DES INSECTES ET DES PLUMES - Olives & Cie

pêche olives Baetis

Bon... les "Olives" !!! ... Il fallait depuis longtemps que je m'attaque à ce gros morceau.

Le sujet ayant été brillamment traité depuis plus d'un siècle par toute la littérature halieutique sérieuse (Halford, Skues, Janssen,...) je suppose que tout le monde ici en a entendu parler.  Veuillez donc par avance excuser toute redondance dont cet article pourrait faire l'objet, il serait bien présomptueux de ma part d'espérer amener une quelconque pierre à l'édifice. Cet article se veut donc une forme de "reminder" (veuillez me pardonner cet anglicisme, mais il paraît qu'on s'internationalise chez Truites & Cie... dont acte !), avec peut-être, pour animer et si vous êtes sages, quelques digressions à propos de montage de mouches.

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De quoi s'agit-il?

En dehors de la période estivale, ce sont les éphémères les plus constants et les plus largement repartis sur notre réseau hydrographique national. Le cas de B. Rodhani est édifiant à cet égard : selon l'Opie-Benthos cette espèce est observée dans tous les départements français à l'ultime exception de Paris intra-muros !!

Il est usuel dans la culture halieutique de répartir la famille des Baetidae en 3 groupes distincts :

  • les "Olives"
  • les "Iron Blue"
  • les "Pale watery"

Parfois aussi appelé "Blue duns", nous entendrons sous l'appellation d'"Olives" un regroupement d'espèces de baetidae, toutes très ressemblantes entre elles surtout au stade subimaginal et qui pourront donc être représentées par une imitation du même type.

Pour le monteur de mouches, seules les tonalités et les tailles pourront varier afin de couvrir les légères différences entre ces mêmes espèces. Par convention, la terminologie "Olive" s'applique à 6 espèces de la famille des "Baetidae" et toutes du genre "Baetis", les voici : 

  • Baetis Rodhani
  • Baetis Atrebatinus
  • Baetis Tenax
  • Baetis Vernus
  • Baetis Buceratus
  • Baetis Scambus
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Baetis Olive
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Medium olive (femelle)
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Pour la sémantique, on adjoindra un adjectif pour les distinguer entre eux et pouvoir enfin parler entre pêcheurs d'une seule et même chose. Ainsi on parlera de "Large Dark Olive" pour B. Rodhani , de "Dark Olive" pour B. Atrebatinus, de "Medium Olive" pour B. Vernus/Buceratus/Tenax et de "Small Dark Olive" pour B. Scambus. Ces noms génériques nous serviront dans la majorité des cas à évoquer des duns (subimagos), exemple : "Large dark Olive Dun".

S'il est moins fréquent de parler des imagos pour ces insectes, je vous invite toutefois à ne surtout pas les négliger, on parle alors de "Red Spinner", d'"Olive Spinner", etc...

Baetis Atrebatinus est parfois appelé "False Large Olive" (Fausse Grande Olive) car d'un aspect visuel très proche de sa cousine Rodhani. Elle ne s'en distingue que par l'absence d'épine sur le bord costal de l'aile postérieure, ce qui est, comme chacun sait (!), une des caractéristique du genre baetis... je vous rassure quand même, cette curiosité échappe complètement à la vigilance du poisson !!

La systématique moderne a d'ailleurs reclassé l'espèce "Atrebatinus" en sous-genre et dans les publications entomologiques récentes nous la retrouverons désormais sous le vocable de "Lagiobaetis Atrebatinus".

De mon point de vue, les espèces estivales B. Alpinus et B. Gemellus  pourraient aussi rentrer dans la catégorie des Olives. D'autre mouches de pêche imitant des éphémères comportent dans leur nom aussi le mot "olive", je pense notamment à la très célèbre "Blue Winged Olive" (Ephemerellidae), mais aussi bien sur à ma très chère "Olive Upright" (Heptageneiidae). Ces mouches là ne font PAS partie de la famille des Olives.

De la même manière, les Baetidae "Gris-Foncés/ Bleu-de-Fer", traditionnellement dénommées "Iron Blue" ainsi que les petits Baetidae clairs estivaux regroupés sous la poétique terminologie de "Pale Watery" n'en sont pas plus des olives. J'écrirais un jour sans doute un article dédié à ces deux groupes.

Ambiguïté toutefois : certains auteurs classent B. Scambus dans la catégorie des "Pale Watery". Quoique cet insecte éclot en été, sa ressemblance en miniature avec B. Rodhani me laisse à penser que sa classification première est la bonne.

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Baetis Rhodani
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Large Dark Olive (mâle)
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Entomologie sommaire

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Baetis Olive
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Large Dark Olive (femelle)
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Ce sont des éphémères de la famille des Baetidae de taille moyenne à petite : Large Dark Olive (hameçon 14), Medium Olive (16), Small Dark Olive (20).

Ce sont pour la plupart (Rodhani, Vernus,...) des insectes bivoltins : les émergences se produisent en deux générations, une printanière et une automnale. Notez toutefois que les individus automnaux sont légèrement plus petits et plus sombres que ceux du printemps.

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nymphes baetis
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Leurs nymphes, de forme fuselée, sont de type nageuses.

L'insecte ailé possède 2 cerques, les nymphes 3.

Les subimagos ont le corps brun-olivâtre plus ou moins marqué, les ailes gris cendrées, opaques et peu nervurées transversalement. Vu de dessous ils apparaissent nettement plus clairs, les tergites sont vert-olive très pâle, jaune sale très clair en dégradé de gris... toujours dans des coloris pastels.

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subimago Baetis
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Quelques exemples de coloration d'abdomens de subimagos
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Ailes baetis olives
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L'observation des ailes antérieures nous met en évidence deux nervures intercalaires situées par paires entre les nervures longitudinales au bord postérieur de l'aile antérieure. Les ailes postérieures sont minuscules, munies sur le bord supérieur d'une légère excroissance en forme d'éperon ou d'épine, quasiment invisible à l'oeil nu une fois dépassé les 45 ans...

Ces deux particularité sont le propre du genre Baetis et nous évitent de les confondre avec les autres principaux genres de la famille des Baetidae (Cloeon, Procloeon, Centroptilum...). L'étude des nervations des ailes postérieures permet à l'entomologiste confirmé - équipé d'une bonne loupe binoculaire ou d'un microscope - de tenter une hypothétique détermination de l'espèce à laquelle est rattachée le spécimen qui constitue son sujet d'étude. Pour affiner sa recherche il faut vraiment être plus entomologiste que pêcheur, car l'étape supérieure pour identification de l'espèce passe par l'étude des pinces génitales des...imagos mâles ! On est loin de la pêche là !

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Imago Baetis
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Imago
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Le corps des imagos mâles est le plus souvent brun-olive sale assez foncé ou bronze, avec toutefois pour certaines espèces, la partie médiane de l'abdomen translucide et les derniers téguments plus colorés. Le thorax des imagos mâles est toujours trés sombre. Les imagos femelles (les plus intéressants pour la pêche) ont le corps brun-jaune ambré à brun-rouge cramoisi selon les espèces, l'altitude et l'âge de l'insecte.

Les ailes des imagos sont très hyalines, peu nervurées. Ce sont de vraies splendeurs, fragiles et délicates.

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Baetos Olive
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Contenu stomacal
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Au moment de la ponte, les femelles s'immergent pour aller déposer leurs oeufs directement sous l'onde, à même le substrat. Ce sont elles que l'on retrouve, minables et épuisées, les ailes repliées sur le corps, affleurant les cailloux. Je crois bien que l'étude de cet étape échappe à beaucoup de pêcheurs et de monteurs de mouches, il serait donc avisé de s'y pencher, car les truites, elles, ne font pas l'impasse (voir contenu stomacal ci-joint).

Pour ce qui est de l'action de pêche relative à ces mouches, je vous renvoie à un précédent article dont votre serviteur s'est rendu coupable en février dernier ici.

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Medium olive spent
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Femelle en fin de vie après la ponte
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imagos Baetis
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Quelques exemples de coloration d'abdomens d'imagos
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Quelques mouches et leur montage : 

Pour imiter les nymphes, si la Pheasant Tail (version originale de Franck Sawyer, j'insiste !) en 16 ou 14 reste une valeur sûre, pour son coté universel et pratique, j'ai un gros faible pour la version "Baetis Rodhani" de Pierre Miramont. C'était souvent la première mouche qu'il montait lors de ses démonstrations et la première mouche qu'il m'a offerte une jour de février 1984... comme le temps passe !... ma madeleine de Proust sans doute.

Rustiquement montée dans le plus pur style de Skues, cette nymphe fait encore des miracles, à vue, sur des poissons éduqués. Je vous livre ici la formule originale, mais il va de soi que l'on peut substituer la plupart des matériaux :

  • Hameçon n°12/13 Mustad réf. 537B
  • Soie pour corps: fil à gant marron.
  • Cerclage : fil à gant beige-rosé.
  • Thorax: dubbing de poil de vison brun-sombre sur soie poissée.
  • Sac alaire, pattes et cerques : fibres de plume de pintade (pas trop claires).
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nymphe Miramont
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Nymphe de Baetis modèle P. Miramont
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Bien plus que pour toutes les autres familles d'éphémères, le stade "émergent" est capital à considérer pour nos Olives. Les classiques "voiliers en CDC" et les "Oreilles de Lièvre" sont des basiques pour les représenter que tout le monde connaît. Cependant l'un des meilleurs modèles d'émergente (si ce n'est le meilleur!) que j'ai eu l'occasion de tester est une mouche de Cyril Bailly : la "Bubble Emerger".

Je ne saurais vous donner les détails exacts de la formule de montage si ce n'est qu'on y trouve pèle-mêle : Hameçon Daichii n°16 réf.1310, du CDC, divers poils, un soupçon de matériau synthétique et surtout le principal... l'immense talent de l'artiste pour donner vie, tonalités et proportions à cette mouche d'aspect simple.

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Bubble Emerger
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La Bubble Emerger de Cyril Bailly
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Je dois à cette mouche les rares truites que j'ai réussi à leurrer en sèche sur les Nives (64) le printemps dernier...  je vous le dis mes amis, elle a un truc cette mouche!

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Baetis Olives
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Pour son excellente visibilité et flottabilité, la mouche que j'utilise le plus en la présence d'olives, est un paradun tout simple. J'aime beaucoup cette mouche pour le tout début de saison en présence de la grande olive ou pour pêcher l'eau. La seule spécificité de ce modèle est l'utilisation de poils de renne gris issue d'une peau de la bête que j'ai ramenée il y a quelques années d'un voyage en Norvège. Cette acquisition de quelques Couronnes norvégiennes à peine me parût à vraie dire incongrue sur l'instant, mais je m'en félicite aujourd'hui ! Plus fin et aussi solide que du chevreuil, mais surtout bien plus translucide, sa tonalité colle parfaitement avec l'impression que donne les ailes de nos olives. C'est aussi la mouche préférée de mon ami Jean-Paul Rover, du coup je l'ai baptisée de ses initiales : la JPR !!... Si je l'écoutais je devrais en monter chaque année des pleines brouettes pour sa seule et unique consommation ! Mais soucieux de la biodiversité scandinave, je reste parcimonieux dans ma production. Trêve de plaisanteries, voici la recette (!) :

  • Hameçon n° 14 Daichii réf.1310
  • Soie de montage olive moyen Danville.
  • Cerclage : soie jaune clair Pearsall's Silk Gossamer.
  • Cerques: fibres de grand hackle de coq gris moyen.
  • Thorax : dubbing naturel teint brun-olivâtre.
  • Ailes/Post : pincée de poils de renne.
  • Collerette: hackle de coq gris-bleu naturel.
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Olive la JPR
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La JPR
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L'Olive Quill ne me fait jamais défaut, je me sentirais amputé de quelque chose si je n'avais pas ce type d'imitation dans ma boîte. J'aime la monter dans le style classique de Jean-Louis Poirot tant je lui trouve une classe infernale et une parfaite flottabilité. Les détracteurs de la plume de coq lui reprocheront un coté désuet à leurs yeux mais elle reste ma mouche préférée pour les subimagos d'Olives et si je ne devais en garder qu'une ce serait celle là...mais c'est ici le coeur qui parle me direz-vous... et vous aurez sans doute raison.

L'Olive Quill est le montage générique. Selon qu'on la monte avec des matériaux plus ou moins sombres et que l'on modifie la taille elle devient "dark", "medium", "small", "golden", etc, etc...

Outre le côté esthétique du quill, celui-ci augmente de façon substantielle la flottabilité de la mouche. L'aspect négatif est que contrairement à un léger dubbing, le quill ne renvoie la lumière que sous certains angles et ne rentre donc pas dans dans le cadre d'une imitation dite "exacte". Les modèles d'Olive Quill demeurent des imitations génériques. L'autre faiblesse du quill est aussi sa fragilité après plusieurs captures, sachant qu'il faut éviter de le vernir si on souhaite lui garder son coté naturel et sauvage.

Voici les ingrédients qui composent la Medium Olive Quill:

  • Hameçon VMC n°14/16 réf. 7060
  • Soie de montage UTC Woodduck.
  • Cerques : fibres de hackles Blue Dun.
  • Corps : Quill de paon Golden Olive Polishquills.
  • Ailes : 2 pointes de hackle de coq indien Blue Dun.
  • Collerette : hackle Blue Dun naturel.
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Medium Olive Quill
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Medium Olive Quill
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Avec ces quatre mouches et leur dérivés, nous voici très correctement armés afin de faire face aux situations les plus récurrentes en présence d'émergence d'olives. Cependant certains parmi les monteurs de mouches les plus monomaniaques (ou les plus passionnés !) auront peut être envie d'aller un peu plus loin et de posséder des imitations plus précises, dites "exactes".

Si sur l'ensemble de la saison ces artificielles n'alourdissent jamais vraiment le compteur du nombre de prises, elles peuvent apporter une satisfaction intellectuelle aux plus obstinés d'entre nous. Mais je vous préviens : ce ne sont pas des mouches pratiques ! Plutôt peu visibles, surtout les Spinners !  Ici, on travaille sur la discrétion, les volumes justes, l'harmonie et surtout... la légèreté. Il en découle très naturellement des montages basiques de type araignée... cela semble ultra-simple, mais en apparence seulement. Pour aller au bout du concept, je dirais qu'il faut pour chaque mouche le moins de matériau possible afin d'épurer au maximum... l'hameçon lui même est déjà de trop !

Si le principe de montage est à la portée de tous, le grand art sera de doser avec justesse l'apport de chaque matériau.

Pour ces montages précis, j'aime beaucoup les soies Gossamer Pearsall's silk... pour les subimagos de la plume de poule... et pour les imagos un petit hackle gris cristallin de coq Corrézien et le tour est joué (NDLR : pour en savoir plus sur le choix des plumes, voir l'article de l'auteur à ce sujet ici).

Le choix de l'hameçon, des soies et surtout de la plume sera soumis à la rigueur la plus stricte afin d'obtenir l'équilibre et l'harmonie souhaitée. Il faut "penser" la mouche.

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montage olive
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Montage spécifique d'un dun
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montage olive
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Montage spécifique d'un spinner
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Ensuite tout est question d'équilibre et malheureusement, cela ne s'explique pas avec des mots, j'espère que ces quelques photos suffiront. Tout cela vous semble un brin mystique n'est ce pas ?...Possible... Mais si vous êtes sensible à cette petite musique, et si dans des instants choisis quelques truites succombent, vous aurez peut être au fond de l'âme ce sentiment spécial, celui qui vous rappelle en un frisson pourquoi un jour vous avez décidé de devenir pêcheur à la mouche. Vous bouclerez la boucle...

 

Photos, dessins et montages de l'auteur sauf la Bubble Emerger, photo et montage : Cyril Bailly.

Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

Christian fait partie de ce que l'on pourrait appeler les "pêcheurs-naturalistes ". A une époque où le culte du nombre et de la taille des poissons…