4 mouches sèches faciles à monter pour grosses truites pyrénéennes

mouches sèches

Affirmer sans sourciller que l’on peut taquiner les grosses truites des Gaves pyrénéens tout au long d’une saison avec uniquement 4 mouches artificielles distinctes semble impossible, il suffit de constater la richesse des écosystèmes qui caractérise nos cours d’eau. Les divers invertébrés qui peuplent l’envers des galets de nos rivières sont encore nombreux malgré l’incontestable réchauffement climatique et partir prospecter avec 4 mouches peut sembler relever de la fantaisie d’un rêveur.

Alors quand mon rédac' chef m’a proposé d’écrire un article à ce sujet, j’ai hésité puis en faisant la rétrospective des saisons passées je me suis rendu compte que finalement j’utilisais un nombre d’artificielles restreint au regard de la quantité qui trône au fond de mes boîtes. Il suffit parfois de regarder les vestiges de mouches suspendus au porte mouche de nos gilets pour se rendre compte que l’on noue souvent les mêmes au bout de nos pointes, peut-être pour nous rassurer !! Sans même penser aux quolibets de certains qui jugeront ces lignes simplistes et réductrices au regard d’une pratique que nombre d’entre nous complique souvent inutilement, je me suis lancé. En distinguant celles de mon panthéon personnel et en élargissant leurs domaines d’utilisation, j’avais les piliers de mon fameux papier !

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De l'importance de la connaissance des biotopes

Le défi en demeure de taille car cibler les artificielles indispensables, celles qui font vraiment ouvrir la gueule des belles, n’est pas si facile que ça. Ces mouches seront choisies en fonction de leur abondance et de l’attrait qu’elles suscitent sur les gros poissons durant leurs périodes d’émergence. Les contraintes dues à la pression de pêche qui rendent ces poissons trophée très regardants et suspicieux à l’égard de nos mouches n’arrangent en rien notre petit défi. Je fais pourtant encore parti de ceux qui accordent plus d’importance à la qualité de la dérive qu’à la mouche, mais dans cette situation précise, sur des poissons éduqués, le droit à l’erreur est très faible. Le premier passage sera déterminant, les secondes chances rares et généralement infructueuses.

Opter pour un choix d’imitations limité peut sembler curieux à l’heure où sur internet on peut trouver pléthore de montages et où chacun semble vouloir imposer ses choix sans même se demander si les modèles présentés sont adaptés à la rivière et au moment où il pratique. Cette situation complique sérieusement l’apprentissage de notre technique alors que l’on peut encore prendre des salmonidés avec des mouches simples à condition de savoir quand et comment les utiliser. Nombreux sont ceux qui reproduisent sans même comprendre l’utilisation des dressages compliqués, pris dans des livres, des revues ou sur le net croyant ainsi naïvement construire la boîte parfaite. Un montage ne produira une impulsion de gobage dans le cerveau d’un salmonidé que s’il colle parfaitement à la réalité du moment, aux insectes naturels sur l’eau.

Les grandes rivières pyrénéennes voient leur saison amputée par une longue période d’eau de neige durant laquelle celles-ci sont impraticables avec une canne à mouche. Cette trêve imposée et de durée variable en fonction du bassin versant partage la saison en deux parties bien distinctes. Cette période comprise entre la fin avril et la fin juin qui - sur les rivières sans eau de neige - est synonyme d’abondance d’insectes et de salmonidés actifs tout au long de la journée, est ici, à l’inverse, particulièrement médiocre. Sur les grands cours d’eau l’eau forte, grise et froide bloque l’activité des salmonidés en surface, cette particularité propre à ces rivières nous aide à cibler nos artificielles en proposant deux mouches pour le début de saison (avant la fonte) et deux autres après la fonte, jusqu’à la clôture de la saison de pêche.

Cette pause involontaire qui partage la saison raye de la liste un nombre considérable d’insectes probables à cette période, présents dans des rivières non perturbées par l’eau de neige. Lorsque l’on énumère les insectes capables par leurs abondantes éclosions d’inciter des gros poissons à s’activer en surface, l’on se rend compte qu’en début et en fin de saison, ceux-ci ne sont pas bien nombreux. Cette constatation est d’ailleurs plus flagrante sur nos grands cours d’eau où nombre d’invertébrés voient leurs conditions de développement perturbées par l’hydroélectricité et autres agressions humaines. Seuls quelques insectes résistants sont capables de mettre à table durablement ces gros salmonidés.

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pêche olive
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Comprendre la notion du stimulus

Au travers les lignes qui vont suivre, je vais vous présenter 4 mouches que je juge indispensables en argumentant pour chacune d’elle leur plage d’utilisation et les outils afin d’élargir celle-ci. Modifier vos artificielles en modifiant leur taille, volume et la manière de les monter permet d’obtenir des mouches aux caractéristiques différentes tout en gardant des matériaux de montage identiques. En enlevant des fibres sur le dressage, on obtient des mouches moins volumineuses et flottant moins haut, tout comme en passant d’un montage classique type araignée à un dressage parachute, nos mouches peuvent être transformables à souhait. La méthode de montage classique ou en parachute aura des conséquences sur la position sur l’eau et sur le niveau de flottaison. En procédant ainsi nous créons des modèles très polyvalents qui sont en fait les déclinaisons de dressage de base initialement destinés à l’imitation d’insectes bien précis.

Lorsque l’on dresse une artificielle en tenant compte de tous les paramètres cités plus haut et en jouant sur certains comme le ton général et la couleur, on regroupe un ensemble de stimuli qui persuaderont ou pas la truite de se saisir de votre mouche. Toutes nos artificielles se doivent d’être un concentré de stimuli communs aux insectes naturels afin de justement stimuler les truites à les gober. Le processus d’impulsion déclenchant le gobage chez la truite n’est possible que lorsque votre artificielle concentre en elle au moins quelques stimuli communs aux insectes naturels présents à ce moment-là. Pour être attractives, vos artificielles doivent intégrer ces caractéristiques capables de suggérer à la truite une mouche naturelle et comestible.

Afin d’obtenir des mouches simples à dresser, je fais volontairement l’impasse de certains stimuli en ne conservant que ceux qui me semblent indispensables à l’attractivité du montage. Cette manière de procéder n’a rien de scientifique et n’est que le fruit de mon vécu lors de longues heures sur les berges des rivières du Sud-Ouest. Ce sont mes divers tâtonnements et atermoiements qui, au fil des saisons, m’ont convaincu de l’intégration ou non de tel ou tel stimulus. L’expérience de chacun en fonction de l’environnement où il pratique ne produira pas forcément les mêmes convictions que les miennes car cette démarche qui nous fait évoluer différemment dans le montage.

Inutile de rechercher dans l’antre de mes boîtes des mouches esthétiques aux dressages soignés, je n’ai pas la passion de l’étau et le talent pour dresser ce type de petits bijoux. Je laisse ce talent à mon collègue et ami Christian Guimonnet quitte à lui piquer les imitations que mes piètres compétences de monteur m’empêchent de dresser correctement. J’aime monter rapidement des séries de mouches sans pour autant soigner mes enroulements et l’écartement des cerques qui les équilibrent. Mes artificielles seront certainement jugées moches dans les coulisses feutrées d’un salon, mais tant quelles plaisent aux truites, elles feront mon bonheur. Quitte à passer pour un besogneux, j’avoue que ma démarche individuelle ne sera pas forcément en accord avec la pratique de tout le monde néanmoins elle ne m’empêche nullement de prendre pas mal de beaux poissons.

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pêche en sèche
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Mes 4 mouches et leurs déclinaisons

Pour le début de saison quand les eaux permettent une prospection normale et que les conséquences du réchauffement climatique ne produisent pas des fontes précoces, j’opte pour 2 mouches. Rien d’original dans le choix, ce sont les deux éphémères qui par leurs abondantes émergences captivent les belles truites qui doivent se refaire une santé après la fraie et l’hiver.

Les premiers jours de la saison voient de grosses éclosions d’olive avec la fameuse Beatis rhodani et de la non moins célèbre March Brown (Ritrhogena germanica), ces deux magnifiques éphémères constituent les deux mouches que tout moucheur se doit de posséder dans sa boîte. Je fais ici volontairement l’impasse sur Ecdyonurus qui fréquente plus les têtes de bassin et autres torrents caillouteux où les grosses truites sont peu communes et sur la famille des sedge qui, à cette période, n’engendre pas encore d’éclosions massives.

Voici mes deux dressages type de début de saison que je vais décliner en diverses tailles et formes afin de traverser toute la première partie de saison. Certaines déclinaisons seront utilisables même en seconde partie d'année comme nous le verrons !

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olive
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Une olive

Formule Beatis Rhodani :

  • Hameçon : Kamazan B405 en 14 pour le modèle de base
  • Cerques : Plume de coq (chocolat)
  • Corps : fil de montage olive moyen (vernis)
  • Ailes : poil de chevreuil naturel ou cdc au choix
  • Hackles : plume de coq (gris sombre)

Lors des éclosions de beatis, j’utilise cette imitation en 14 sur des tiges courtes. Je la monte en version classique où elle est généralement bien acceptée lors des émergences de subimago et en montage parachute face à des truites plus suspicieuses. La version parachute flotte moins haut et me semble plus productive lors des grosses éclosions où la présence de still born (mouche "mort née") est importante.

Adaptation du montage : dans les tailles inférieures (16/18/20) et teintes légèrement plus claires, cette imitation représente tout au long de la saison une olive et reste prenante jusqu’à la fermeture. A vous de gérer l’utilisation des matériaux afin d’avoir toujours une mouche artificielle adaptée à la situation.

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march brown
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Une March Brown

Formule rithrogena :

  • Hameçon : Kamazan b405 en taille 10/12 pour le modèle de base.
  • Cerques : plume de faisan
  • Corps : plume de faisan cerclée d’un fil beige sale/fil de montage marron
  • Ailes : poil de chevreuil naturel
  • Hackles : plume de coq (chocolat)

En présence de March brown cette imitation est très prenante, prenez soin de la présenter avec parfois une artificielle légèrement plus volumineuse que les naturelles qui dérivent ; c’est d’ailleurs pour cette raison que le modèle de base est dressé en 10 ou 12 pour ne pas être trop "noyé" dans la masse d'insectes dérivant. Attention, il arrive que sur les éclosions de March, les truites soient hyper sélectives sur la taille et le volume. N’oubliez jamais que l’attrait de Ritrhogena germanica est dû à sa taille et son volume important qui, lors de cette période, est une importante source de protéines. Cette imitation fonctionne très bien en version parachute où parfois elle s’avère plus prenante.

Adaptation du montage : les déclinaisons de taille inférieure (14) donnent des mouches d’ensemble type rithrogena utilisables jusqu’à la fermeture !

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Pêche mouche
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L'auteur avec une belle prise lors d'une éclosion de March Brown
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La seconde partie de saison après la fonte des neiges, voit la température de l’air et de l’eau sur les secteurs aval augmenter rapidement et une activité des salmonidés ne se produire, pour les jours les plus chauds, que le matin, en pré-coup du soir et coup du soir. Les journées pluvieuses et fraîches sont en revanche excellentes quand l’écart entre la température de l’air et de l’eau n’est pas trop important. N’étant pas très matinal, je vous proposerai deux mouches couvrant idéalement les conditions rencontrées en journée ou au coup du soir : la fameuse BWO (ephemerella ignita) et un sedge en chevreuil seront mes deux mouches pour opérer dans ces eaux dorénavant assagies. La BWO sera l’arme des journées fraîche et pluvieuse et des pré-coup du soir tandis que le sedge fera notre bonheur en fin de soirée et parfois en journée contre les bordures.

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bwo
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Une BWO (ephemerella ignita)

Formule : 

  • Hameçon Kamazan B405 en 14/16 pour le modèle de base
  • Cerques : plume de coq gris
  • Corps : soie de montage orange(lumineux) vernis
  • Ailes : Poil de chevreuil teinté gris acier ou cdc
  • Hackles : plume de coq gris moyen

Lors du dressage subimago d’Ephemerella ignita, bien que la teinte générale de l'insecte soit olive, il me semble que l'un des stimuli déclencheur soit l’orange. Le ventre de cet éphémère de couleur olive possède un léger reflet orangé qui par les jeux des lumières me semble être le déclencheur. Ainsi je dresse simplement mes imitations de subimago avec des corps en fil de montage entièrement orange et ceux de mes imagos en rouge. Je n’invente rien : de très anciennes mouches comme les Orange Quill en sont la parfaite illustration, les vieux écrits sont pour moi toujours une excellente source d’inspiration. Je dresse cette mouche et ses déclinaisons en montage classique et parachute.

Adaptation du montage : les déclinaisons de taille inférieure (18 à 22) sont d’excellentes mouches d’ensemble type imago d'été.

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sedge chevreuil
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Un sedge en chevreuil

  • Hameçon : TMC 100 taille 14
  • Corps : Dubbing de lièvre
  • Ailes : Poils de chevreuil
  • Tag : fibre Z lon
  • Hackle : plume de coq chocolat

Le montage est classique et résistant afin que les mouches ne se démontent pas lors des coups du soir.

Adaptation du montage : on peut le décliner en plusieurs tailles et couleurs (gris, brun...etc.) voire en parachute pour améliorer sa visibilité au coup du soir

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Pêche mouche été
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En été, une orange et un sedge sont les incontournables de l'auteur
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Ce petit plaidoyer a pour but de vous faire réduire le nombre d’artificielles dans vos boîtes et de vous signifier l’impact négatif que peut constituer un nombre trop grand d’imitations quand on est incapable de choisir celle en adéquation avec les conditions du moment. La bonne mouche sera toujours celle dont vous comprenez parfaitement les critères d’utilisation et à laquelle vous accordez une confiance sans faille. Savoir quand et pourquoi on se doit d’utiliser telle ou telle mouche est à mes yeux un critère indispensable pour la réussite et la compréhension de notre pratique !

 

Photos et montages de l'auteur

NDLR : si ces 4 modèles ont été éprouvés par Lionel dans les Pyrénées, ils sont évidemment valables dans bon nombre de rivières françaises éloignées du Sud Ouest... à vous de bien comprendre leurs utilisations !

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pêche mouche
Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…