Le début de l'histoire

grosse fario

Il faut un début à chaque histoire. Pour les saisons de pêche, c’est l’ouverture de la truite qui constitue cette entrée en matière. L’échéance est attendue avec impatience tout en étant crainte de tous. Les derniers jours de fermeture défilent et se mêlent aux rêves de nombreux poissons l’angoisse du redouté capot… Mais l’espoir est toujours plus fort. Alors, nous nous retrouvons inexorablement le second samedi du mois de mars au bord d’une rivière de première catégorie. En ce 13/03/2021, le ciel de l’extrême Sud de la France est d’un bleu immaculé et les températures s’élèvent rapidement. Les maximales seront au-dessus des normales de saison. A cette période de l’année, cela est souvent annonciateur d’activité chez les truites, d’autant plus que les pressions atmosphériques chutent à l’approche d’une dépression. Aussi, confort ultime pour le pêcheur et phénomène assez rare par chez moi, le vent est quasiment absent. A cette météorologie optimale s’ajoute des conditions hydrologiques idoines car les débits sont contenus. J’en suis persuadé, les mouchetées tant convoitées vont être présentes au rendez-vous. Aux pêcheurs de faire preuve de suffisamment d’habilité pour les leurrer.

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Je me présente au bord de l’eau vers 11h00. Le début de matinée a été frais, je préfère donc attendre que le soleil réchauffe plus franchement l’atmosphère en espérant que les degrés gagnés mettent en activité les poissons. C’est généralement autour de la mi-journée que le pic d’activité a lieu à cette saison. Je sais que je vais passer derrière la foule des pêcheurs de l’ouverture mais j’espère pouvoir intercepter les poissons au moment où ils vont sortir de leurs caches pendant que la majorité des pratiquants se restaurera. J’ai donc pris cette décision oh combien délicate de ne pas participer à l’apéro de l’ouverture. Un véritable crève-cœur qui s’avérera finalement être un choix judicieux.

Un poisson timide suit mon leurre sur le premier poste. Je peigne ce radier en pêchant vers l’amont, vers l’aval, en travers, à mi-hauteur, au ras du fond… rien de plus que cette ombre fugace. Juste au-dessus l’écoulement se concentre et prend de la vitesse. Un poste de choix pour une fario qui y trouve le gîte et le couvert. Au premier passage du poisson nageur coulant c’est l’attaque. La touche est très violente. La truite dévale immédiatement en tenant le fond. C’est certainement un gros poisson. Elle passe à ma hauteur sans faiblir. Elle m’oblige à courir le long de la berge car elle essaye à plusieurs reprises de passer sous celle-ci pour rompre la ligne. Ces vieux spécimens qui ne veulent jamais se rendre et qui connaissent parfaitement tous les pièges du cours d'eau sont des adversaires hors pairs. Après une tentative de mise au sec trop précoce, la valeureuse remet un coup de pagaie et repart vers l’aval… Le combat fut incertain jusqu'au bout. Je l'ai finalement épuisetée 75m plus bas que l’endroit de la touche !

Cette truite n’a pas beaucoup de points par rapport aux poissons que je prends habituellement dans ce cours d’eau qui débouche dans la méditerranée. S’agit-il d’un vieux poisson méditerranéen qui a perdu l’acné de son adolescence (les truites natives du bassin méditerranéen peuvent perdre leurs points en vieillissant) ? Sommes-nous en présence du fruit de la liaison illégitime d’une pure souche locale avec une pièce rapportée de l’Atlantique ? Elle a regagné sa liberté en emportant son secret…

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grosse fario

A propos de l'auteur

Comme ses aïeux, Pierre pêche depuis tout petit. A ses débuts, suivant la tradition locale pyrénéenne, il procède au toc. Mais dès le premier contact avec un lancer, il…