lequel vous évoluez détermine aussi le diamètre de la pointe : en effet l’encombrement des postes (ripisylve) ou les pièges pouvant être présents sous l’eau, doivent vous inciter à adapter votre pointe. Sur des postes à forte végétation nous devrons réaliser une estimation du risque afin d’évaluer le diamètre adéquat. Le choix d’un diamètre trop fin dans un environnement encombré ne devra être utilisé qu’en présence de poissons très éduqués, ce qui survient rarement (petits milieux encombrés = truites gentilles dans la majorité des situations). Au contraire, la pèche en sèche des grosses truites près des embâcles peut vous conduire à choisir un bon 16/100 voire plus !
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pêche étiage
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Dans le cas des pêches fines estivales au spinner par exemple, le diamètre peut descendre jusqu'au 10/100 !
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  • On en vient à la taille moyenne et au degré d’éducation des salmonidés que vous sollicitez : un diamètre de pointe trop fin dans un secteur accueillant des gros poissons se terminera souvent par une casse avec parfois la mort du poisson à la suite d’un combat trop long ! Ici aussi le choix du compromis sera de rigueur. Par exemple, sur les rivières pyrénéennes où je pratique, il m'arrive régulièrement de présenter une grosse March Brown en 16 ou 18/100 ! Au contraire, sur les parcours où les salmonidés sont très méfiants, l’utilisation de pointes fines ne peut pas être évitée... il faut dans ce cas choisir une canne tolérante comme expliqué dans le point suivant :
  • Tout comme la longueur de la canne influence le choix de la longueur de pointe, son action et sa puissance affectent le choix du diamètre : les cannes d’action rapide sont souvent trop raides et occasionnent des casses quand les ferrages sont trop virils, attention à ne pas se tromper de diamètre de pointe ! Si vous utilisez une 9' #6 d'action fast par exemple, il sera très difficile de descendre en dessous de 12 ou 14/100 sans risquer de perdre le poisson. Si vous êtes dans la nécessité de pêcher fin (12/100 ou moins), préférez des cannes d’action moderate fast pour une puissance inférieure ou égale à #5. Seule la connaissance de votre matériel vous aidera dans ce cas, c'est pour ça qu'il est déconseillé d'en changer trop souvent !
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Lionel Ainard
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Pour les truites opportunistes de haute montagne, inutile d'exagérer l'affinage de vos pointes...
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Nylon ou fluorocarbone ?

Afin de confectionner nos pointes de bas de ligne, nous utiliserons du nylon ou du fluorocarbone en fonction des conditions. Par conséquent il est conseillé de posséder quelques bobines de ces deux types de fil dans son gilet.

Nous accorderons une préférence au fluorocarbone lorsque nous pratiquerons par conditions ensoleillées, dans des courants faibles, en présence d'une eau très claire, et plus généralement lorsqu'il est nécessaire d'immerger légèrement la pointe sous la pellicule de surface pour obtenir d'avantage de discrétion. La densité du fluoro étant supérieure à celle du nylon, il a tendance à couler. De fait, il s’avère beaucoup plus discret et moins visible par les salmonidés, ce qui, dans ces conditions extrêmes, peut faire la différence ! En lac de montagne aussi, son usage est particulièrement opportun afin d’éviter, lors des jours de calme plat et de grand soleil, de projeter l'ombre du nylon sur le fond.

Dans toutes les autres situations rencontrées, le nylon convient très bien et peut même se révéler très avantageux grâce à son élasticité.

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pêche lac de montagne
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Pêche en sèche sur un lac d'altitude d'huile = pointe en fluorocarbone
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Vous le voyez, la confection de la pointe dépend d'un grand nombre de paramètres et le compromis n'est pas toujours évident à trouver ! Aussi, lorsque vous subirez des refus, des casses et autres désagréments, pensez toujours à la cohérence de votre pointe avec les conditions rencontrées. Cette section de fil revêt une incidence tout aussi importante que l’artificielle que vous nouez à son extrémité !

Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…