Haute vallée du Lot : pêche au cœur du développement, préservation au cœur du projet

Lot

Nous sommes aujourd’hui face à des problématiques qui nous imposent un changement radical de société et une inévitable réorientation vers des énergies dites « vertes » ou je dirai plutôt « à vocation écologique » pour ne pas oublier qu’elles impactent aussi notre environnement. Nous sommes aussi, bien (trop) souvent face à nos écrans qui accompagnent une forme de désengagement et de distanciation vis-à-vis de la réalité et des causes à défendre sur le terrain. La pêche en est un exemple marquant tant les critiques peuvent fuser sur les réseaux sociaux alors que l’on peine à mobiliser les gens. Je ne veux pas porter de jugement car le problème n’est pas limité aux pêcheurs. En revanche, dans le contexte actuel, il me semble intéressant de montrer que de beaux projets aboutissent sur nos rivières et que certaines démarches payent plus que d’autres. C’est le cas sur la rivière Lot, dans sa haute vallée aveyronnaise, havre de paix pour le pêcheur de truites en recherche d’une nature préservée.

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Par les temps qui courent, la pêche associative ne manque pas de grain à moudre en ce qui concerne la protection des rivières. Le contexte hydroélectrique en Aveyron a en quelque sorte produit des pêcheurs militants soucieux du devenir des cours d’eau et dont la vision sur le long terme a été particulièrement pertinente. Dans le nord du département, se trouve l’une des plus importantes chaînes de production hydroélectrique de France, la chaîne Lot-Truyère, capable de produire une puissance équivalente à deux tranches nucléaires ! L’enjeu électrique y est national et en aval, nos truites n’ont qu’à bien se tenir ! Par la force des choses et nourris par la réflexion permanente du pêcheur en mal de comprendre, ces élus de la pêche ont permis d’actionner des leviers efficaces pour faire avancer la protection des rivières… en même temps que la pêche.

Ainsi, la haute vallée du Lot entre Saint Geniez d’Olt et Saint Laurent d’Olt est sur le point de voir aboutir un projet exemplaire en matière de tourisme pêche et de protection de la rivière Lot. Plus largement, la pêche de loisir y a une place de choix dans le développement du territoire. Sur cette partie du Lot, la spéculation hydroélectrique y est compromise pour un bon moment.

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rivière Lot
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Une rivière poissonneuse dans un environnement naturel particulièrement préservé :

La rivière Lot est naturellement, sur ce secteur, une zone de transition au niveau piscicole où se côtoient de nombreuses espèces. Large de 20 à 30m, le Lot foisonne de vie, et reste très peu touché par l’anthropisation. Avec une alternance de radiers, de plats, de rapides, de profonds, il offre une multitude d’habitats aux poissons. Sans barrage hydroélectrique en amont, le régime hydrologique y est également naturel. Ici, les peuplements sont dits conformes : les pêches d’inventaires indiquent qu’ils correspondent parfaitement aux conditions naturelles. Nous sommes entre la zone à ombre et la zone à barbeaux, et les affluents qui descendent de l’Aubrac y apportent une fraîcheur prometteuse. Sur ce type de secteur, la température de l’eau devient limitante en été pour la truite mais n’empêche en rien son implantation. De belles sauvages peuplent ces eaux riches du Lot, peu altérées et dont le cadre naturel y est tout simplement exceptionnel. Pour le pêcheur, il est possible de capturer des vandoises rostrées (en sèche notamment) endémiques de la région, des chevesnes et des barbeaux. Pour les amateurs de pêche ludique et facile, ces eaux grouillent de goujons et de vairons. Pour le plaisir des naturalistes, on y trouve également du chabot et la loutre, excellents indicateurs de la qualité du milieu.

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truite Lot
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Un projet de barrage avorté

Or, cette vallée aurait tout simplement pu disparaître, ennoyée sur 200ha de retenue d’eau. Dans les années 80, un projet de barrage avait en effet fait l’objet de plusieurs études par EDF. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que lorsqu’une rivière n’est pas valorisée économiquement comme c’est le cas sur ce secteur du Lot, elle est en proie à une multitude de projets dont certains seraient susceptibles d’avoir un tout autre impact écologique sur la vallée. La protection de l’environnement telle qu’on la connait aujourd’hui n’a rien d’inéluctable. La multiplication des pressions sur nos milieux aquatiques s’accroît et l’on commence à voir apparaître diverses formes d’allègements de la loi, dans l’idée de faciliter le développement économique, freiné par la protection de l’environnement ; sans parler de la réalisation de lacs collinaires illégaux. L’idée d’un barrage sur ce secteur du Lot a été ressortie du chapeau il y a une dizaine d’années pour être heureusement définitivement abandonnée. Les micro centrales auraient aussi pu y fleurir si rien n’avait été engagé, à l’initiative des collectivités locales ET de la pêche associative.

 

Un rôle clé de la pêche associative pour la suite

La Fédération de l’Aveyron pour la pêche et la protection des milieux aquatiques a œuvré pour préserver cette haute vallée du Lot et en faire un lieu privilégié pour la pratique de la pêche. Localement, les collectivités ont souhaité à la suite de l’abandon du projet de barrage, valoriser ce territoire en complémentarité avec le lac de Castelnau-Lassouts plus en aval. C’est tout naturellement que la pêche associative, a été le premier acteur sollicité par les élus locaux et le Conseil Général de l’époque. Une première étude de la Fédération de pêche a permis en 1999 de dresser un rapport extrêmement détaillé du cours d’eau, que ce soit au niveau de la qualité de l’eau, de sa qualité écologique et piscicole, ou de sa capacité d’accueil pour les poissons. Etant donné que tous les voyants étaient au vert, en 2006, une étude cette fois halieutique de la haute vallée du Lot a été rendue. La pêche, toujours présente au chevet des acteurs locaux et des conseillers départementaux, a ainsi proposé un projet cohérent, particulièrement étayé au niveau scientifique, comportant les bases solides d’un projet de développement halieutique de la vallée. L’idée était d’inscrire la pêche comme moteur de la création d’un sentier de 40km, formant une boucle entre Saint Geniez-d’Olt et Saint Laurent-d’Olt sur les deux rives, dont pourraient bénéficier d’autres activités dites douces (pédestres, VTT ou équestres). Après les études d’impacts du projet en lien avec Natura 2000, le tracé le plus adapté a été arrêté et le projet lancé.

 

La maîtrise foncière, point stratégique de la protection de la rivière

La réalisation de ce projet savamment soufflé aux oreilles des élus du territoire, a conduit à obtenir un arrêté d’utilité publique, permettant l’achat de parcelles ou de parties de parcelles au plus près du cours d’eau, à l’amiable ou si besoin par expropriation.

Ce qu’il faut y voir ici, c’est qu’au-delà d’un sentier, ces acquisitions constituent aujourd’hui une bande continue qui est propriété du Syndicat Mixte de la Haute Vallée du Lot (donc publique), véritable obstacle à tout nouveau projet de micro centrale sur une linéaire d’environ 20km de rivière Lot en rive gauche et droite. Ce levier foncier apparaît comme un outil de protection des cours d’eau. Pour le déployer, la pêche s’est intégrée dans une démarche plus globale, force de proposition pour le bénéfice de plusieurs activités : la pêche ET les activités de pleine nature.

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Lorsqu’une rivière n’est pas valorisée économiquement comme c’est le cas sur ce secteur du Lot, elle est en proie à une multitude de projets dont certains seraient susceptibles d’avoir un tout autre impact écologique sur la vallée.
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La pêche comme acteur du territoire

La valorisation halieutique de la vallée s’inscrit dans un maillage de parcours de pêche complémentaires et répartis sur le territoire de la haute vallée du Lot. Ainsi, dans ce secteur du Lot, on retrouvera bientôt un à deux parcours « famille » là où les accès sont faciles, notamment au niveau des bourgs,  un parcours « passion » plus sportif au cœur de la vallée sauvage, et un tronçon plus accessible prévu en No Kill. Tout le monde y trouvera son compte ainsi que les personnes handicapées puisqu’un ponton handipêche a déjà été créé il y a peu sur un parcours labellisé pêche « famille » à Saint Geniez-d’Olt, et que d’autres sont en projet. Pour varier les plaisirs, quelques kilomètres en aval se trouve le lac de Castelnau-Lassouts, réputé au niveau international pour ses populations de carpes et de carnassiers. Cet ensemble cohérent a permis de faire reconnaître la pêche comme un acteur incontournable du développement du territoire au regard des élus et des structures porteuses de projets. La clé de la réussite en somme, dont le modèle s’applique avec succès dans tout le département depuis plusieurs années.

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pêcheur Lot
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Et si la pêche se mettait au vert ?

La pêche devient de cette façon le garde-fou contre les atteintes aux rivières et plus encore lorsqu’il s’agit de la truite sauvage, objet de nombreuses passions. Avec le développement des énergies renouvelables, les projets hydroélectriques ont le vent en poupe, et je crois que l’on peut se réjouir dès qu’un secteur de rivière s’en protège au moins à moyen terme.

Il est clair aujourd’hui que nos représentants ont de plus en plus la responsabilité de défendre l’intérêt des rivières et des pêcheurs. Les compétences dont la pêche associative dispose que ce soit au niveau scientifique en hydrobiologie, dans l’halieutisme et la valorisation du territoire, ou plus récemment la communication pêche, sont autant de moyens qui peuvent être mis en cohérence au service d’une politique territoriale de la pêche. La défense de nos milieux aquatiques passe inévitablement par un développement de notre loisir et par la valorisation de nos rivières. Même s’il est plus hasardeux de vouloir donner une valeur économique à la présence de la truite dans un cours d’eau par rapport au kW/h, ses valeurs patrimoniales et sportives sont porteuses d’activités potentiellement commerciales (nuitées, repas, activités annexes) et plus encore lorsque son environnement est préservé. Notre société associe aujourd’hui le développement économique, nerf de la guerre, à un besoin affirmé de qualité de son environnement naturel.. les petits oiseaux, les jolies fleurs, le paysage, etc, tout ce qui produit une belle image verte ! Alors pourquoi pas nos poissons en clé de voute de nos vallées !?

En l’absence de parcours de pêche clairement identifiés, à vocation touristique, d’autres usages s’installeront rapidement sur les cours d’eau, et en l’absence de pêcheurs au bord de l’eau, les dégradations ponctuelles, les pollutions, exacerbées  par le dérèglement du climat resteront loin des regards.

Nous avons maintenant tout à gagner à déplacer nos débats d’Internet vers les AAPPMA, les associations halieutiques de bassins versants et les Fédérations de pêche. Et même si tout n’est pas parfait, nous avons de sacrées bonnes cartes à jouer pour préserver nos poissons ET nos rivières !

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Une association d’associations de pêche à l’échelle du bassin versant pour avancer :

« Tout seul on va plus vite, ensembles on va plus loin ». Halieutilot, association d’associations de pêche du bassin versant du Lot, en est un exemple à suivre. L’AAPPMA de Saint Geniez d’Olt, membre d’Halieutilot, a impulsé l’idée de ce projet sur la haute vallée du Lot. Halieutilot a ensuite permis qu’il soit porté au niveau des collectivités et de la Fédération de pêche. Cet exemple  témoigne d’un fait bien réel que nous devons garder en tête : il nous faut voir plus loin que notre ruisseau pour être entendus, être présents sur le terrain et avant tout rester cohérents sur nos territoires !

A propos de l'auteur

Originaire du sud-ouest, entre les Landes et les Pyrénées, Romain est l’un de ceux qui ont été piqués par la passion de la pêche sans pour autant être entourés de…