Mouche : adaptez votre vitesse de prospection !

Lionel Ainard

Les semaines qui précèdent l’ouverture de la truite sont souvent sujettes à des insomnies récurrentes chez le moucheur tant bon nombre d’entre nous cogitent à leur stratégie de pêche pour la nouvelle saison. Au milieu des nombreux sujets halieutiques qui agitent nos nuits, la vitesse de prospection est souvent injustement oubliée alors qu’elle influe fortement sur le nombre de poissons mis à l’épuisette, notamment lorsqu'on "pêche l'eau", en nymphe au fil ou en sèche.

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Une logique adaptative de première importance

La vitesse de prospection détermine la distance parcourue à la fin de la journée et le résultat de votre sortie : certains jours vous ferez pêche sur quelques dizaines de mètres et d’autres fois, plusieurs kilomètres seront nécessaires à assurer quelques prises... Que vous opériez en sèche ou en nymphe, la vitesse de prospection revêt une grande importance et son influence est déterminante sur le nombre de truites prises en fin de journée. 

L'adaptation de la vitesse de prospection se fait dans une logique d'optimisation du temps imparti : le but étant de réduire le nombre total de dérives et de les valoriser en se consacrant uniquement aux veines d’eau les plus occupées à l'instant t.

Lors d’une même journée et en fonction du moment, nous réduirons ou augmenterons notre vitesse de prospection car dans la Nature rien n’est figé et tout peut changer en l'espace de quelques minutes... ce qui demande une attention permanente !

Densités de truites actives et de postes conditionnent le tempo

Jouer sur le rythme de prospection en l’adaptant à la réalité écologique du moment permet de valoriser les coups de lignes en donnant une majeure partie d'entre eux là où sont les poissons actifs sur votre parcours. Cette réalité écologique intègre un double postulat de départ simple :

Une proportion plus ou moins grande des truites du parcours est capturable au moment de la pêche.

Les poissons se tiennent sur un nombre plus ou moins important de types de postes.

Opter pour une prospection lente ou rapide ne se décrète pas selon vos envies du jour ou votre forme mais s’impose donc en fonction de deux paramètres principaux :

  • le degré d’activité des truites : pas besoin de vous faire un dessin, tout pêcheur sait bien que le nombre de truites actives sur un parcours donné varie considérablement au cours d'une même journée.
  • la richesse en postes du parcours fréquenté : tous les parcours ne sont pas égaux en matière de configuration ! les nombres de caches, de veines de courants, de grands plats...etc varient considérablement d'un secteur à l'autre. Un parcours à blocs par exemple a tendance à ralentir fortement votre prospection car il offre une multitude de coups... mais nous verrons par la suite que cette richesse peut être un piège si une infime proportion des postes présents est productive... car peigner le reste vous fera perdre beaucoup de temps !
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Dans les portions riches en postes, le rythme est généralement modéré...
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En pratique...

En règle générale, nous débuterons notre partie de pêche par une prospection lente afin d’explorer un maximum de postes de toutes sortes. Lors de ces premiers coups ligne et si vous pêchez correctement, vous pourrez vous faire une idée de l’activité des truites et de leur potentielle tenue privilégiée du jour...

Si le nombre de truites actives est important :

Cas 1 : les touches se manifestent sur des veines d'eau différentes 

Quand vous touchez de nombreuses truites sur des veines d’eau très différentes, inutile de battre du terrain. Une prospection lente et minutieuse s’avère être la méthode la plus productive. Serrez les coups de ligne !

Cas 2 : les touches se manifestent préférentiellement sur une seule configuration

Il s'agit du cas classique où vous venez d'enchaîner plusieurs prises coup sur coup puis rideau, plus rien. Avant de conclure hâtivement à une baisse brutale d'activité, il faut se demander si les poissons actifs ne sont tout simplement pas regroupés sur des postes aux caractéristiques bien précises !

La répétition de touches rapprochées permet par comparaison de déterminer facilement le profil type des veines plébiscitées par les truites à un moment donné : vous devez être capable d’analyser la force du courant, la profondeur, l'environnement de ces courants porteurs.

Si les truites sont sur un type de poste bien particulier, à vous de les repérer et de les exploiter durant ce moment-là qui ne dure parfois que quelques minutes... Il est alors inutile de pêcher les secteurs ne correspondant pas à ce profil : marcher le long des berges à la recherche de la configuration du moment est loin d’être une perte de temps. Parfois même, cette situation me fait prendre la voiture afin d’aller en amont ou en aval à la recherche de secteurs offrant un maximum de postes en cohérence avec la réalité halieutique du moment. 

Dans ces conditions de truites bien actives sur un type de poste précis, l'insistance paye car les poissons y sont parfois regroupés. N'hésitez pas à multiplier les coups de ligne surtout si ledit poste est assez vaste.

Si le nombre de truites actives est faible :

Lors de ces premiers coups de ligne, si les poissons sont timides et très peu nombreux, le choix du type de poste devient capital pour augmenter un peu la cadence de ferrages...

Grâce à ces quelques touches, vous devez définir très vite par la démarche que nous venons de décrire le type de poste où la probabilité de toucher un poisson est maximale, afin de cibler là où se trouvent les individus actifs disparates à ce moment-là... Parfois les indices de présence des truites sont très rares et le doute peut s’installer, à vous de rester aux aguets, de faire confiance à votre instinct... avoir du cran peut sauver votre partie de pêche !

Contrairement à la situation précédente où les truites actives sont nombreuses et regroupées, quand "ça ne mord pas", il est généralement inutile d'insister sur un même poste, mieux vaut augmenter le linéaire parcouru pour en prospecter le plus grand nombre possible... c'est typiquement le genre de situation où vous serez amené à parcourir plusieurs kilomètres de berge !

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La stratégie de pêche est le premier facteur qui influence le nombre de poissons mis à l'épuisette !
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Une nécessité absolue pour les milieux vastes et les gros poissons

Trouver le bon rythme de prospection est plus ou moins facile selon que l’on opère sur un ruisseau ou une grande rivière : nous l'avons compris, le succès dépend beaucoup la réactivité du pêcheur à la prise d’informations données par les truites... mais cette prise d'information peut être plus au moins chronophage ! Si en ruisseau, le raisonnement peut être facilement validé ou invalidé car les postes sont rapprochés et petits, le grand cours d'eau lui, pardonne beaucoup moins les lenteurs d'analyse et encore moins les égarements sur des fausses pistes !

De même, cette façon de procéder est fondamentale dans la recherche des grosses truites qui par essence même, sont rares et donc nécessitent une valorisation maximale des coups de ligne ! Quand j’évoque ici les grosses truites en début de saison, je pense en particulier aux pêches des retournes où parfois les insectes dérivants tournent et re-tournent pendant de longs moments pendant et après une éclosion massive. Dans ces conditions nombreux sont les gros poissons que j’ai vu s’alimenter longtemps, même après que l’éclosion soit terminée, quand la plupart des pêcheurs trop pressés... ont déjà quitté le poste voire même le bord de l’eau !

Les salmonidés opportunistes adaptent leur comportement aux variations naturelles du milieu où ils évoluent. Les émergences d’insectes, les conditions météorologiques et de nombreux autres facteurs influent sur leur comportement et sur leur positionnement dans la rivière. C’est au pêcheur, par ses qualités d’analyse et sa compréhension du milieu, de s’adapter à la partition offerte par les truites le plus justement possible, à chaque instant de la journée !

Bonne ouverture à tous !

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Lionel Ainard
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Sélectionnez vos postes, l'audace paye !
Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

Originaire de Toulouse (l'accent ne trompe pas !), Lionel pêche exclusivement les salmonidés à la mouche (sèche et nymphe) dans tous les milieux qui en contiennent…