Pêche d'étiage (part2) : les meilleures mouches et leurs montages

mouches d'été

L’an dernier à la même époque nous avions étudié l’approche de la pêche en fin de saison par eaux basses, dans la seconde partie de cet article, nous allons aborder la question du choix de la mouche.

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EVOLUTION DU CLIMAT ET ADAPTATION

Dans la pêche en particulier et dans la nature en général, vous l’aurez constaté, rien n’est figé ; ce qui semblait vrai il y a 30 ans, ne l’était plus forcément 15 ans plus tard et ainsi de suite…

Nos rivières, soumises à des phénomènes météorologiques et environnementaux toxiques et pernicieux sont de plus en plus perturbées. Le substrat lui même, ainsi que toute la faune aquatique sont directement impactés par ces nouvelles agressions (étiages ultra-sévères, crue hivernales dévastatrices pour l’habitat des truites et la fraie...etc, etc).

Oui, les populations de truites sont modifiées !

Oui, la biomasse décline !

Oui, les poissons sont beaucoup plus éduqués !

Oui, le comportement alimentaire des truites a beaucoup changé depuis les temps naïfs de mes débuts !

Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, il reste encore pas mal de poissons à prendre pour qui sait observer dans la plupart de nos rivières de 1ère catégorie. Nier cet état de fait et se cramponner à une pêche "à la papa" invite à une forme de dépression et de défaitisme chez ceux qui ne s’adaptent pas à cette nouvelle donne.

Depuis la fin des années 90, j’ai constaté une difficulté croissante à leurrer les truites saison après saison... surtout lors de cette période estivale dont on parle. Les enseignements positifs d’un été se révélant quasi obsolètes deux saisons après. Ma stratégie de pêche fut remise en cause chaque été, mais surtout, il a fallu affiner toujours un peu plus la conception et le choix de mes modèles de mouches. Lors de discussions entre pêcheurs je me plais souvent à dire que si je devais partir pêcher en 2020 avec ma boîte à mouche de 1986 je ne prendrais plus grand chose en plein été... voire rien du tout !

Il a fallu s’adapter !

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pêche truite étiage
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LA NOURRITURE DES TRUITES

Considérant qu’il était désormais indispensable de comprendre ce dont se nourrissaient véritablement "mes" truites l’étude du bol stomacal de mes captures allait devenir l’alpha et l’omega de ma démarche. Cet inventaire systématique, grâce à l’acquisition d’une pompe stomacale (Fusion flyfishing - 7 euros), auprès des poissons les plus intéressants et dans les situations les plus variées devint alors une vraie base d’informations qui me conduisit, bon an mal an, à la conception de modèles plus pertinents.

Or, je suis toujours surpris par le manque de connaissances (d’intérêt??!!!) de la plupart des pêcheurs à la mouche (souvent aussi passionnés de montage, un comble !) quant à la nourriture réelle des truites. Bien peu ont un propos avisé au sujet de "leurs" truites sur "leurs" rivières…

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pêche mouche été
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METHODOLOGIE

Le contenu du bol alimentaire, recueilli via la pompe stomacale en situation va nous nous renseigner sous bien des aspects. Voici comment l’appréhender efficacement et par ordre de priorité :

1. Observation de la taille des taxons

De manière générale, la nourriture des truites en cette période est constituée de proies de petite et même parfois de très petite taille. A nous de bien observer ça, nous saurons dés lors quelle taille d’hameçon nous ne devrons pas dépasser.

2. Proportion entre les taxons ailés et ceux à l’état larvaire ou nymphal

Cela nous donnera une idée assez précise de la stratégie de pêche à adopter. Si par exemple on ne rencontre aucun insecte ailé dans le bol alimentaire (et ce de façon récurrente après quelques prises), on en déduira aisément que la pêche en sèche n’est pas la bonne option… scénario très courant mais qui mérite d’être confirmé. Le contraire arrive aussi, heureusement.

3. Présence d’un type de taxon majoritaire et déterminant voire exclusif

Petits imagos ??? ... fourmis ????… Nymphes d’ignitas ???... d’autres cas encore ? La liste peut s’étendre ! Voilà qui nous éclairera de façon plus formelle sur le choix de la mouche lorsque la pêche se complique… et pour les monteurs c’est une source d’inspiration formidable !

4. Bol alimentaire minimaliste voire absence d’alimentation

Ecoutons ce que nous dit Skues :

"La truite monte pour deux raisons combinées :

A/ Parce qu’elle à faim.

B/ Parce qu’il y a de la nourriture."

... j’adore cet axiome.

De plus en plus fréquemment, il arrive que l’"autopsie" ne révèle rien de notoire. Ce genre de situation survient la plupart du temps quand la pêche est mauvaise et que l’on ne prend que quelques rares et difficiles poissons… situation que j’ai particulièrement rencontré ces 2 derniers mois. Les truites n’ont peut-être pas faim dans ces moments là… Ou est-ce l’absence de nourriture qui ne produit donc pas la stimulation suffisante pour les mettre en appétit ? Je vous laisse juge.

La synthèse de ces observations nous amènera naturellement à deux choses fondamentales et selon moi fortement liées :

1. Mieux comprendre le fonctionnement de sa rivière et le comportement des truites qui vivent dedans. D’un bassin versant à l’autre les différences peuvent être notables... D’une région à une autre n’en parlons même pas !

2. Savoir quels sont les insectes les plus prisés et à quel stade les imiter. On observera à l’usage que certains insectes (et/ou certains stades de leur développement) peuvent s’avérer déterminants.

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fourmis
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Exemple de contenu stomacal avec fourmis en taille 22...
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simulies
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... larves de simulies...
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...petits imagos estivaux...
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nymphe ignita
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... nymphes et émergentes d'ignita majoritaires...
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pêche été
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...et nymphes de Pale Watery...
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ANALYSE PERSONNELLE

Depuis une vingtaine de saisons je retrouve principalement deux types d’éphéméroptères et toute la panoplie des fourmis.

Les éphéméroptères les plus récurrents dans les contenus stomacaux sont représentés par 2 groupes :

  • Les BWO /SHERRY SPINNER (Serratella Ignita)

Ils nécessitent d’être imités à tous les stades (cf. l’article sur les BWO)

  • Les PALE WATERY (Baetis Fuscatus, Centroptilum spec, Procloeon spec.).

Sont représentées sous cette appellation générique plusieurs petites espèces d’éphémères toutes issues de différents genres de la famille des Baetidae. On observe plus facilement les subimagos dont les émergences se produisent dés la fin de matinée, ils apparaissent comme très clairs en vol.

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mouches d'été
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BWO (à gauche) et Pale Watery (à droite) sont les principaux éphéméroptères rencontrés en été
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A mes yeux la meilleure mouche sèche pour cette catégorie d’insecte reste la fameuse "Tupp’s Indispensable". Elle est facile à monter, bien visible malgré la petite taille dans laquelle on doit la dresser et vraiment très prenante. Selon la qualité de hackle que l’on choisira pour la monter, on représentera à l’envie le subimago ou bien l’imago. C’est la mouche sèche qui me rapporte le plus de truites à partir de fin juillet jusqu’à la fermeture... loin devant le spinner d’Ignita depuis plusieurs saisons.. Notons que c’était l’inverse au siècle dernier.

L’autre grande partie des insectes ailés massivement présente dans les contenus stomacaux sont bien sûr les fourmis.

Entomologiquement parlant, je ne suis pas un expert de ces bestioles. Je note cependant qu’il en existe de toutes tailles (14 à 24), des brunes, des noires et des brunes-orangées. Il faut monter beaucoup de modèles différents pour faire face aux caprices des truites. Les tailles les plus utiles pour moi sont le 18 et le 20. Selon les saisons, leur présence est plus ou moins marquée. Lors des retombées massives, en fin de chauds après-midi ou au moment du coup du soir les truites y réagissent très positivement et deviennent exclusives dans la plupart des cas. Le niveau de flottaison ainsi que le volume du modèle sont bien plus à considérer que la couleur il me semble... Une bonne imitation de fourmi ne se voit pas ou alors très mal, soit dit en passant !

Les chironomes et les simulidés, selon les années et surtout selon les parcours, peuvent aussi jouer un rôle déterminant, il faut y être attentif et ne surtout pas les négliger. Contrairement au début de saison, ce sont les stades larvaires et les pupes qui me semblent les plus intéressants, les imagos passent au second plan.

Contrairement au mois de juin (jusqu’au 15 juillet même), je ne rencontre que fort peu de trichoptères dans ma zone durant cette période d’étiage dans les contenus stomacaux bien qu’à l’occasion un spécimen puisse s’y retrouver par-ci par-là, très rarement à l’état imaginal.

Il ne faudra pas non plus négliger les terrestres (coléoptères), notamment par temps chaud et sous certains arbres. Un palmer roux feu en 16 peut nous sauver de certaines situations... à la marge quand même.

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ssss
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fourmi brune
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Les mouches sèches

Pour résumer, et si on ne devait investir qu’une petite liste de mouches sèches voici vers quoi se tournerait mon choix :

FOURMI BRUNE

  • Hameçon Caleri 123 BL n°18
  • Soie de montage noire Veevus 14/0
  • Abdomen renflé et verni en fil Mettler acajou mixé à la soie de montage, ce qui lui donnera de la nuance et consolidera le dressage.
  • Ailes : portion de zing ambré et découpée à façon. A défaut zing incolore, plus facile à se procurer et très bon aussi pour les modèles plus petits et entièrement noirs, montés selon le même principe.
  • Collerette : petit hackle furnace ... ou noir si on décide de monter plus petit (h20 et moins).

Il me paraît important de marquer une forte démarcation de volume entre le renflement de l’abdomen et le thorax (comme les vraies fourmis !) car je pense que les truites sont très sensibles à la silhouette pour ce genre de modèle.

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fourmis
Bandeau
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SPINNER D’IGNITA

Voici 2 variantes qui ont ma préférence :

  • Hameçon Caleri C 405 BL n°16
  • Soie de montage Veevus 14/0 Fire Orange
  • Abdomen : très léger dubbing orange-brûlé cerclé par un très fin fil de cuivre.
  • Cerques : quelques fibres de pelle de coq de pêche gris-rouillé. Attention de ne pas surcharger !
  • Collerette : hackle gris-rouillé (pas trop foncé) monté très léger ...3 tours maximum ! Il faut rendre un effet dépouillé et lumineux.

La 2nde variante :

  • Hameçon Caleri C 405 BL n°18
  • Soie de montage Veevus 14/0 rouge sang.
  • Abdomen : soie de montage. Je renforce un peu les enroulements au niveau du thorax pour donner l’illusion la plus proche de l’imago de Serratella Ignita aussi appellée "la bossue".
  • Cerques : 3 fibres de pelle de coq Pardo Corzuno montées "à plat".
  • Collerette : hackle gris-acier clair très lumineux. Plus encore que pour le modèle précédent il faudra être très subtil dans le dosage...
  • Pour ce modèle il m’arrive de figurer les oeufs. Pour ce faire je fais un petit tag en fil de couleur bleu-vert (Singer n°707) que je coupe à ras avant de poser les cerques.

Ces mouches sont simples, mais trouver les bons rapports volume/équilibre demeure un exercice délicat. L’ami Jean-François Laval (Du coq à la rivière) possède des coqs sublimes qui produisent chaque année des hackles parfaits pour dresser ces petits imagos estivaux. Je me sers chez lui depuis presque 10 ans et je n’ai pas à le regretter.

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spent d'ignita
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TUPP’S INDISPENSABLE

Il s’agit d’un vieux classique anglais que j’ai un peu simplifié en l’adaptant à mes rivières... sans trahir l’esprit initial je le crois.

  • Je tiens pour cette mouche à un hameçon plutôt court de hampe : Caleri C124 BL n°16/18/20.
  • Abdomen court, très légèrement conique, en soie Gossamer “Pearsall’s Silk” jaune primevère.
  • Thorax renflé juste derrière la collerette, en dubbing sur soie poissée (dubbing mix perso : une part de rosâtre, une part de ocre et une toute petite touche de brun-rougeâtre).
  • Cerques : très légers, en fibre de grand hackle de couleur miel.
  • Collerette : hackle Honey Dun… pas évident à trouver. A défaut, un petit hackle gris clair ou même crème peut dépanner, mais on sort légèrement du thème.

Au risque de me répéter, au mois d’août, la “Tupp’s” est une mouche vraiment ... Indispensable !!

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Tupp's indispensable
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MICRO OREILLE DE LIEVRE (Hameçon n°18 /20 /22)

Utile en toute circonstance, un montage minimaliste et aéré sur de tout petits hameçon séduira les truites les plus difficiles. Il ne me semble pas nécéssaire de donner une formule de montage, c’est une mouche connue de tous.

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ORL
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Micro ORL claires et foncées
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spent gallica
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SPENT

Je le monte de façon classique en m’inspirant de la mythique collection Gallica.

  • Hameçon Caleri C405 BL n°16/18.
  • Soie de montage rouille ou noir.
  • Abdomen en quill (Polishquill “ginger”, “soft pink”, “orange”... je bannis le “red” que je ne trouve pas du tout naturel dans cette gamme).
  • Cerques : 3 à 5 fibres de pelle de coq roux foncé, bien à plat.
  • Ailes : pointes de hackles de coq indien miel, blue dun ou blae. Choisissons-les légèrement arrondis et pas trop raides. Il faut les positionner à 180°, et doivent dépasser en longueur très légèrement les fibres du hackle qui constituent la collerette (+/- 1mm pour le modèle en 16).
  • Collerette : hackle roux clair, de bonne qualité, plutôt court... 2 tours et demi, pas plus.
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pêche mouche
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Les nymphes

MICRO PHEASANT TAIL (tête jaune, orange ou cuivre)

Légèrement lestées par un fil de plomb préalablement enroulé sur la hampe de l’hameçon pour avoir une bonne entrée dans l’eau, ces petites nymphes me rapportent 80% des truites que je prend en nymphe à vue l’été. J’ai une faiblesse particulière pour la variante à tête jaune. Je les monte sur de hameçons plutôt courts de hampe car je tiens à ce que ce modèle ait un aspect compact.

NYMPHE DE CHIRONOME (à corps lisse)

En deux versions :

  • Hameçon TMC 2487 n°14/16.
  • Soie noire ou olive.
  • Quill olive ou naturel (Polishquill)

Le tout vernis, non lesté.

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nymphe d'été
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NYMPHE D'IGNITA

Voici une nymphe qui pose problème… Je vous livre ici un modèle qui a fonctionné moins mal que les autres lorsque les truites étaient exclusives sur ces insectes cet été. C’est une nymphe de conception récente dans ma boîte, il faudra encore quelques essais sur les prochaines saisons et sur des rivières variées pour confirmer son statut…

Voilà la formule :

  • Hameçon TMC 900BL n° 16/18 lesté par 4 tours de plomb au niveau du thorax.
  • Soie de montage Uni-Thread vert bouteille 14/0.
  • Abdomen : herl de héron teinté à l’acide picrique. Je fixe ensuite 2 brins de fil que j’ai finement torsadé (un brin Mettler olive très foncé et un Gutermann jaune chartreuse) latéralement le long des deux cotés de l’abdomen. Le tout est cercle d’un fil de cuivre noir (Hends CWS 30). Cela semble un peu compliqué mais restitue très bien l’aspect visuel de la nymphe d’Ignita, en forme et en coloris.
  • Thorax : dubbing Olive franc ( Beaver Wapsi).
  • Sac alaire : fibres de pelle de coq pardo, prise dans la partie duveteuse et sombre de la plume.
  • Cerques et pattes : fibres de plume de pintade teintes à l’acide picrique.
  • Tête apparente, en soie de montage.

Comme pour toute mouche ou nymphe, le respect des proportions est primordial.

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nymphe BWO
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Les nymphes d'ignita de l'auteur
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Evidemment il s’agit d’une base de travail pour le monteur de mouches, il faudra décliner tout ceci en nuance et en volume, surtout pour les sèches. Cette petite liste de mouches m’est tout à fait personnelle et ne tient compte que de mes observations, elle est mentionnée à titre d’exemple et n’est pas exhaustive.

Voici pour ma part, ce que j’ai pu en conclure dans le département de l’Ariège et ses environs immédiats. A chacun maintenant s’il le souhaite d’établir son petit inventaire sur son terroir. C’est le cheminement qui compte et peut-être que cela en inspirera quelques-uns.

 

Texte, montages et photos de l'auteur.

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pêche été
Marryat Tactical Pro

A propos de l'auteur

Christian fait partie de ce que l'on pourrait appeler les "pêcheurs-naturalistes ". A une époque où le culte du nombre et de la taille des poissons…