Trouver les grosses truites sur les portions aval

grosse truite

L’observation minutieuse des rapports scientifiques effectués sur les populations de truites de nos rivières et en particulier les parties décrivant les pyramides d’âges nous confortent quant à l’évidence que les salmonidés les plus vieux et donc les plus gros sont aussi les plus rares. Cet état de fait évident doit être pris en compte par chaque moucheur afin de bien cibler où prospecter afin d’en débusquer un. Pour nous traqueurs de gros poissons quoi de plus alléchant et motivant qu’analyser toutes les données du moment pour bien comprendre où rechercher le graal ! Température de l’air, de l’eau et autres variations saisonnières influent directement ou indirectement sur le comportement des gros salmonidés et en particulier sur ceux qui occupent les zones aval de nos cours d’eau, les plus impactées par ces phénomènes.

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L'importance de la stratégie de pêche

Face à cette rareté, une prospection tenant compte des constantes saisonnières permet d’optimiser votre recherche, de bien cibler les secteurs où rechercher ces poissons trophées sans perte de temps inutile. La bonne compréhension de ces cycles durant lesquels les salmonidés s’adaptent aux contraintes de ces milieux pour se développer et y survivre permet d’identifier les secteurs à prospecter.

Pêcher une rivière réputée pour ses poissons records peut être stérile si vous ne vous situez pas au bon moment et au bon endroit ou si vous n’utilisez pas la technique mouche en adéquation avec la réalité écologique du moment. De nombreux moucheurs formatés par la presse halieutique prospectent toujours les mêmes types de postes sans jamais oser s’aventurer sur des pools aux caractéristiques différentes ou moins évidentes. Gardez toujours à l’esprit que pour atteindre une belle taille, les gros salmonidés doivent être tranquilles et peu dérangés par des cohortes de pêcheurs. Au travers des lignes qui vont suivre nous allons tenter de définir où prospecter en fonction de la saison.

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Les zones aval : des biotopes singuliers

La grande majorité des grands spécimens occupent les parties aval des grandes rivières, c'est-à-dire les derniers kilomètres de première catégorie et les premiers de seconde. Il existe bien sûr des gros poissons sur des parcours plus en amont mais leur présence est anecdotique et liée à des postes marqués comme de grandes fosses par exemple.

Ici, les pieds plantés en pleine « zone à ombre », les rivières voient leur pente s’assagir, leur lit s’élargir et s’approfondir ; de la même façon ces secteurs plus chauds sont plus riches en nourriture d’où la présence de gros poissons. Pléthore de personnes ignorent parfois la présence d’énorme truites sur des secteurs très aval en seconde catégorie, aux abords des grandes villes, où ces poissons sont généralement pris par des pêcheurs de carnassiers par erreur.

La partie très basse à cheval entre l’aval de la zone à ombre et celle à cyprinidés est très marquée par d'énormes variations de température. Cette sensibilité aux aléas climatiques influence l’activité des grosses truites durant toute la saison. Pour adapter leur métabolisme aux contraintes climatiques, elles effectuent sans cesse des déplacements vers les zones les plus propices du moment et modifient carrément leur comportement alimentaire. Les zones basses de seconde catégorie, là où la présence de salmonidés devient limite, est d’ailleurs celle où ces petites migrations sont vitales pour ces gros poissons en période estivale.

Les zones limites pour la survie des salmonidés possèdent très souvent des populations de gros poissons et très peu de juvéniles car ceux-ci semblent moins bien supporter les températures d’eau élevées. Ces populations sont constituées par des salmonidés sauvages de dévalaison et des poissons d’alevinages qui survivent mieux dans ces eaux lentes, sans forte concurrence des salmonidés de souche.

Plus la température de l’eau va s’élever plus les grosses truites vont rechercher des zones oxygénées leur permettant de vivre ou de survivre ; les secteurs de forts courants, les fosses profondes ou les résurgences seront à prospecter particulièrement lors de ces pics de température. Dans ces eaux réchauffées par les fortes chaleurs, les salmonidés en « mode survie » recherchent les secteurs de courants puissants et très brassés où ils se maintiennent le temps que la température de l’eau s’abaisse.

Dans les cas les plus extrêmes ces poissons vont cesser toute activité pendant les périodes les plus chaudes et tenter de survivre. C’est souvent le cas des truites très maigres que nous prenons certaines années lors des pêches automnales en seconde catégorie.

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La température de l'eau, base des choix stratégiques

En posant ces mots sur le papier, je ne peux pas passer sous silence les conséquences dévastatrices du réchauffement climatique qui vont influencer les comportements des salmonidés et avoir des conséquences sur votre pêche. Avec les températures extrêmes liées à nos comportements égoïstes, nous constatons déjà la disparition totale des salmonidés sur certains secteurs aval de première où ceux-ci sont totalement remplacés par des cyprinidés. Les petites rivières au débit faible et aux étiages sévères en sont les exemples les plus visibles.

La prise de conscience des constantes notifiées plus haut va guider nos prospections d’un bout à l’autre de la saison, pour pêcher juste au bon endroit et au bon moment. Les grosses fario occupent toujours des postes présentant les mêmes caractéristiques où la présence d’une cache, d’une veine porteuse et d’un secteur profond pour fuir sont indispensables. Sur certaines parties basses, de nombreux postes réunissent ces caractéristiques... la  recherche des plus discrets, échappant au premier regard, est importante pour réussir.

Je vous propose donc une sorte d’éphéméride qui va nous permettre, tout au long de la saison, de rechercher avec application et avec la bonne technique les truites qui feront vibrer nos cœurs. Nous ferons tout au long de ce descriptif une nuance entre la fin de première catégorie et les secteurs de seconde très aval où les truites subissent des contraintes encore plus significatives car les écarts de température de l’eau y seront encore plus importants.

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Début de saison en sèche

A la sortie de l’hiver, lorsque l’ouverture pointe son nez et jusqu’à la mi-mai, les secteurs du bas de la première catégorie voient leur lit arrosé par une eau froide où les salmonidés peinent à trouver de la nourriture. Les grosses truites doivent pourtant soigner leur métabolisme fatigué par la période de fraie et la rigueur de l’hiver. Les plus gros salmonidés occupent alors les entrées et les sorties des gros pools lents et profonds ; positionnés de telle manière, ils peuvent ainsi profiter des éclosions printanières de beatidés qui à cette période sont une de leurs rares sources de protéine.

Sur nos parcours publics surexploités, peu de chance de découvrir une de ces grosses fario en train de s’alimenter en plein milieu du pool, celles-ci privilégieront avec malice les bordures discrètes alimentées par une veine porteuse secondaire. C’est certainement le moment de la saison où elles s’économisent le plus et se complaisent à attendre que la nourriture vienne à elles.

Sur ces grandes rivières où la surface potentielle de dérive des insectes est importante, il est judicieux d’interpréter par une lecture de l’eau pertinente les veines d’eau les plus porteuses, celles par où transite le plus de nourriture. Ces veines d’eau sont visibles car elles concentrent tous les éléments en dérives sur la pellicule de surface : déchets végétaux, mousse, mais aussi insectes. Tout étranglement, effet d’entonnoir et contre-courant sont une aubaine pour ces poissons peu enclins aux dépenses d’énergie. Les grosses truites postées dans ce type de veine ont l'art de se faire très discrètes.

Il faut que la veine soit porteuse mais peu repérable à l’œil nu ou protégée par une végétation, on ne devient pas un gros salmonidé si l’on s’expose couramment aux diverses prédations. Beatis et March Brown sont une aubaine pour ces poissons en recherche de protéines, nous sommes dans une période bénite pour prendre un gros poisson en sèche.

Dans les secteurs de seconde catégorie les grosses truites se comportent de la même façon, mais nous accorderons une attention particulière aux secteurs les plus lents et plats car les truites descendantes d’alevinages sont ici plus nombreuses à y survivre car elles subissent moins la concurrence alimentaire avec des salmonidés sauvages. Ces poissons souvent lâchés au stade de truitelles d’automne produisent parfois des truites de grande taille qui trouvent ici des conditions de développement qui leurs conviennent, l'eau morte ne leur fait pas peur !

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Un milieu de saison sous l'eau

L’arrivée du printemps météorologique voit les débits s’affaiblir et les eaux se réchauffer. Les très nombreux cyprinidés qui y cohabitent avec nos quelques truites, sortent de leur léthargie hivernale.

A cette période de la saison, il convient de bien distinguer la fin de première catégorie où les conditions deviennent optimales avec ce réchauffement (lorsque l'eau parvient aux alentours de 12°C) pour les pêches en surface et en nymphe en absence d’eau de neige, et ceux de seconde catégorie où les eaux qui atteignent vite la surchauffe (plus de 17/18°C). Il suffit parfois de quelques kilomètres de linaire en aval des parties en 1ere catégorie pour voir exploser les températures de l’eau et observer des salmonidés aux comportements totalement différents ! 

La réduction de la pente augmente la proportion de parties lentes où la température de l’eau explose au profit des cyprinidés qui eux trouvent ici d’excellentes conditions. La rivière commence à bouillonner de gobages de cyprinidés et autres sauts de barbeaux ; trouver une truite en activité de surface au milieu de cette agitation devient aléatoire. Oubliez les zones lentes et favorisez la prospection des secteurs relativement rapides en nymphe au fil car les beaux poissons trouvent là des conditions favorables. Les fosses très profondes peuvent aussi être favorables si vous les prospectez au streamer, c'est une approche très ludique car vous n’intéresserez pas que les truites de cette façon !

De la mi-juillet à la fermeture, les eaux se sont réchauffées sur les secteurs avals de première et sur le début de seconde. En première nous retrouvons des conditions de pêche estivale avec des truites s’alimentant tôt le matin et tard le soir et plus longtemps les jours de temps médiocre (tachez d'être présent lors des dépressions estivales !). 

Une fin de saison aléatoire

Lorsque les quinze derniers jours avant la fermeture voient la météo se dégrader (certaines années), nous pouvons retrouver d'excellentes conditions semblables à celles du début de saison. De belles pêches en sèche sont alors possibles sur les éclosions d’ignita et de sedge.

En seconde catégorie l’ambiance est plus morose (d'autant plus si l'été a décidé de jouer les prolongations), les gros poissons sont parfois toujours en mode survie dans des eaux surchauffées et maigres. Si vous tenez vraiment à prospecter ces linaires, optez pour la nymphe sur les secteurs bouillonnants. Pêchez lourd et profond dans les zones à proximité de l’écume, là où ces gros salmonidés attendent des meilleurs moments.

La recherche des grosses truites demande d'être en complète harmonie avec la réalité écologique du moment et de s’adapter aux comportements des poissons tout au long de la saison. Je vous laisse confirmer mes écrits par votre propre perception….

Bonne saison !

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Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…