Pêche d'étiage à la mouche (part1) : stratégie et matériel

pêche d'étiage

L'été passe toujours trop vite et nous y voilà.

Quelques petites semaines nous séparent de la fermeture de la pêche en première catégorie, Août et Septembre sont le dernier petit tiers d'une saison, qui comme toutes les autres est passée bien vite.

Alors Août, Septembre, les eaux basses et moi...

Comme en atteste ma tronche d'explorateur, je suis du genre curieux question rivières et si j'aime énormément découvrir de nouveaux parcours et terroirs tout au long de la saison de pêche, je dois bien admettre que l'été reste pour moi un retour au sources, un défi lancé à mes bonnes vieilles truites ariégeoises si difficiles, avec, je l'espère toujours, de nouveaux acquis.... pour de nouveaux succès !

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Evolution de l'activité estivale des truites : 

Aussi, avant d'aborder l'épineuse question de la pêche durant cette partie de la saison, je tiens d'emblée à préciser qu'il n'en va que de mon expérience dans un milieu bien défini : rivières pyrénéennes claires, semi-rapides, assez peu profondes, dépassant rarement les 10 mètres de large l'été et dont l'altitude varie entre 600 et 900m. Les truites que l'on y rencontre mesurent entre 18cm et 30cm... Rarement plus.

Le mois de Juillet est coutumier de belles parties de pêche. La mouche sèche reste à l'honneur tant que les dernières "mouches de courant" intéressent encore les truites.

Août arrivant, l'étiage s'installe (de plus en plus sévèrement je le crains...) et la présence des insectes se fait de plus en plus discrète. Les truites, furtives, semblent moins disposées, la pêche devient très difficile et à l'extrême parfois même inintéressante.

On remarquera que, sauf conditions d'eau et/ou de climat particulier, l'état de fait sus-évoqué est une constante forte de la première quinzaine de août. En montagne une transition climatique s'opère régulièrement juste après le 15 du mois, les pluies reviennent, la température baisse, certaines mouches apparaissent...ou réapparaissent.

Inévitablement la tendance s'inverse, et d'ailleurs plus la fermeture approche et plus séduisante est la pêche.

Evidement ceci n'est pas gravé dans le marbre, mais cela constitue une tendance très marquée qui se confirme de saison en saison.

Je n'évoquerais dans cet article que les "difficultés" de la pêche en journée, le coup du soir, de même que celui du matin, étant d'un contexte particulier qui mérite un article à lui seul.

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De mon observation, il résulte que le milieu de journée (comme en début de saison tiens!) et la fin d'après-midi sont les moins pires moments pour réussir lors des journées ensoleillées.

Si le temps est pluvieux et si les niveaux sont restés stables, tout est différent, la pêche est alors plus classique, plus facile, en sèche notamment. En revanche si une baisse des pressions atmosphériques s'associe à une chute tout aussi brutale de la température alors cela devient très mauvais, catastrophique, plus une truite dehors... j'ai constaté ça à de très nombreuses reprises, tout est nuance en cette période.

Mais bon... le soleil revient vite.

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Le problème principal auquel nous allons être confronté est celui de l'approche. Les truites, quoique facilement observables, ont une activité alimentaire bien amoindrie par rapport au début de l'été et s'enfuient pour des riens, en semant la panique chez les autres individus postées aux alentours.

Une reflet malencontreux, une mauvaise position du pêcheur (cf. L'excellent article de Lionel Ainard), un coup de pied maladroit dans un caillou, des faux lancers intempestifs, le moindre dragage, une mouche un peu trop farfelue... toutes les occasions sont bonnes pour mettre le poisson en alerte.

Le grand soleil, la canicule et une eau très basse sont nos pires ennemis dans ce contexte. Comme ces conditions sont désormais les plus fréquemment rencontrées, il va falloir en tenir compte à tous les instants.

Ne vous abstenez pas de pêcher l'eau de manière classique si les poissons sont mordeurs, la pêche n'en peut être que plus gratifiante en termes de prises, mais avouez que ceci est rarement le cas lors des situations dont on parle et ces jours là se comptent sur les doigts d'une main pendant la période qui nous intéresse.

Les conditions et les truites vont nous imposer un tout autre point de vue et donc une toute autre approche.

Il s'agit d'une prise de parti, mais j'estime qu'une pêche dite "lente" et à vue, que ce soit en nymphe ou en mouche sèche est la meilleure des stratégies afin de profiter au mieux du contexte estival. Car si les truites sont difficiles, elle sont en revanche facilement visibles (tout du moins dans les rivières ou j'opère), et c'est là un des rares points positifs sur lequel prendre appui pour réussir un tant soit peu... c'est une pêche de défi, d'observation, parfaite pour tester la qualité de ses nerfs.

L'idée est de s'abstenir de pêcher l'eau quand bien même la tentation serait grande et d'être économe de ses gestes. De repérer chaque truite et d'analyser son comportement afin de choisir la meilleure option pour enfin essayer de la convaincre... On va faire du sur-mesure pour chaque poisson rencontré !... N'est-ce pas passionnant?!!

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Un matériel adapté au contexte

Il va nous falloir pour cela un matériel léger et néanmoins polyvalent qui nous permette de passer de la nymphe à vue à la mouche sèche sans la moindre équivoque. En ce sens l'équilibre du bas de ligne sera un facteur déterminant de réussite et de confort. Je ne reviendrais donc pas sur la qualité de la présentation et de la dérive, ceci fait l'unanimité chez chacun d'entre nous, mais s'il y a un point sur lequel j'insiste c'est celui de la précision.

Certains de mes compagnons de pêche pourront même vous dire que j'insiste... LOURDEMENT!!!

Je m'explique un peu par rapport à la précision: dans cette pêche, on ne fera jamais de longues dérives. Hors cas particuliers, il faut poser son artificielle 50 cm en amont du poisson en moyenne et le faire si possible lors du premier lancer. Si l'on doit se planter, il vaut mieux toujours être court.

"Coiffer" le poisson de toute une grande partie du bas de ligne -ou pire, de la soie - aura un effet dévastateur sur le résultat final et se traduira le plus souvent par la fuite désemparée de la truite.

Aussi libre et légère que se présente notre mouche savamment choisie, si l'on a "stressé" notre cible avec toute une série de posers approximatifs, neuf fois sur dix il est trop tard, notre poisson est alerté, on ne le prendra pas. Donc précision toute! J'insiste!!!

A titre personnel, j'utilise pour cette pêche une Marryat Tactical 10' pour soie de 3 et surtout une soie parallèle naturelle fabriquée de main de maître par un ami cher. Cette soie, très fine et très dense représente une forme d'optimum et me permet d'utiliser un bas de ligne relativement court : un peu plus d'une fois la longueur de la canne. Pour avoir pendant des décennies pêché avec des soies synthétiques, il est inutiles d'espérer avec elles de grands résultats avec des bas de lignes qui seraient de moins de deux fois la canne...minimum!!

A chacun son matériel et ses préférences, mais voici toutefois comment se constitue mon bas de ligne :

45/100 45cm

40/100 40cm

35/100 25cm

30/100 20cm

25/100 20cm

20/100 20cm

18/100 20cm

15/100 30cm

12/100 40cm

+ pointe à la demande (8 ou 10/100) plus ou moins 80cm

Je le bricole sans cesse et on doit pouvoir l'améliorer, mais avec une soie fine et naturelle, il passe très bien.

L'équation à résoudre est celle du meilleur compromis afin d'obtenir la plus grande précision possible sans jamais avoir à sacrifier la qualité de la dérive. Plus facile à écrire qu'à faire.

Pour la pointe, 80cm à 1m de 8 à 10/100 constitue le standard de base, que je rallonge parfois lors de la pêche en nymphe à vue.

D'ailleurs, il ne s'agit pas du tout de la pêche à vue telle qu'on l'entend dans le grand Est de la France avec de très longues dérives, animations etc... La formulation "nymphe à vue" est peut-être ici un abus de langage. Il s'agit plus en fait d'une extension de la pêche en mouche sèche adaptée à des nymphes. Sans changer de matériel, on passe de la sèche à la nymphe en intégrant le paramètre "profondeur" toujours aussi déterminant comme dans toute pêche sous l'eau.

Un peu comme si l'on passait de la 2D à la 3D.

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Décrypter le comportement de la truite vue :

A-t-on repéré une truite en activité? Oh oui bien sûr ! Elles sont encore nombreuses dans la plupart de nos cours d'eau !

Maintenant la première des chose à faire et de se placer de la façon la plus judicieuse pour pouvoir l'aborder dans de bonnes conditions, et surtout soyons discrets ! Observons avant de faire le premier lancer, la truite certes, mais aussi son environnement immédiat. N'y en a-t-il pas une autre, plus près de nous, plus à l'ombre ou dans un contre-jour ? Peut-être plus grosse? Ne va-t-elle pas mettre le premier poisson repéré en fuite ? Ne nous précipitons pas. Ce sont vraiment des réflexes qu'il faut acquérir dans cette pêche à vue...à tous les instants.

Passons maintenant à notre poisson, observons un peu son comportement. Si il gobe, régulièrement qui plus est, c'est le cas le plus facile car c'est un poisson en pleine confiance. On tentera de lui présenter correctement une mouche crédible pour la saison (fourmi, micro palmer, spent, petite oreille de lièvre etc...) pour espérer le prendre.

L'erreur fatale à commettre est de représenter la même mouche à un poisson qui l'a déjà refusé dans de bonnes conditions de présentation, 8 fois sur 10 on cale la truite, elle reste visible, mais ne monte plus sur vos mouches. Je sais d'avance que certains vont sourire en lisant ça, niant fermement que la mouche a une réelle importance, munis d'un arsenal d'arguments soit disant irréfutables, arguant que "la présentation ceci...", "la truite cela..." mais j'attends toujours qu'on me démontre le contraire canne en main, sur ces mêmes parcours... et ça fait plus de 30 ans que j'attends. Si j'étais ironique, je rajouterais même que je suis patient et facile à convaincre...à condition de venir avec des arguments concrets sous peine de vite se retrouver "en slip sur la banquise"!

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Vient le cas ou votre poisson semble très actif mais ne gobe jamais...ça se complique, mais rien de grave ! On parvient tous à la conclusion que le poisson se nourrit sous l'eau. Or parfois c'est juste l'absence d'insectes à la surface qui fait que le poisson ne gobe pas. Peut-être a-t-on affaire à une opportuniste? Tentons donc un premier essai en sèche. Si cette truite reste indifférente ou refuse, n'insistons pas, ne la calons pas de suite, il faut passer en nymphe !

Plus de trois fois sur quatre le choix d'une petite Pheasant Tail (h18) sera gagnant.

Si le poisson fait de nombreux et courts déplacements latéraux c'est bon signe, il prend certainement tout ce qui passe dans sa fenêtre de préhension du moment que c'est petit et comestible. On doit le prendre si l'on ne fait pas de faute technique. Il suffit pour cela de présenter sa petite nymphe dans sa zone et de ferrer à l'instinct...au déplacement de la truite. Pour ceux qui débuteraient dans cette pêche, je vous rassure : il est normal de beaucoup rater au début ! À force cela devient un réflexe et on ne sait plus vraiment "pourquoi " on ferre, mais le poisson est au bout !

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Autre cas : le poisson est plus ou moins indolent mais semble se nourrir néanmoins. Ses déplacements sont moins fréquents mais se font sur des distances plus grandes (de 50cm à 1m) et parfois même la truite revient en arrière comme furieuse d'avoir laissé passer son mets favori...alors là danger! C'est un poisson qui choisit ses proies et sera sélectif, ce sera un poisson plus difficile à prendre. Petite observation : Les nymphes de Bwo et les toutes petites fourmis noires impliquent régulièrement cette attitude.

On distingue parfois un poisson dans des situations ou l'on ne le décèle que par intermittence, dans des contre-jours compliqués ou certains types de courant ou l'observation directe et continue ne peut s'établir. Tant mieux si on peut le pêcher en sèche, le challenge sera moins âpre à relever. Si nous sommes en revanche contraints de pêcher cette truite en nymphe ce sera alors un cas techniquement difficile.

Il faudra le pêcher au jugé, être sur de soi et comme on ne peut pas espérer vraiment voir le poisson se déplacer pour ferrer, on ferre à l'intuition. Il faut pour cela un certain métier.

Il y a aussi les poissons peu actifs, ce sont les plus nombreux. Généralement postés dans très peu d'eau ce sont aussi les plus craintifs. Discrets, ce sont eux qui vous filent entre les jambes alors que vous aviez les yeux rivés sur le poste au dessus.

Ils ne se déplacent que très peu ou pas du tout. Figés dans des poches d'eau ou le courant semble ne pas exister, il faudra pour ces poissons, leur mettre la nymphe juste sous le museau pour que peut-être ils s'en emparent... je note qu'une "nymphe" de chironome parfois les décide un peu mieux que les autres modèles.

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Ce ne sont là que quelques cas d'école afin de définir les grands axes de cette pêche à vue, il va de soi que chaque cas est unique et que nos séances de pêche nous en proposeront bien d'autres.

Rappelons-nous juste que pour chaque poisson rencontré il faudra lui appliquer une stratégie qui lui est propre et c'est là tout le charme de cette technique.

Nous avons planté le décor, les circonstances, mais il va bien falloir parler mouches un petit peu non?

Soutenus par un suspens Hitchcockien nous aborderons d'ici quelques petites semaines le menu de ces poissons ainsi que les imitations censées correspondre à cette nourriture. ...Patience, je suis déjà au travail.

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Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

A 47 ans, Christian fait partie de ce que l'on pourrait appeler les "pêcheurs-naturalistes ". A une époque où le culte du nombre et de la taille des…