Les belles des Asturies

J’ai pris contact avec Carlos en début d’année pour cibler la période la plus favorable. Je ne parle pas espagnol mais il se débrouille assez bien en anglais pour arriver à échanger sur la pêche. Il me propose alors deux options : début Avril pour traquer de gros poissons en sèche sur les secteurs aval de certaines rivières ou juin quand tous les parcours sont ouverts et les eaux au bon niveau la plupart du temps. Je valide les deux options pour avoir une idée d’ensemble de la pêche dans cette région, il ne faut que 5 heures de voiture pour se rendre dans les Asturies depuis la Gironde.

Part I : Avril

Pour ma première virée, nous passerons 3 jours ensemble tout début Avril et nous avons rdv sur les bords du Rio Caudal. J’avoue avoir été surpris, lors de mon arrivée, la veille, par l’environnement. J’avais en tête des images de côtes accidentées avec les montagnes toutes proches et d’une nature verdoyante. Si c’est bien ce que j’ai pu voir depuis Santander, arrivé à destination, je me retrouve dans un paysage industriel, de mines, d’usines et de logements de type HLM. De nombreuses installations sont à l’abandon, les mines jugées peu rentables et polluantes ayant commencé à fermer il y a 30 ans.

La rivière est longée par une route, une autoroute et une voie ferrée. Le parcours est entièrement recalibré avec une succession de petites chaussées. Tout cela n’est pas bien bucolique…

Une fois les pieds dans la rivière, on oublie en partie cet environnement. L’eau est très claire et le lit des galets très agréable pour le wading.

Malgré le grand soleil, Carlos espère une éclosion pour le début d’après-midi. Il me fait prendre quelques poissons en nymphe sous les chaussées puis me fait pêcher en sèche pour évaluer de quoi je suis capable. Il m’explique qu’ici, les poissons sont très difficiles et qu’il vaut mieux réussir son posé au premier essai. Pointe fine, posé ultra précis et pas de dragage pour avoir une chance.

Je suis arrivé avec une série de March Brown et de Baetis Rhodani montée pour le séjour mais Carlos veut que j’utilise ses imitations d’éphémères en cul de canard. Il faut lancer loin, avec une pointe fine (10 /100) sans vrillage, et voir sa mouche. Le CDC fait le job.

Vers 14h, l’éclosion de Baetis commence et rapidement on observe quelques gobages. Dans une retourne, je fais monter un premier gros poisson que je casse au ferrage. Je n’ai pas pêché la truite depuis septembre dernier et sors d’une grosse saison de pêche du carnassier au streamer. Il va falloir remettre un peu de douceur au menu. Un deuxième poisson s’active sur le même poste et cette fois je me contente de tendre la ligne lorsqu’il prend ma mouche. Bien que moins gros que le précédent, c’est quand même un superbe poisson de plus de 50cm qui finit dans l’épuisette. Ma première grosse truite des Asturies.

Les truites, ici, sont sublimes, de souche atlantique avec uniquement des points noirs et une gueule de truite de mer, si ce n’est la couleur de la robe.

Carlos vient de repérer une belle truite qui gobe rive droite, sous les frondaisons. Un vent fort remonte la rivière et je n’arrive pas à réaliser, en revers, le poser courbe qui s’impose pour attaquer ce poisson. Je finis par tendre la canne à mon guide, qui avec un matériel qu’il ne connait pas, réalise le poser parfait du premier coup. Je me sens nul !!!

A force d’application, j’arrive à piquer quelques magnifiques truites, alors que les Baetis sont toujours sur l’eau. Je prends une autre 50+ et casse sur un poisson que Carlos estime autour de 60cm et qui est passé plusieurs fois devant nous lors du combat.

Pas de March Brown avec ce grand soleil mais l’éclosion de Rhodani aura duré un peu moins de 2h, me permettant d’attaquer en sèche une petite dizaine de gros poissons.

Nous prolongeons un peu la session en nymphe dans les courants et vers 17h nous sentons que c’est fini pour aujourd’hui. Ainsi va la pêche en début de saison.

Le lendemain, Carlos me propose d’aller faire un tour coté province du León. Il m’a pris les deux permis pour que nous puissions choisir un secteur le plus approprié au dernier moment en fonction des conditions. Nous franchissons le col de Pajares pour rejoindre le Rio Bernesga. C’est un cours d’eau assez modeste, typé montagne.

Nous sommes beaucoup plus en altitude, les arbres n’ont pas encore de végétation et l’eau est très froide.

La pêche se fait en nymphe. Les prises sont nombreuses mais les poissons de taille beaucoup plus modeste que la veille, ces derniers n’ont pas la même robe que les « belles des Asturies ».

Carlos m’explique que nous pouvons continuer sur ce parcours le reste de la journée mais qu’avec l’eau froide il ne faut pas espérer pêcher en sèche. Le but de ce premier séjour étant pour moi de traquer en surface les grosses truites, nous repassons le col pour être en place au moment de l’éclosion. Nous rejoignons le Rio Aller, affluent du rio Caudal.

Les premiers gobages se produisent rapidement mais ce ne sont que des poissons assez petits. Arrivé sur la fin d’un grand radier, j’aperçois un beau poisson gober à l’ombre des arbres. Suivant les conseils de mon guide, j’ai noué à ma longue pointe en 10/100 une de ses imitations en cul de canard.

La session d’hier m’a remis un peu à niveau et je pose ma mouche avec précision au premier lancer. La truite s’en empare et je réalise immédiatement qu’elle est beaucoup plus grosse que ce que j’imaginais. Il faut manœuvrer en douceur avec la pointe fine tout en essayant d’empêcher le poisson d’aller dans le courant plus en aval. Carlos filme la scène alors que la truite nous gratifie d’une magnifique chandelle.

Mon guide l’estime autour de 60cm. Après quelques aller/retour dans le radier, elle prend la direction du courant aval et mon bas de ligne se rompt quand j’essaie de l’empêcher de dévaler.

Je suis un peu déçu mais repère un autre poisson qui gobe. Je décide de passer en 12/100 pour éviter une nouvelle casse et cette fois, la truite finit dans l’épuisette. Encore une magnifique 50+. L’éclosion est déjà terminée, le beau temps n’étant pas favorable. Comme la veille, nous arrêtons la pêche assez tôt après avoir tenté sans grand succès de piquer encore quelques poissons en nymphe.

Pour notre troisième et dernière journée ensemble, nous retournons sur le Rio Caudal mais mon guide a vu ce matin que plusieurs pêcheurs avaient pris le même coto que nous. Nous longeons la rivière pour trouver un secteur sans concurrence. Aujourd’hui, Carlos est en mode pêche et photo, pas en guidage.

Quand je l’observe, je suis impressionné par sa technicité.

La journée n’est pas très favorable car il fait toujours aussi beau, mais encore plus chaud et le vent souffle vraiment fort.

Malgré la très faible activité, Carlos finit par repérer un poisson qui gobe sous une chaussée.

La truite est vite accrochée à sa ligne et commence alors un assez long combat. Elle semble vraiment grosse. Carlos s’est progressivement éloigné des blocs de roche et peut prendre son temps pour la travailler à l’écart des obstacles. C’est un poisson incroyable qui va finir sa course dans son filet. Nous ne la mesurons pas mais elle fait bien plus de 60 avec la robe caractéristique des poissons d’ici. Et en 11/100 s’il vous plait.

Il y a 2 autres poissons actifs sur le même secteur et Carlos me laissera les attraper. Ils ne sont pas aussi impressionnants que sa prise mais dépassent à chaque fois la barre des 50cm.

C’est la fin de ce petit séjour printanier et je prends la route du retour. J’ai un sentiment très mitigé sur cette première expérience dans les Asturies. Comme annoncé par Carlos, nous avons pris de grosses truites en sèche. La pêche est extrêmement technique. Le guide, très influencé par la compétition, est de très haut niveau. Pour lui, chaque détail compte et il m’a poussé à sortir du confort de mes habitudes pour plus d’efficacité (même si je n’étais pas toujours d’accord sur le choix des diamètres de fil, ce qui nous faisait rire).

Tout cela est positif mais j’ai vraiment eu du mal avec l’environnement des parcours que nous avons visités. Pourtant, après seulement quelques kilomètres, je retrouve ces paysages typiques de la région où se mêlent mer et montagne dans un écrin verdoyant. Il me faudra donc revenir découvrir autre chose.

Part II : juin

Pour cette deuxième virée dans les Asturies, je suis accompagné par mon ami Jean-Louis. Son camping-car va nous permettre de nous adapter au mieux aux conditions difficiles du moment. Les eaux sont très basses et des orages éclatent quasi quotidiennement, rendant certaines rivières impêchables pour quelques jours. Impossible de faire un programme, il faut improviser. Nous avons prévu une semaine de prospection dont 2 jours en compagnie de Carlos. Il nous guidera à distance le reste du temps.

Nos premiers coups de ligne se feront sur le Rio Cares au nord du « Parque Nacional de los Picos de Europa ». La rivière aux eaux translucides est une vraie merveille. La pêche est difficile, conforme à la réputation de la province. Nous prenons quelques poissons en nymphe puis en sèche et je suis ravi de retrouver la robe typique de ces truites.

Les prises sont de taille plus modeste qu’au printemps mais le plaisir est immense de pêcher un si beau cours d’eau. Lors du coup du soir, 2 grosses truites (peut-être des truites de mer) se positionnent devant un rocher immergé mais je n’arrive pas à les faire bouger en nymphe à vue malgré de nombreux changements de mouches.

J’avais précisé à Carlos que pour ma deuxième visite, je voulais privilégier le cadre dans le choix des rivières. C’est donc une entrée en matière parfaitement réussie, les eaux magnifiques du Rio Cares coulant dans une vallée spectaculaire. Le lendemain, cap à l’ouest pour rejoindre notre guide qui nous attend au bord du Rio Piloña.

Les présentations entre Carlos et Jean-Louis sont facilitées par le fait que mon ami, contrairement à moi, parle couramment espagnol.

Si, comme partout en ce moment, le niveau d’eau est très bas, le rio Piloña reste une jolie petite rivière de plaine. C’est au tour de Jean-Louis de profiter des conseils techniques de notre guide.

Les conditions météo et la hauteur d’eau rendent la pêche difficile mais nous prenons régulièrement quelques poissons. La technicité de notre guide est toujours aussi précieuse et mon ami qui ne pêche pas à la mouche depuis longtemps, très en demande d’informations.

Pour notre deuxième journée guidée, Carlos a prévu de nous accompagner sur le Rio Trubia. Sur la partie aval, la rivière est vraiment tintée par les orages de la nuit. En remontant son cours, nous trouvons assez rapidement une eau assez claire pour notre activité.

C’est un profil différent de la veille. Le rio a un profil plus montagneux et il coule dans une magnifique forêt. L’eau s’éclaircit vite et la pêche est tout de suite excellente. Carlos passe d’un pêcheur à l’autre pour nous pousser encore plus loin dans la maîtrise de nos dérives avec de petites nymphes et des pointes fines. Il faut reconnaître que ses conseils sont vraiment utiles et je ne pensais pas pouvoir encore autant progresser en si peu de temps sur une technique que je pratique depuis pas mal d’années.

Le début d’après-midi nous offrira une belle éclosion et une pêche en sèche ludique. Quelques jolis poissons, toujours avec la même robe, seront pris lors de cette session.

En 3 jours, nous avons vu des rivières aux profils différents, toutes très agréables et correspondant parfaitement à ma demande. Nous n’avons supporté aucune pression de pêche. La nature environnante est belle et les villages typiques avec notamment de nombreux horréos (greniers en bois et pierre élevés sur des piliers terminés par des supports plats afin d’en interdire l’accès aux rongeurs).

Nous avons maintenant envie d’aller découvrir les rivières proches du León. Carlos nous guidera à distance car il connait parfaitement la région.

Le camping-car s’avère être un allié précieux car la météo orageuse nous oblige à modifier souvent nos plans, parfois au tout dernier moment.

Après un rapide coup du soir peu fructueux sur le Rio Cubia dont les eaux sont vraiment trop basses, nous arrivons dans la vallée du Rio Luna. Le parcours aval est magnifique mais en coto. Nous contactons Carlos pour essayer de l’obtenir, mais les demandes se font en Janvier et ils sont tous attribués pour la saison le jour même. Nous pêchons donc un peu plus en amont où la rivière a un profil de chalk stream.

Nous attrapons quelques poissons en sèche mais on constate assez vite que le niveau est trop bas pour que la pêche soit vraiment bonne.

Nous continuons la journée sur un affluent, le Rio de Torrestio. La pente est plus forte et le manque d’eau se fait beaucoup moins sentir. Une éclosion d’éphémères est en cours et la pêche est tout de suite excellente. La météo, favorable aujourd’hui, fait durer la période d’activité et nous prenons de nombreux poissons, exclusivement en sèche pour moi.

Nous continuons l’exploration des rivières du León par le Rio Sil. Le nom de cette rivière ne vous est peut-être pas inconnu même si vous n’êtes jamais venu dans la région. C’est en effet une mouche noyée bien connue des monteurs.

Toujours guidés à distance par Carlos, nous attaquons un libre magnifique. La pêche en nymphe n’est pas productive mais les sèches font monter des poissons même en dehors des périodes d’éclosion. De petites imitations d’éphémères ou de sedges nous apportent de nombreux poissons tout au long de cette session. Une journée quasi parfaite où l’on peut juste regretter de ne pas avoir touché quelques poissons plus gros. Notre guide nous explique lors du débriefing quotidien que le parcours est pourtant réputé pour ses gros spécimens et que c’est en raison des niveaux très bas que nous ne les avons pas touchés.

Pour poursuivre notre rapide escapade en León, et après avoir testé rapidement un secteur aval du Rio Luna, nous partons explorer le Rio Torio. Le site est magnifique, la rivière coulant parfois dans des gorges spectaculaires mais un orage récent a fortement teinté l’eau et nous devons nous contenter du panorama.

Sur le chemin du retour et après avoir basculé à nouveau du côté des Asturies, nous faisons une dernière session sur le Rio Cares dont les eaux limpides nous avaient marqués.

Cette semaine de Juin nous aura permis de découvrir des cours d’eau bien différents de ceux visités en Avril. Souvent magnifiques, ils abritent de belles populations de truites. La plupart des sites sont magnifiques et la pression de pêche nous a semblé très faible (2 pêcheurs aperçus en une semaine). Il aura fallu une approche technique pour avoir quelques résultats et la présence de Carlos (à nos côtés ou à distance) aura été un atout majeur. Le fait de pouvoir pêcher essentiellement en sèche aura été une des satisfactions de cette semaine.    

Pour conclure sur ma découverte en 2 temps des Asturies (et un peu du León), ce qui m’a le plus marqué, c'est la difficulté à attraper les gros poissons de cette région. Il faut une approche très technique, maîtrisée et ne commettre aucune erreur.

Carlos est un guide d’un niveau de pêche exceptionnel et je ne suis pas surpris qu’il ait même impressionné les membres de notre équipe de France. Mes 2 séjours ont correspondu parfaitement à ce qu'il avait annoncé :

• Avril : des gros poissons en sèche sur de courtes périodes d’activité de début d’après-midi. Les sessions se déroulent sur des parcours aval dont j’ai peu apprécier l’environnement,
• Juin : beaucoup d’options, notamment sur des cours d’eaux petits et moyens, souvent dans un cadre magnifique.

Je conseille la destination à des pêcheurs expérimentés voulant se confronter à des truites difficiles et/ou à ceux voulant découvrir de nouvelles destinations halieutiques de qualité, loin des parcours sur fréquentés comme les rivières de Catalogne par exemple.

L’accompagnement par un guide comme Carlos me semble indispensable.