Thon de fermeture

grosse truite

Après consultation de Vigicrue, tous les voyants sont au vert pour que ce mardi pré-fermeture, qui s’annonce comme la journée parfaite pour clôturer la saison 2018. Les niveaux semblent optimaux et seules les températures élevées de ce mois de Septembre et un ciel d’un bleu trop profond peuvent tempérer mon enthousiasme. Malgré ces petits bémols, je quitte mon job avec un grand empressement, enthousiaste à l'idée de fouler, waders aux pieds, cette grande rivière pyrénéenne chère à mon cœur. Tout au long de la route, la guitare diabolique de Jimmy Page anime les hauts parleurs de mon autoradio, accompagnant mes pensées et cogitations halieutiques, et augmentant ainsi mon envie d’en découdre avec un poisson trophée...

Texte

La chaotique piste de terre battue qui me conduit vers mes rêves se termine enfin, et déjà, la fraîcheur de l’eau se fait sentir dans l’habitacle de ma vieille Kia, l’antre des grosses truites est tout proche.

Frein à main remonté, je me précipite avec excitation vers ces berges que je convoite tant pour retrouver ma rivière favorite avec un niveau parfait mais.... avec une eau affreusement marron !!

Se retrouver face à une couleur d’eau aussi calamiteuse alors que je la pensais cristalline me fait l’effet d’une bombe dévastatrice brisant brutalement tous mes plans. Mon cerveau est soudainement balayé par les doutes et diverses questions : comment sauver la journée ?

La solution facile consisterait à changer de rivière ou pire, à aller en torrent secouer des truites de taille modeste, mais quand vous partez pour toucher une grosse, il n’est pas facile de rogner ses objectifs ! Têtu, j’opte pour une journée de prospection en eaux troubles, me rappelant pour me rassurer, des anciennes prises dans des eaux peu engageantes. En sèche et en nymphe, l’activité des salmonidés m’avait déjà surpris même si la qualité de pêche n’était pas exceptionnelle.

Adoptant un comportement obstiné tel un saumonier du Gave, je décide de peigner avec application toutes les veines d’eau qui s’offrent à moi avec deux perdigones, une noire cul rouge en pointe, et une olive bille argent en potence.

Bien que très confiant par rapport à ce duo souvent gagnant dans les veines puissantes et profondes, je commence fébrilement de multiples et minutieuses dérives en prenant soin de couvrir un maximum de terrain, hésitant entre envie et excitation.

Aucune touche ne vient répondre à ma concentration, ni approuver la justesse de ma pêche ; les minutes défilent sans résultat malgré les multiples adaptations aux situations de pêche que j’entreprends sans cesse. Variation de densité de nymphe, changement de coloris, rien ne semble éveiller l’intérêt d’un salmonidé. Minute après minute, je me transforme en un véritable besogneux vide de toute réflexion pour débloquer le compteur avant le découragement !

Après une longue prospection infructueuse, j’arrive sur un secteur de berge scabreux offrant une multitude de coups et rappelant un secteur de torrent mais toujours avec sur sa droite, la profondeur nécessaire à l'accueil de gros poissons. Quelques années auparavant, j’avais touché ici quelques poissons frôlant ou dépassant les cinquante centimètres en pêchant en nymphe au fil. Je décide de changer de méthode et de prospecter en nymphe au fil plaqué contre les blocs, là où la profondeur n’excède pas les 40cm. Je graisse abondamment mon avant pointe fluo et monte une pheasant tail des plus classiques, en taille 14. Dans l’adversité, les fondamentaux me rassurent toujours !

Au bout de quelques dérives, je ferre rapidement une truitelle de 20cm qui, malgré sa petite taille, me motive grandement !

Mentalement relancé par cette piètre prise, je repars peigner avec méthode les coulées qui se succèdent vers l’amont. Pléthore de petites veines ponctuent agréablement le parcours, rendant la pêche ludique, et les multiples présentations font un peu oublier la couleur de l’eau. Je dois apprendre à faire abstraction des conditions pour augmenter ma qualité de prospection !

En amont de ma position se présente un magnifique radier encadré à l'amont et à l'aval, par deux superbes pools profonds et riches en caches... je saute le profond afin de pouvoir pêcher cette remontée de marne peu profonde et prometteuse. La lame d’eau n’excéde pas les 60cm, et le courant régulier se sépare parfois lorsqu’il rencontre un bloc... la nymphe au fil excelle sur ce type de profil.

La vitesse et la profondeur des veines étant plus puissantes que sur les coups prospectés avant, je pioche dans ma boîte une nymphe en laiton en 3,5 couleur or de type pheasant tail afin de m’adapter aux contraintes du coup. Après cette menue modification technique et trois ou quatre passages vains dans la veine principale, je décale ma prospection vers une veine secondaire légèrement plus lente...

Au second passage, mon avant pointe fluo semble ralentir... je sanctionne immédiatement cette anomalie de dérive par un ferrage et me retrouve au contact d’une masse lourde et peu nerveuse qui ne peut être autre chose qu’un poisson. Celui-ci ne démarre pas mais tient vigoureusement le fond, un peu comme les barbeaux qui cohabitent avec les truites sur ce parcours. Plus le combat avance, plus je me fais à cette idée et ne ressens aucune déception : barbeaux ou truite, je suis aux prises avec un très beau poisson ! Tous deux sont d’excellents partenaires de jeu et après la monotonie de cette journée de pêche, je profite de ce soit disant moustachu en le laissant prendre le courant, histoire de tordre du carbone et de m’amuser un peu. Je suis totalement persuadé de la nature de l'individu jusqu’à ce que le poisson vienne se débattre prés de moi et que j’aperçoive un dos bien charnu et couvert de points noirs !

Une explosion d’adrénaline envahit alors tout mon corps : la bête passe facilement les 60cm et semble alors retrouver un comportement de salmonidé en commençant à enchaîner des rushs puissants. Mon poignet et ma gestion du moulinet, encore sûrs et confiants avant la vision du poisson, deviennent hésitants la seconde d’après. Je ne sais pas si c’est le stress du décrochage ou l’appréhension de la casse qui sont responsables de ma fébrilité, mais le combat me semble maintenant bien plus acharné et je dois utiliser au mieux les capacités de mon matériel.

Après quelques minutes de rushs et contre rushs, j’amène, non sans mal, dans mon épuisette une superbe truite de 64 cm à la robe exquise, qui après quelques photos avec son tortionnaire, retrouvera son élément...

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grosse truite
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Pour conclure, mon conseil serait.... de prôner la méfiance envers les barbeaux qui se débattent au bout de votre ligne... tant que vous n’avez pas encore aperçu leurs moustaches !

A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…